AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,05

sur 966 notes
Wake en anglais signifie aussi bien veillée (mortuaire) que sillage (d'un bateau). Deux sens qui justifient le titre du premier roman de l'actrice anglaise Anna Hope, traduit en français par le chagrin des vivants, qui est aussi représentatif de ce qui se trouve dans ce livre magnifique qui évoque l'existence de trois femmes durant 5 jours, jusqu'au 11 novembre 1920, date de l'arrivée du soldat inconnu à Londres. Son cheminement depuis le sol français sert de fil rouge au livre, comme une montée en puissance vers un événement qui, au-delà de la commémoration, marquera en quelque sorte la fin d'un deuil de 2 ans. Il y a parfois des moments "magiques" dans un bon livre quand celui-ci acquiert, par la grâce d'un passage stupéfiant, un statut supérieur et devient réellement bouleversant. Cette scène-là arrive très précisément lors de la confession d'un soldat à l'une des héroïnes du livre. Inoubliable. C'est un récit rare qui est raconté, non seulement parce qu'il est terrible et fait ressentir la guerre de façon viscérale, mais aussi parce qu'il constitue le point de convergence entre ces trois femmes et fait alors comprendre au lecteur à quel point le roman est construit avec une maîtrise extraordinaire, d'autant plus qu'il s'agit du premier de l'auteure. Les portraits de Hetty, Ada et Evelyn, d'âges et de conditions différentes, sont tous marqués par la perte : d'un fils pour l'une, d'un fiancé pour l'autre, d'un frère enfin, même si ce dernier est revenu des combats, mais traumatisé et comme mort à l'intérieur. Plus largement, le chagrin des vivants raconte avec précision et sensibilité la société anglaise de l'immédiat après-guerre qui côtoie en permanence des spectres dans les rues, des hommes auxquels il manque quelque chose que cela soit physiquement ou moralement. Il y a alors parmi les survivant(e)s l'envie d'oublier ou plutôt d'essayer de (re)vivre enfin sans se sentir coupable, sale ou meurtri. La prose d'Anna Hope est limpide, sans aucune coquetterie de style, elle est d'une précision dans les sentiments qui est tranchante comme la lame. Rien à voir avec un mélodrame, le livre dépasse ce stade dans cette symphonie en cinq actes, crépusculaire avec de maigres trouées de ciel bleu mais qui finiront bien par chasser la grisaille. Mais plus tard, bien après ce 14 novembre 1920 quand le temps aura fait son oeuvre et que les blessures encore à vif auront cédé la place à des cicatrices. le chagrin des vivants est un livre splendide et douloureux dont l'écho ne se limite pas à l'époque qu'il décrit mais concerne toutes les guerres, y compris actuelles, pour ses victimes tombées sous les balles et aussi, et peut-être surtout, collatérales.
Lien : http://cin-phile-m-----tait-..
Commenter  J’apprécie          381

Evelyn, Hettie, Ada...

Trois femmes, trois voix frémissantes qui s'élèvent en ces premiers jours de novembre 1920, à Londres...

L'après-guerre, avec ses soldats meurtris à jamais dans leurs âmes et leurs corps. Cela m'a fait penser à " Au revoir la-haut" de Pierre Lemaitre. Mais ici, la parole est donnée aussi et avant tout aux femmes, fiancées, soeurs ou mères. Brisées, elles aussi. Inconsolables. Ne sachant pas comment survivre, revivre peut-être... Vivant avec le fantôme d'un mort, fantômes elles aussi.

Evelyn, triste amoureuse endeuillée, Ada, mère accrochée à l'espoir, au déni, Hettie, qui danse pour six shillings le tour avec d'anciens soldats, toutes sont émouvantes dans leurs désirs cachés, leurs désillusions, leurs envies pourtant de dépasser le chagrin.

Et fil conducteur de ces vies entrecroisées, le convoi venu de France avec le soldat inconnu pour un hommage londonien.

L'auteure tisse , au travers de ces cinq jours, avec sensibilité et sens aiguë de la psychologie, une belle histoire chorale , où L 'Histoire s'allie à des destins individuels.

On ne dira jamais assez les blessures à vif, les familles déchirées, les amours définitivement détruites, à cause des guerres, on ne dira jamais assez le chagrin des vivants...
Commenter  J’apprécie          367
Le chagrin des vivants c'est celui que ressentent trois femmes au lendemain de la première guerre mondiale, plus précisément lors des 5 jours qui précèdent la cérémonie d'accueil du soldat inconnu en 1920. Toutes trois ont souffert ou souffrent encore comme Ada qui ne parvient pas à accepter la mort de son fils, Evelyn qui s'interdit de plaire après avoir perdu son fiancé et Hettie contrainte par l'éducation rigide de sa mère, tout droit héritée du XIXème siècle.

J'ai beaucoup aimé ce roman historique qui est pour moi, un roman d'apprentissage qui aborde le destin de ces trois femmes et surtout leur évolution durant ces 5 jours; roman d'apprentissage où ces 3 femmes tentent d'apprivoiser leurs souffrances, qu'elles se refusent à voir ou à partager et qu'elles vont enfin dévoiler et matérialiser, pour réussir à rebondir, à faire un deuil qui paraissait impossible, s'affranchir d'une éducation ou s'accepter comme pouvant plaire à un homme.
Anna Hope nous offre un premier roman, à plusieurs voix avec, en filigrane le contexte historique de l'accueil du soldat inconnu, un roman de facture classique respectant la chronologie de 5 jours écrit dans un style fluide et sensible. Une belle découverte.
Commenter  J’apprécie          360
Je trouve que le chagrin des vivants devrait presque s'appeler le chagrin des survivants, tant ce roman intense, magnifique et douloureux, parle ainsi et avec une grande justesse de ceux qui sont revenus de ce carnage que fut la première guerre mondiale. Ils sont revenus tant bien que mal, certains mortifiés, totalement brisés dans leurs corps. Mais les survivants sont aussi celles et ceux qui ont attendu leur retour, parfois en vain. Comment vivre, comment survivre lorsque celui qu'on aime ne reviendra plus ? Que sont devenus ces corps sans vie, broyés dans la boue argileuse des tranchées ? Comment faire le deuil d'un corps qui ne revient pas ? Et lorsqu'ils sont revenus, meurtris dans leur chair, parfois amputés d'un membre, les yeux perdus dans un rêve à jamais brisé, comment vivre, comment survivre après cela ? Comment travailler lorsqu'on revient infirme ? Comment tout recommencer ?
Nous sommes en 1920 à Londres, précisément cinq jours avant l'arrivée à Londres du cercueil du soldat inconnu, le 11 novembre 1920. Le roman se pose sur les cinq jours qui précédent l'événement. Anna Hope a construit son roman autour de trois femmes qui prennent la parole durant ces cinq jours.
Ce n'est pas la première fois qu'un récit accorde une place importante au rôle que les femmes ont joué durant cette première guerre mondiale, puis après la guerre. Mais ici le roman fait entendre leurs voix, de manière à la fois sobre et magnifique, dans une lumière dramatique, presque de fin du monde. Elles ne se connaissent pas, du moins pour l'instant.
Ce sont trois femmes que je trouve rebelles à leur manière, pour certaines c'est de manière très forte, pour d'autres cela viendra plus tard, dans la tragédie que cette guerre laisse après elle.
Ce sont trois femmes habitant Londres, qui ont toutes les trois une relation à la guerre. Elles sont par ailleurs toutes issues de la classe ouvrière, celle qui a payé un lourd tribut à la guerre, ce qui les unit aussi d'une autre manière. Une forme de solidarité humble, silencieuse, une chaîne qui ne connaît pas de frontières dans cette blessure collective.
Le roman s'articule avec harmonie dans la résonance des mots de ces trois femmes. Il y a tout d'abord Evelyn, dont le fiancé a été tué, qui travaille au bureau des pensions de l'armée. Il y a ensuite Ada, mère éplorée et qui ne cesse d'apercevoir son fils Michael pourtant tombé au front. Il y a enfin Hettie, qui accompagne tous les soirs d'anciens soldats sur la piste de danse du Hammer-Smith sur des airs de jazz. Son père n'est pas revenu de la guerre et son frère, bien que revenu, ne s'en remet toujours pas...
Deux ans après la guerre, la guerre est encore là. Les cicatrices sont parfois flagrantes. Les séquelles que laisse une guerre derrière elle ne sont pas toujours que physiques. Et ceux qui ne sont plus là deviennent des fantômes, se perdant dans le dédale du chagrin des vivants.
Ces trois voix de femmes sont magnifiques, presque ordinaires et c'est aussi ce qui les rend profondément émouvantes dans leur geste de tous les jours. Nous avons les voix d'une mère, d'une compagne, d'une fille. le deuil les a frappées. La douleur est pourtant la même. Ces hommes étaient aussi des enfants. Elles sont ordinaires dans leur douleur et pourtant le roman se construit presque comme une tragédie grecque, nous les voyons cheminer comme si elle marchait vers le même horizon.
Cette tombe du soldat inconnu, d'un soldat que personne ne connaît, ne serait-ce pas la meilleure manière de pouvoir faire enfin le deuil tant attendu... ?
Il y a pourtant ici ou là une forme d'espoir qui se détache de cette nuit boueuse. Reconstruire... Reconstruire les corps et les coeurs. Les jours d'après. Pas à pas. Recoudre les gestes meurtris, oubliés, désappris par la mort tout autour.
Réapprendre à vivre pour ne plus survivre.
Anna Hope nous le dit avec des mots d'une justesse touchante.
Commenter  J’apprécie          357
"Encore un livre sur la période de la guerre de 14", me suis je dit, pas très motivée par une thématique si souvent romancée.

Et puis, heureuse surprise ! car l'originalité est sans conteste de parler de l'après guerre, des premières années de paix retrouvée dans un décor sépia de douleur et pertes. Deux ans après l'armistice, le temps est encore aux cérémonies du souvenir, comme cette décision de choisir un soldat inconnu pour un hommage national.

La Grande Bretagne compte toujours ses absents, et dénombre aussi ceux revenus des combats dans un pitoyable état psychique ou moteur. Les femmes ont rendus leurs métiers aux hommes mais le chômage est endémique, les traumatisés de l'esprit ou du corps incapables de travailler. La mort de nombreux jeunes hommes a induit une génération de filles condamnés au célibat, sans parler des veuves, toute une population féminine confrontée à des difficultés économiques majeures.

Trois femmes dans l'après tourmente, reliées par un fil rouge de combattants.
une mère qui n'a jamais fait son deuil d'un fils disparu sans sépulture,
une jeune bourgeoise à la vie en miettes qui cherche à se donner un but en travaillant dans un organisme social d'aide aux démobilisés,
une jeune femme, danseuse de compagnie, qui cherche le conjoint idéal dans un monde d'éclopés.

Une lecture au ton juste, factuel, n'appuyant pas sur le "mélo" et trouvant ainsi une crédibilité documentaire indéniable. Des personnages bien construits, une ambiance corsetée et pudique à l'anglaise et au final, cette nécessité de résilience, laissant partir les morts pour regarder les vivants.
Commenter  J’apprécie          350
"Le chagrin des vivants" qui a été très bien accueilli par les lecteurs français, m'a également conquise.

L'histoire se passe en 1920 en Angleterre qui se prépare à rendre hommage au soldat inconnu. Pendant quelques jours on suit trois femmes que la Grande Guerre n'a pas épargnées. Une mère en deuil après la perte de son fils unique, une jeune femme abattue après la disparition de son fiancé et une danseuse confrontée au mutisme de son frère, revenu du front. Leurs émotions sont si bien décrites que la souffrance de chacune est perceptible. On assiste ensuite à un retour à la vie après un long chemin du deuil. Progressivement, le désespoir cède la place à une sorte d'apaisement, au désir de bonheur et à l'amour naissant ou renaissant. Ce réveil (Wake), tel est d'ailleurs le titre de l'original, est dépeint par une belle plume très sensible de la jeune écrivaine anglaise.

J'ai beaucoup aimé la construction du roman qui par son intrigue bien ficelée va lier ces trois destins différents sans que leurs chemins ne se croisent pas vraiment.

Une belle réussite pour ce premier roman très abouti dans la façon de traiter le sujet, si délicat. Une histoire à la fois captivante et émouvante dont la découverte a été un vrai plaisir.
Lien : http://edytalectures.blogspo..
Commenter  J’apprécie          332
Je referme ce roman empreint de tristesse.
L'ambiance est fidèle au titre "Le chagrin des vivants", mon ressenti du chagrin a été très fort tout au long de ma lecture de ce premier roman d'Anna Hope.
L'histoire conte les premiers jours de novembre 1920 jusqu'au 11, arrivée du "Soldat inconnu" depuis la France, pour la cérémonie d'hommage à Londres.
Les chapitres égrènent le quotidien très réaliste et tourmenté de plusieurs personnages.
Il s'agit de celles et ceux qui restent, celles qui ont perdu un fils, un frère, un fiancé..mort ou disparu dans l'abomination des tranchées en France.
(certains passages m'ont évoqué le film 1917, même ambiance très sombre et horrible).
Avec son écriture subtile, l'auteure a bien retranscrit toute la douleur psychologique, la souffrance sourde des (sur)vivants, tous ces individus meurtris jusque dans leur âme.
Commenter  J’apprécie          316
Lire un roman sur le sujet de la Grande Guerre, ce n'est vraiment pas ma tasse de thé ! Cependant l'avis de lecture de Sandrine m'avait plu et donné envie de découvrir ce livre et cette auteure… aucun regret, au contraire !
Par ses mots parfois vieillis et son style chaleureux, Anna Hope parvient à recréer une atmosphère en décrivant des intérieurs chargés d'odeurs de cuisine ou bien froids le matin alors que le feu est éteint. On entend presque les flammes crépiter, la bouilloire chanter. Les esprits des personnages sont chagrinés, préoccupés, lourds de ressentiment, mais une humanité ressort et confère cette portée universelle qui parle au lecteur.
Je trouve le titre formidable, tellement juste qu'il en est presque poétique. La culpabilité d'être vivant, le poids de continuer à vivre malgré ces pertes de proches dont on attendait impatiemment le retour. Ce roman c'est aussi le destin de femmes dont les rêves se sont envolés.
Un livre vibrant d'émotions, un beau témoignage de celles et ceux qui ont vécu la guerre « de l'arrière », et ceux qui en sont revenus.
Commenter  J’apprécie          312
Emprunt de nostalgie, de regrets et de tristesse, « le chagrin des vivants » est une belle histoire à trois voix racontant le difficile chemin du deuil et de l'acceptation, chacune de ces voix traduisant des émotions, des pensées différentes.
« le chagrin des vivants », c'est le chagrin de ceux qui restent et qui ont perdu un être cher, c'est aussi le chagrin de ceux qui sont rentrés de la guerre, traumatisés physiquement, psychologiquement.
*
Le récit débute de manière saisissante. Nous sommes dans la nuit du dimanche 7 novembre 1920. Trois hommes déterrent le corps d'un soldat dans un champ. L'un d'eux :
« Une pensée lui vient spontanément à l'esprit : son frère est mort ici. Dans un champ comme celui-là en France. Son corps n'a jamais été retrouvé. Et si c'était lui ?
Mais il n'y a aucun moyen de le savoir. »
*
Anna Hope a eu la très bonne idée de décrire l'entre deux-guerre du point de vue des femmes, décrivant l'atmosphère particulière de l'après-guerre, à la fois lourde, triste, traumatisante, déboussolante.
Nous suivons Ada, Hettie et Evelyn, chacune meurtrie à leur manière par la guerre. Leurs drames personnels éclairent notre regard sur cette époque. Durant les cinq jours qui précèdent l'arrivée du cercueil du Soldat inconnu en Angleterre, le lecteur suit leur quotidien, entre dans leur intimité, dans leur esprit. Leur douleur est touchante.
Qu'est-ce que cinq jours ? Si peu. Mais ces quelques jours seront peut-être les plus marquants, les plus nécessaires de leur vie. La cérémonie sera comme un baume sur leurs blessures, leurs douleurs, leurs regrets.
*
Hettie, la plus jeune, est danseuse de compagnie au Hammersmith Palais pour subvenir aux besoins de sa mère et de son frère, revenu de la guerre traumatisé et incapable de retrouver une vie active.

Evelyn a perdu son fiancé, Fraser. elle subvient à ses besoins en travaillant au bureau des pensionnés de guerre.

Ada, la plus âgée, a perdu son fils Michaël et ne parvient pas à faire son deuil. Une simple lettre l'a informé qu'elle ne reverrait jamais plus son fils parti à la guerre.
*
J'ai eu au départ des difficultés à m'intéresser aux personnages, trouvant le récit long à se mettre en place, le quotidien de ces femmes trop banal. Et puis, contre toute attente, je me suis attachée à elles, et en particulier à Ada qui est celle qui m'a le plus émue, peut-être parce que je suis mère aussi.
*
S'il n'y a pas d'intrigue à proprement parler, c'est que tout l'enjeu du roman est dans l'ambiance et les émotions.
L'auteur s'attache à rendre compte, avec beaucoup de pudeur et d'empathie, des difficultés à reprendre le cours normal de la vie. Affrontement des sentiments, entre l'envie de vivre et la douleur encore trop vive.

Pour les hommes partis se battre, incapables de retrouver leur place dans une société qui ne les comprend pas. Pourquoi certains soldats ont eu la chance de revenir ? Et pourquoi d'autres sont morts sur le sol français ?

Mais aussi pour celles qui sont restées, victimes collatérales du conflit, qui attendent dans l'angoisse des nouvelles, qui espèrent le retour de l'un des leurs, ou qui commencent le lent et complexe processus de deuil.

« C'est la guerre qui gagne. Et elle continue à gagner, encore et toujours… et celui qui ne partage pas cet avis est un imbécile. »
*
Alternant les récits des trois femmes et les préparatifs de la cérémonie d'inhumation du soldat inconnu, le récit, bien maîtrisé, laisse surtout la place aux émotions. D'une écriture simple, fluide, agréable, l'auteure ne cherche pas, par des phrases surfaites qui atténueraient le sens du message, à faire larmoyer le lecteur. Au contraire, ce style « spontané » nous rend les personnages proches, attachants et sincères.

« le chagrin des vivants » est un roman touchant, délicat. Malgré la douleur de l'absence, la vie continue.
Commenter  J’apprécie          298
A la guerre, il n'y a qu'un seul vainqueur, c'est la guerre elle-même. Assoiffée de sang, affamée de chair humaine, elle est la seule à trouver son compte dans la grande faillite humaine. Aux belligérants, vainqueur ou vaincu, leur lot de dévastation, de chagrin et de larmes.

En 1920 en Angleterre, nous sommes dans le camp des vainqueurs de la grande boucherie qui a lacéré le nord de la France d'un incroyable dédale de tranchées glauques. Les troupes anglaises ont-elles aussi payé leur tribut à la victoire. Effroyable comptabilité qui se chiffre en milliers d'hommes fauchés dans la fleur de l'âge. Anna Hope nous en dit le prix.

Au sein des familles qu'elle implique dans son roman, les plaies ne se cicatriseront jamais. Un fils, un fiancé, tous deux disparus à jamais. Un frère hanté par ses cauchemars, enfermé dans le mutisme. Un autre rongé par le remords. Des mères, des épouses, des soeurs, des fiancées anéanties par le chagrin. C'est l'atmosphère de ce roman qui surnage sur le décor encore fumant de ce lendemain de cataclysme mondial.

En ce 11 novembre 1920, l'Angleterre organise la cérémonie d'inhumation du soldat inconnu. Dans trois familles qui apprendront que le destin les a réunies dans la douleur, des femmes éplorées s'interrogent sur la portée symbolique de pareille initiative. Les aidera-t-elles à faire le deuil de leurs chers disparus dont elles ne savent des circonstances de leur mort que ce que la lettre officielle a bien voulu rapporter avec une compassion froide, toute administrative. Douleur d'autant plus accablante que l'inconnu règne sur les circonstances de la mort de l'un ou de l'autre. Partis en fumée, souvenirs d'un au revoir sur le quai de la gare.

Chagrin des vivants, traumatisme des survivants, Anna Hope analyse avec pudeur et authenticité le désarroi de ces êtres simples, ceux-là mêmes qui ont nourri la goinfrerie de la grande faucheuse. Ils cherchent une porte de sortie à leur cauchemar et tentent de réaliser la mutation mentale qui leur épargnera le renouvellement de pareil cauchemar. Ils se disent plus jamais ça. Et pourtant !

Très beau roman d'Anna Hope, bien construit dans un subtil crescendo de l'intensité dramatique, où il est question de ces vies brisées, celles que la guerre a amputées de la promesse d'un bonheur modeste, sans autre exigence que celle de vivre ensemble. Bonheur volé par l'ogre de la guerre. Pas de responsable. C'est la guerre. Hébétude d'une société qui émerge du paroxysme de l'horreur. L'horreur de prendre conscience qu'une vie d'homme n'était devenue qu'une unité comptable dans la grande soustraction de la guerre. Guerre devenue d'usure, parce que justement il fallait consommer ce qui l'alimentait : les vies humaines.
Commenter  J’apprécie          292




Lecteurs (2031) Voir plus



Quiz Voir plus

Londres et la littérature

Dans quelle rue de Londres vit Sherlock Holmes, le célèbre détective ?

Oxford Street
Baker Street
Margaret Street
Glasshouse Street

10 questions
1059 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature , littérature anglaise , londresCréer un quiz sur ce livre

{* *}