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Critique de MarcoKerma


Comme beaucoup - et sûrement l'essentiel - a déjà été dit ici, je vais tâcher d'apporter quelque chose d'un peu différent..
Ce que je trouve intéressant c'est qu'Hugo y a le sens de la concision, de la sobriété : même s'il y a quelques formules qui font mouche (les répliques du condamné à ses divers "visiteurs" sur la fin, qui introduisent, peut-être maladroitement mais plus sûrement ironiquement, de l'humour noir, quelques petites heures avant l'issue fatale), point de grandes envolées lyriques comme dans ses poésies (dont, à l'époque, il a déjà écrit une partie), envolées que j'apprécie en général (donc pas toujours). L
e tout début m'a rappelé l'économie de moyens de l'étranger de Camus (qui gardera cette sobriété tout au long de son texte) et puis, faire écrire son personnage comme Victor Hugo écrit, aurait semer un doute sur la personnalité même de cet homme qui est censé avoir "commis un crime de sang".
On nous dit que V.Hugo aurait écrit ce sujet (qui s'est "emparé de lui") en 2 mois et demi (il me semble), ce qui est bien plus court que le temps d'écriture de ses autres textes (hors poésie). Faut dire qu'il s'était par contre bien exercé à une écriture ample, passionnée, baroque, dans ses 2 premiers romans (Bug-Jargal, son 1er, et Han d'Islande, 5 ans avant).
Donc, pour découvrir V.Hugo c'est un texte accessible.
Ce qui rend ce texte assez intemporel et universel (comme la Déclaration des Droits de l'Homme..), c'est bien sûr l'absence de ce qui caractérise classiquement (chez Balzac par exemple) le portrait d'un personnage : son nom, l'histoire de sa vie passée, une description physique détaillée (très succincte ici) et ce choix, intuitif et réfléchi (voir la préface), s'avère efficace en facilitant l'identification ou en tous cas l'empathie et la compréhension des lecteurs.
Le jeune Victor Hugo est donc amené à faire le choix d'écrire "je", comme si on avait sous les yeux le véritable journal d'un condamné (procédé souvent utilisé au XVIIIè s) mais on nous dit que le seul exemple antérieur d'un livre où un narrateur dit "je" est René (de Chateaubriant), mais avec une dimension autobiographique, ce qui ferait des Derniers Jours d'un Condamné le 1er roman moderne de ce type. Une feuille de plus à la couronne de Victor Hugo !
Sur le fond (le sujet, la peine de mort) : Les arguments développés dans la préface (écrite plusieurs années après la 1ère édition du livre) me semblent convaincants mais je complète (puisque les gens qui voudraient le retour de la peine capitale, seraient paraît-il nombreux en France) par ce que disait un autre humaniste, éteint il y a quelques années, Albert Jacquard : (de mémoire) à savoir qu'une exécution capitale est un crime, un meurtre perpétué de sang froid, commis avec préméditation - donc un assassinat - et en réunion, ce qui constitue, en droit français, des circonstances aggravantes..
Un autre grand humaniste, Robert Badinter - qui n'a pas aboli seul la peine de mort - mais qui a plaidé pour qu'elle le soit (et plaide encore, dans la limite de ses forces, pour que d'autres pays l'abolissent encore aujourd'hui), pour qu'une majorité de députés et de sénateurs votent l'abolition (voir son livre l'Abolition), rappelle, à propos du soi-disant caractère dissuasif de la peine capitale, que dans la foule qui criait " à mort" devant le palais de justice où étaient jugés Buffet et Bontems (jugés pour la séquestration et le meurtre en prison d'une infirmière et d'un gardien) se trouvaient Patrick Henry, qui criait " à mort !" dans la foule présente ce jour-là (P.Henry a plus tard enlevé et tué un garçon de 7 ans.. 4 ans après cela..)
Comme j'aime faire aussi ici des références au cinéma, je conseille à tous les "pro peine de mort" de voir Tu ne Tueras Point de Krzysztof Kieślowski et 2 Hommes dans la Ville, avec Gabin et Delon.

Une autre facette, donc, des multiples talents de Victor Hugo.
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