(je suis désolée : j'ai écrit une tartine, je spoile et j'espère ne froisser personne en plus)
Les mangas et moi avons une histoire assez récente faite de découvertes spontanées. Qu'elle ne fut pas ma surprise de trouver La Rose de Versailles à la médiathèque ! Plongée dans mon enfance (7-10 ans), avec le générique du DA « Lady Oscar » qui a démarré instantanément ! Je suis donc repartie chargée comme une mule des 3 volumes de l'intégrale et prête à redécouvrir l'origine du DA que je ne manquais jamais en mes jeunes années !
J'ai apprécié l'introduction par l'autrice/ la mangana qui rappelle qu'elle n'a pas voulu faire une oeuvre historique, mais une romance historique, les erreurs étant donc nombreuses, choisies ou par ignorance par non accès à l'information historique. J'ai été aussi surprise du succès de ce manga prévu initialement pour une revue de jeunes filles et de sa portée : des générations de Japonaises qui ont fait des études de civilisation et langue françaises et courent visiter Versailles !
C'est quand même un monument, le premier volume, couvrant la période 1774-1789, depuis la naissance de
Marie-Antoinette à la veille de la Révolution française : presque 950 pages ! Avec quelques longueurs parfois. Il y a cependant des pages magnifiques, riches en détails nombreux et très travaillés... ce qui rend d'autant plus horripilantes à mon goût les vignettes bourrées d'onomatopées exprimant de manière exagérées des sentiments comme la colère, l'admiration béate ou la surprise où les traits sont simplistes et grossiers ! Il n'est pas toujours facile non plus de bien distinguer certains personnages féminins lorsque les vignettes sont en gros plan …
J'ai été aussi un peu déçue par une certaine grandiloquence et une théâtralité ridicules dans certaines scènes et dans les dialogues, des propos confondants de naïveté et les prises de conscience politiques foudroyantes des personnages : c'est parfois comique, parfois irritant.
Les émois amoureux suivent le schéma classique guimauve : A aime B qui aime C qui aime D… et tout le monde serre les dents, combat ses sentiments et se sacrifie pour le bonheur de l'autre (avec un certain masochisme, mais le sens du devoir) ! Les héros sont des adolescents, de jeunes adultes aux sentiments entiers… et les lectrices destinataires de ce manga aussi !
Quant aux erreurs historiques, j'ai un peu grincé des dents mais l'autrice a été honnête dans l'introduction, donc ...
FINALEMENT, entre enthousiasme et agacements, je suis allée au bout du volume !, avec globalement, un sentiment de satisfaction et de la curiosité pour la suite.
Je voudrais pour finir évoquer une question qui m'a interpellée, en espérant ne froisser personne et trouver les mots justes pour exprimer ma pensée.
Dernièrement, j'ai vu deux ou trois émissions et lu des articles, traitant des années 1980, disant qu'Oscar était une oeuvre extraordinaire et audacieuse, pour certains subversive, car elle était la première héroïne homosexuelle ou bisexuelle ou transgenre proposée aux enfants, etc. etc.
J'étais petite et je ne me souviens pas des détails du DA.
Mais en ce qui concerne le manga originel, cette lecture du personnage est totalement erronée. Je n'ai rien contre les LGBT+ : chacun aime qui il veut, ça me va très bien. Mais les ré-interprétations ou réappropriations ou réécritures, à contre-sens ou contre-pied de l'auteur, ça m'énerve !
D'abord il faut se rappeler que Oscar n'est pas un personnage historique, mais un personnage fictif, alors non, elle ne représente pas la France des années 1780 ! A la limite, si on cherche un personnage qui présentait officiellement une double identité sexuelle, il faut s'intéresser au chevalier d'Eon : là il y a à dire !
Mais en ce qui concerne Oscar, il est bien clair qu'elle a été habillée et élevée comme un garçon non par goût/choix personnel, mais par le choix de son père qui a décidé qu'il ne voulait pas une fille de plus, que sa dernière fille serait donc son héritier et successeur et le gardien de la dauphine (ensuite devenue reine).
D'ailleurs, Oscar s'insurge quand les opposants à
Marie-Antoinette les accusent, la reine et elle, d'être lesbiennes : 2 pages de négation TRES explicites et l'expression du personnage montre qu'elle ne ment pas pour se protéger ! Oscar a certes pour Rosalie un fort sentiment fraternel (elle lui dit « au revoir petite soeur » quand Rosalie part) et très protecteur (comme pour la reine, Charlotte de Polignac un peu), mais pas de sentiments amoureux. Les femmes, dont Rosalie, tombent sous le charme d'Oscar, mais visiblement surtout parce qu'elle est tout ce qu'elles ne peuvent pas être elles, grâce à sa tenue de garçon. Oscar a pleinement conscience d'être une femme et de tout ce que l'appartenance à ce sexe dans son époque la limiterait et l'empêcherait de faire, donc elle sait et dit que jouer un rôle masculin lui accorde des libertés d'actions, de paroles, de mouvements qu'elle n'aurait pas sinon. Qu'elle soit une femme est officiel, même si tout le monde ne le perçoit pas en la rencontrant, mais même en tenue masculine elle est parfois la cible de propos machos, d'attouchements et de menaces à caractère sexuel par des hommes (les Gardes françaises). Donc même en uniforme, elle ne trompe pas grand'monde.
Côté coeur, elle est clairement explicitement amoureuse de Fersen, son premier amour, et c'est d'ailleurs pour lui montrer qu'elle est pleinement femme qu'elle portera une robe à un bal: une seule fois !
Du coup, non, Oscar n'est pas une héroïne transgenre, ni homosexuelle, ni bisexuelle, mais plutôt une féministe : fictive cependant !!!, puisqu'elle est pleinement conscience de ce que le statut de femme a de limité dans le cadre historique donné et le dénonce. de ce point de vue, je trouve que au milieu de toutes cette guimauve et ce sentimentalisme (ce manga est avant tout une romance historique, un Arlequin à la japonaise), l'autrice a plutôt bien transmis cette idée : la femme en France à la fin du XVIII°s est avant tout un être inférieur dont la vie est dirigée par son père (ou son frère, son oncle) puis son mari et chargée de transmettre un héritage et fournir un héritier …
Malgré tout, c'est quand même une lecture un peu incontournable !!!