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Critique de Luniver


La peine de mort, dans mon imaginaire, est toujours associée au Moyen-Âge : je vois généralement des criminels traînés dans une charrette au milieu d'une populace sale et bruyante pour rejoindre le centre de la place de la ville. Pourtant, la peine de mort n'a été abolie en France que quelques années avant ma naissance. Et le débat est loin d'être enterré (sans mauvais jeu de mot), car les sondages récents montrent toujours qu'une (très courte) majorité de la population souhaite son rétablissement. Il n'est donc jamais inutile de lire les arguments avancés lorsque la question de l'abolition s'est posée.

Le dernier jour d'un condamné de Victor Hugo raconte les angoisses d'un criminel à quelques heures de son exécution : sa détresse, ses derniers espoirs d'obtenir une grâce, ses dernières pensées vers sa petite fille, … À ma grande surprise, ce récit m'a assez peu touché. Je comprends le but de décrire les angoisses d'un homme sans raconter son passé, pour avoir un symbole plutôt qu'un cas particulier, mais le condamné d'Hugo n'est pas si neutre que ça : par sa manière de s'exprimer, par sa naïveté à se faire dérober son manteau par un autre condamné, on comprend d'instinct que ce n'est pas un habitué du crime, et qu'il s'est probablement retrouvé dans cette situation sur un coup de folie, situation assez pardonnable. La ficelle est trop grosse pour moi, et au lieu de me toucher, le récit m'a plutôt rendu méfiant. Faire seulement appel aux sentiments me paraît en plus à double tranchant (sans mauvais jeu de mot), car dans d'autres situations (on peut penser aux récentes attaques terroristes), un appel à la pitié ne fonctionnera pas du tout.

Les deux textes suivants qui ont été ajoutés dans mon édition me paraissent plus pertinents : d'inspiration biographique, « Claude Gueux » raconte le parcours d'un homme qui a commencé sa carrière de malfrat par le plus pardonnable des crimes, celui de voler pour nourrir sa famille, et qui, pris dans l'engrenage judiciaire et dans l'impossibilité de se réinsérer dans la société, finit par commettre des crimes de plus en plus grands pour pouvoir survivre. Une problématique qui se pose toujours aujourd'hui.

« L'affaire Tapner », enfin, nous arrache du monde abstrait pour nous placer devant les détails techniques : un homme, finalement, ça se tue comment ? Et bien généralement, ce n'est pas très joli ; c'est paradoxal, car si plein de gens perdent la vie si rapidement et si « bêtement », un condamné à mort, lui, ne meurt pas si facilement. Tapner a été pendu, a réussi à se dégager les mains, a tenté de se soulever plusieurs fois pour respirer, et il a fallu que le bourreau s'accroche lui-même à ses jambes pendant 10 minutes pour que l'exécution se termine enfin. On sent bien que pour rester dans le cadre de la Justice avec une majuscule, l'exécution doit être nette, propre, chirurgicale. Et la foule qui a hurlé sur le passage du condamné se retourne violemment contre le bourreau s'il doit s'y reprendre à plus d'une fois pour terminer son oeuvre. Or, toutes les méthodes d'exécution connues sont faillibles : la pendaison prolonge l'agonie pendant des dizaines de minutes, la guillotine tombe mal, la hache ou l'épée ne frappe pas où il le faut, la chambre à gaz, la chaise électrique ou les injections létales ne sont pas correctement dosées, … Malgré la créativité des méthodes, tout ça me paraît immonde, et je ne vois pas comment on peut se sentir propre et du côté du Bien après avoir participé à ça.

Ces trois courts textes m'ont plu dans l'ensemble et provoquent beaucoup de réflexion, même si le dernier jour d'un condamné, qu'on m'avait présenté comme un vibrant plaidoyer contre la peine de mort, m'a finalement laissé assez froid (sans mauvais jeu de mot).
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