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Critique de Apoapo


Je comprends parfaitement la raison pour laquelle le traducteur Jules Castier et/ou l'éditeur français Jean-Claude Zylberstein de ce volume paru en 1954 a/ont choisi, avec ou sans l'assentiment ou l'encouragement de l'auteur, d'y rassembler, sous le titre de Les Portes de la Perception, le récit autobiographique de l'expérience d'ingestion d'une dose de mescaline suivi d'une série interminable de textes de mystique chrétienne est bouddhique (et quelques autres sujets non sans rapport). Il est à noter de surcroît que l'ensemble de ces textes étaient encore inédits en Angleterre et certains parus dans des volumes collectifs aux États-Unis, pays visiblement plus ouvert à dédouaner, dans un contexte ouvertement religieux, ce qu'il faut bien qualifier de dithyrambe de l'expérience de la prise d'une drogue psychédélique, recommandée notamment aux intellectuels et même systématiquement dans le cadre d'une « instruction plus réaliste » (p. 68) aux ecclésiastiques... (Une splendide utopie, indiscutablement, que d'imaginer dans l'immédiat après-guerre, une société de clergymen camés !)
Pour moi qui avais jadis trouvé insurmontable l'écueil de la lecture complète de ce monument gigantesque qu'est la Philosophie Éternelle du même Huxley, certains de ces textes de mystique qui suivent le récit autobiographique ont constitué une opportune introduction à cet autre volume, et je ne manquerai pas d'y revenir, si jamais l'envie ou le besoin me prenaient de reprendre en main la Philosophia Perennis. Mais actuellement, la même raison qui m'avait poussé à l'abandonner a produit un effet identique aux deux tiers de cet ouvrage-ci. Une petite aggravation est due au fait que si, dans les années 40, le sentiment de connexion à un Réel immanent et unitaire et intemporel provoqué par un hallucinogène sur Huxley pouvait le surprendre et étonner le lecteur, surtout pour sa similitude avec autant d'expériences mystiques issues de tant de traditions religieuses et d'époques différentes, il est depuis attesté que ce ressenti est extrêmement commun, presque banal dans une multitudes d'états d'altération de la conscience, avec ou sans prise de psychotropes. Mon idée serait que ce sentiment et cette vision mystique spécifiques – et n'en est-il pas de façon analogue des récits des expériences de mort imminente qui se ressemblent relativement aussi, n'est-ce pas amie Colimasson ? – relèveraient d'un archétype jungien, dans la mesure où il est « attendu » voire même « recherché » inconsciemment par l'individu consommateur auquel cet archétype appartient en tant que partie de son univers culturel symbolique collectif. La transe chamanique nous en enseigne plusieurs autres, tout aussi répandus dans L Histoire et à travers des géographies très étendues, au point d'être presque mépris pour des universels : il suffit pour les (re-)connaître de lire Mircea Eliade...
L'enthousiasme pour les drogues psychédéliques (ou autres) a également fait son temps, me semble-t-il, et il n'y a plus que les esprits grossièrement prohibitionnistes ainsi que les anachronistes inguérissables qui en soient restés au manichéisme de la réprobation ou bien de l'apologie de la drogue. Les autres, en bonne foi ne peuvent faire l'économie de connaissances et de réflexions sociologiques, psychologiques voire psychiatriques – qui pourraient, éventuellement et mutatis mutandis, être appliquées aussi au champ du mysticisme sans plus passer pour du blasphème... (je pense à Faire l'amour avec Dieu de Catherine Clément).
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