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Critique de Colchik


Sur l'Iliade
Il y a quelque temps, la babeliote kade_read demandait aux uns et aux autres s'ils connaissaient le vrai Pinocchio, et non pas la fade version de Walt Disney. Les lecteurs de Collodi savent combien Les aventures de Pinocchio peuvent être âpres, débarrassées de la mièvrerie disneyenne. À la suite de kade_read, j'ai envie de vous demander si vous connaissez l'Iliade autrement que par le film Troie, version Brad Pitt ? L'oeuvre n'est pas d'un abord facile pour plusieurs raisons. La première est qu'il faut se familiariser avec une foule de personnages qui sont appelés par leur nom, par une épithète, voire par un autre nom. Ainsi, Achille est tantôt le Péléide (fils de Pélée) ou l'Éacide (le descendant d'Éaque) quand Pâris est parfois dénommé Alexandre. Il n'est pas toujours aisé de s'y retrouver parmi tous ces guerriers qui ne sont pas très connus pour certains. La deuxième difficulté provient des interventions des divinités, dont les humeurs changeantes entraînent des revirements continuels dans la lutte entre Achéens et Toyens. Athéna peut soutenir Hector, le chef des Troyens (chant VII), puis les Achéens (chant VIII) et Achille. Zeus s'efforce de mettre un peu d'ordre chez les dieux, mais Héra et la face de chouette (Athéna) lui donnent du fil à retordre ! Enfin, le texte ne semble avoir ni début ni fin, du moins ceux que l'on a pu ajouter postérieurement : l'enlèvement d'Hélène par Pâris – origine du conflit – et le sac de Troie ne sont pas évoqués dans le poème. J'ajouterai que la traduction de Louis Bardollet, qui se veut au plus près du texte, n'est pas la plus fluide qui soit.
Pourquoi lire l'Iliade, une oeuvre composée au VIIIe siècle avant J-C ? Pour ses héros que nous découvrons avec leurs qualités et leurs faiblesses, débarrassés de l'imagerie qui les a alourdis. Voici Agamemnon, roi puissant, mais indécis, prompt à s'accaparer le butin des autres. Puis Ménélas le blond, frère du précédent, peu fiable, un brin désinvolte, mais valeureux au combat. Quant à Diomède, il est d'un courage sans pareil. Surgissent encore Ulysse, malin, cruel aussi, et les deux Ajax. À chaque moment épineux, Nestor le sage prodigue ses conseils. Et il y a les fils de Priam, sans oublier les princes qui ont épousé la cause de Troie… Mais le plus extraordinaire de tous est Achille. Sa colère, née de l'injustice que commet Agamemnon en s'accaparant sa captive, Briséis, est indomptable et retentit jusqu'à l'Olympe, suppliant sa mère Thétis de lui venir en aide. Plutôt voir tous les Achéens massacrés que de céder devant Agamemnon ! Quand Patrocle, l'ami fidèle, périt au combat, blessé par Apollon et achevé par Hector, sa rage va conduire les Grecs à la victoire en le ramenant sur le champ de bataille et en lui permettant de défier Hector et de le tuer. Mais Achille nous touche aussi quand il reçoit sous sa tente le vieux Priam, l'écoute, lui offre le gîte et le couvert et accepte de lui rendre le corps de son fils.
L'Iliade est un récit d'une violence inouïe, ponctué de tueries, il nous plonge dans les ténèbres. On se sent oppressé par la présence de la mort, la terrible Khère ; les corps jonchent la plaine et les fossés, la terre est gorgée de sang noir. Les sorties nocturnes des guerriers renforcent ce sentiment de désolation, eux qui se faufilent parmi les cadavres pour espionner les lignes ennemies. Les combats sont souvent sans merci, les morts sont aussitôt dépouillés de leurs armes, profanés, traînés derrière le char du vainqueur et jetés aux chiens.
Quand le récit s'ouvre, les Achéens font le siège de Troie depuis neuf ans : faut-il abandonner le combat, lever le camp ? Dans une brutale accélération des évènements, les faits d'armes vont se multiplier en six jours et sceller le sort des Troyens. La victoire est proche pour les assaillants, mais elle ne sera pas mise en scène, contrairement aux funérailles d'Hector, comme s'il fallait rendre un dernier hommage aux vaincus.
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