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Critique de colimasson


Durtal regarde Là-bas, du côté du satanisme, des messes noires, des succubes et des incubes, comme s'il regardait Là-haut, avec le besoin de faire cheminer son âme n'importe où, tant qu'elle ne reste pas sur le plancher des vaches.


Quatre ans après l'écriture de ce roman, Huysmans se convertit au catholicisme. La conversion murissait sans doute depuis quelques années, mais on ne s'en doute qu'à moitié lorsqu'on lit Là-bas. En effet, on ne peut pas dire que ce soit le roman de la foi absolue, sûre d'elle et bien déterminée. Bien sûr, Durtal, excédé par des conversations qui ne résolvent rien, exalté par des monomaniaques d'une pensée, avec qui il fait toutefois bonne ripaille, rendu presque fou par cette Hyacinthe qui le confronte de force à son instinct charnel, allant jusqu'à se sentir des pulsions meurtrières qu'inspire peut-être son sujet d'étude Gilles de Rais, Durtal finit par gueuler, en guise de conclusion : « Puisque tout est soutenable et que rien n'est certain, va pour le succubat ! ». Mais Durtal aurait très bien pu autant s'en remettre à l'esprit scientifique, et se déclarer Charcot ou Curie. Voilà ce qui arrive à ceux qui se palpent trop de la cervelle, à comparer toutes les formes de vie, à emmagasiner les connaissances, voilà ce qui arrive à ceux qui ont trop de vie en eux, trop de curiosité et une tendance passionnelle indomptable : ils finissent par dire oui à tout et lorsque ce n'est plus possible, ils se positionnent sur un coup de tête, à la suite d'une conjonction d'événements favorables : un entourage du même bord, des repas échauffants, un sujet d'étude stimulant.


Durtal et ses copains font un peu penser à Bouvard et Pécuchet en version sombre, attirés seulement par le côté ésotérique des connaissances. Et ce qui est excitant là-dedans, c'est de sentir qu'on franchit des limites qui ne sont pas ouvertes à tout le monde. Il y a beaucoup d'élitisme dans cette attitude, même si les instincts les plus classiques du monde interviennent en silence. Pas la peine de se vanter en invoquant une tendance à la haute spiritualité, Huysmans se montre ici beaucoup plus enjoué que dans A rebours. On sent que ça fait du bien à tout le monde de sortir de chez soi, quitte à fréquenter les messes noires : au moins, il s'y passe quelque chose, et de l'ennui passif, on passe à l'ennui actif. Peu à peu, Durtal arrive à se convaincre de la réalité de phénomènes sur lesquels il se montrait sceptique à l'abord, comme tous ses confrères occultistes, comme tous ses adversaires scientifiques, la ridicule opposition existant entre les tenants de ces deux partis faisant aussi partie du jeu de la croyance. Oui, oui, tout le monde s'amuse, de tous temps et en tous lieux, et comme qui dirait : « Ils feront, comme leurs pères, comme leurs mères […] ; ils s'empliront les tripes et ils se vidangeront l'âme par le bas-ventre ! », ce n'est pas prêt de s'arrêter. Avec Là-bas, Huysmans raconte un peu le côté joyeux et bouffon de la conversion, pas la peine de s'en faire un fromage, mieux vaut encore le dévorer tout entier tant qu'il est encore frais.
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