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Critique de isanne


Voilà une lecture qui aura été source de bien des questions, bien dérangeante parce qu'elle m'a obligée à sortir de mes conforts habituels, finalement, avec mes goûts pour certains sujets, mes habitudes de narration, peut-être même le choix d'un style d'écriture.


Dans ce récit, tous les chapitres débutent presque toujours par les mêmes mots - une allusion aux trente-cinq années qu'a passées Hanta dan sa cave à détruire les livres, créant une sorte de leitmotiv et par là évoquant une chose immuable, qui ne pourra s'arrêter qu'avec l'absence d'Hanta de ce lieu oublié comme par exemple s'il part en retraite. Ce dernier nous raconte son quotidien, dans un premier temps : le travail qui est le sien - pilonner des livres à longueur de journée, être "presseur" de livres, tâche qu'il effectue néanmoins dans le respect des pages qu'il détruit en faisant des "paquets" esthétiques garnis de reproductions de tableaux célèbres et au coeur desquels il prend soin de placer une oeuvre qu'il juge magistrale ou pleine de beauté, comme un noyau pour allier culture et couleurs, quoiqu'il en soit. Une façon de rendre hommage à ces pages qui lui donnent tant puisqu'il les apprend par coeur, se les récite, s'en créant tout un environnement à moins que finalement ce ne soit réellement sa vie. Une vie par l'intermédiaire de ce qu'il lit et médite au jour le jour dans sa cave.
Pourtant, tout n'a pas toujours été ainsi et les souvenirs viennent souvent lui parler, faisant réapparaître des amis chers ou des situations alambiquées.

Hanta n'est pas particulièrement attachant au début de ce roman : il est quelque peu négligé, il a un humour grinçant quand ce n'est pas carrément une certaine trivialité dans le ton de ce qu'il raconte...
Il vit dans une maison qui est le lieu où il entrepose les ouvrages qu'il a sauvés de la destruction, qu'il empile, le faisant dormir sous un échafaudage qui est instable, à l'image de sa vie qui ne l'est pas moins.
C'est aussi une histoire de solitude, subie mais surtout cultivée, Hanta vole les phrases des livres qu'il détruit, s'en délecte, s'en construit et il n'est pus livré seulement à lui-même.
Ses seuls "amis" sont les personnages de son passé dont il nous narre la destinée, le phrases se suivent se répètent, comme un ressac, comme la pensée qui va et vient, à l'image du mouvement de la presse, à l'image des idées qui apparaissent dans les vapeurs d'alcool ou les personnages évadés des textes qu'il déchire.

Le jour où il découvre une autre façon de travailler en observant les brigades de jeunes qui, un oeil tourné vers une occidentalisation de leur mode de vie, pilonne sans vergogne et sans curiosité ses chers livres, il sait que ses jours sont comptés et que l'espoir est vain.



J'ai poursuivi ma lecture, même si parfois, je l'avoue, certains passages m'ont perturbée, mais à d'autres moment, il y en a de très beaux sur les Tsiganes, leur culture, leur regard sur ce qui les entoure...
J'ai vu que bon nombre de lecteurs disaient avoir relu plusieurs fois ce texte et en lisant la dernière phrase, j'ai compris le pourquoi, car le regard change sur Hanta et de là sur tout ce qu'on a lu auparavant. La seconde lecture ne manquera pas de permettre une autre analyse des idées et du texte.
Je ne sais dire si ce livre est un chef-d'oeuvre ou non, je n'ai pas les clefs pour le juger c'est avant tout pour moi, un texte qui demande qu'on oublie sa façon de lire habituelle.
Je ne sais pas non plus s'il se veut la critique d'une certaine politique, peut-être à mes yeux davantage la dénonciation d'une perte culturelle qui uniformise les êtres par la pensée unique.

Tout au long de la lecture, je n'ai pu m'empêcher de penser à Vélibor Colic et à son arrivée sur le sol français quand il dit avoir eu l'impression d'avoir dans la poche, sa vie d'avant, son identité, son âme presque, compactées, pour les oublier un peu d'une certaine façon. Lui qui, lors du premier emploi qu'il occupe dans une bibliothèque sauve du pilon les oeuvres de Kafka en les indiquant comme sorties pour une consultation, alors qu'elles restaient désespérément sur les étagères et n'étaient pas empruntées.



Je remercie l'ami babéliote qui m'a guidée jusqu'à ce livre : pari réussi puisque j'ai très envie de lire un autre récit du même auteur, parce que ma curiosité a été piquée...
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