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Critique de jlvlivres


« Les Singes bleus » est un roman de Natsuki Ikezawa (2006, Actes Sud, 254 p.) traduit par Yutaka Makino qui nous raconte l'histoire de Yoriko Yoshimura, jeune volcanologue à la station du Mont Asama, au coeur des Alpes Japonaises.

Takuma, le frère de Yoriko la met en contact avec Monden, un soi-disant publicitaire qui a l'idée de monter un service de délivrance d'histoires à domicile ou téléphonées à partir de bornes automatiques. Un montage assez étrange qui dénote avec la scientifique. « Mais d'abord, pourquoi les gens auraient-ils envie d'écouter des histoires ? ». Pourquoi appelleraient-ils sans savoir sur quoi ils vont tomber ? Paradoxalement, elle est presque plus préoccupée de ses vêtements que de science « C'est là que se posait la question des vêtements. Une femme, célibataire, maître de conférences dans une faculté de sciences, est prise en général pour une excentrique obnubilée par son travail. En se présentant ainsi habillée comme pour aller donner un coup de main dans un déménagement, elle renforçait ce préjugé. On risquait d'imaginer qu'elle était fermée à toute discussion, alors qu'elle ne vivait pas uniquement dans un monde fait de croûte terrestre, de magma et de travaux universitaires » Peut-on lire au tout début du roman. Il faut dire que ses explications sur la tectonique des plaques et son lien avec le volcanisme sont plus que succints. Tout droit sortis de sites très généraux, avec quelquefois un peu de confusion entre géologie, biologie ou chimie. Cela se traduit parfois par des phrases assez obscures. « Entre la taille du corps humain et la taille de la Terre, ou encore entre la perception humaine du temps et celle de la Terre, la différence n'est que d'environ sept, huit fois seulement ». Et pourtant l'auteur a commencé des études scientifiques avant de traduire « le Petit Prince » d'Antoine de Saint-Exupéry en Japonais, ainsi que de la poésie grecque ancienne, avant d'adapter la vie de Robinson Crusoé. Il partira trois ans en Grèce.
Des histoires téléchargeables, Yoriko passe à un autre commanditaire des machines de son frère. Celui-ci se pique d'être en plus devin. Peut être un tantinet psychologue, il perçoit assez vite l'intérêt de Yoriko pour son cher Asama. Il lui prédit donc un réveil prochain du volcan avec toutes les catastrophes inhérentes. Et pourtant Yoriko est une scientifique. « Son aversion pour la divination ne venait pas de ce qu'elle était une discipline non scientifique. Non, ce qui lui était désagréable, c'était l'envie de connaître le futur avant qu'il n'ait lieu, de devancer les autres pour faire un exploit. L'homme cherche par toutes sortes de moyens à éviter les rencontres inopinées avec un destin brutal ».
Mais Yoriko a un petit copain, Shogo, qui fait des fouilles au Mexique et qui écrit régulièrement. Il y aura d'autre lettres, longues, cela fait des pages de plus dans le roman. C'est à cette occasion que l'on apprend l'existence « des bandes de singes bleus qui n'arrêtent pas de jacasser dans les arbres » Je connaissais déjà « Les chiens noirs du Mexique qui dorment sans rêver, les singes à culs nu dévoreurs de tropiques, les araignées d'argent au nid truffé de bulles ». C'est de Boris Vian dans « Je voudrais pas crever ». Comme quoi, le Mexique est le pays des couleurs. On comprend mieux l'obsession de Donald Trump à construire son mur.
Par la suite, on pourra lire le journal de madame Hatsu, témoin visuelle de l'éruption du Asama en 1783, la troisième année de l'ère Tenmei. Puis après, on aura l'éruption du Puu-o-Keokeo sur l'ile d'Hawaii « et Pélé chevauchant le front de lave en furie ». La voilà maintenant à Hawaii, chassée de Tahiti à cause de son conflit permanent avec sa soeur Nāmaka, déesse de l'eau et s'est réfugiée au Kilauea à Hawaii. Changement de décor, Yoriko et Monden vont déjeuner vietnamien, avant c'était pizza et lasagnes. Avant d'en arriver à Kismet, « spécialiste de divination » en fait plutôt de combinatoire, ou plutôt, comme on dit en italien de « combinazione ». Il réussit cependant à persuader la scientifique d'une éruption prochaine. Ce qui fait que Yoriko va partir, seule ausculter le volcan.
Le mont Asama est un volcan encore actif, situé dans les Alpes Japonaises, pas très loin de Nagano, à environ 150 km au sud-ouest de Tokyo. Dernière éruption en 2019 et une antérieure en 1783, il est considéré comme potentiellement dangereux. Dans cette région des Alpes Japonaises, la route qui relie Toyama sur la côte à la vallée au pied du mont Asama, la Tateyama Kurobe est célèbre par ses 13 m de neige déblayée chaque année et qui font l'attraction des cars qui passent par là. J'avais été faire du terrain au pied du mont Nishihotake, après avoir pris un téléphérique, le Shinhotaka qui monte à plus de 2000 m, ensuite à pied, on peut aller jusqu'à une hutte Nishino-Sanso à plus de 2500 m. Avec des étudiants plus jeunes, et un matériel peu adapté, j'avais dû renoncer à monter plus haut, avec des pentes à 40°, pour aller voir le plus jeune granite du monde, vieux à peine de 2.6 millions d'années.
Un livre en soi pas trop mal fabriqué, avec des longueurs et du remplissage, comme il fallait s'y attendre. Un peu plus de documentation scientifique n'aurait pas fait de mal, car parfois les approximations sont plus qu'approximatives. Mais on ne peut pas tout avoir. On peut se demander ce que viennent faire les (longues) lettres de Shogo, si ce n'est qu'il n'arrive pas à exprimer ce qu'il voit, ce qu'il vit. « Pourquoi ne pouvons-nous pas témoigner d'une expérience ou d'une sensation autrement que par des mots ? Pour combattre la décomposition due au temps, nous n'avons comme outils que les mots, tellement approximatifs et grossiers, embourbés dans le préjugé et l'erreur. Je voudrais vraiment te transmettre dans sa totalité cette expérience de six mois ». Tout comme Yoriko qui a du mal à faire passer ses connaissances. Alors qui croire de la scientifique ou du pseudo prévisionniste. La première écartelée « Entre la taille du corps humain et la taille de la Terre, ou encore entre la perception humaine du temps et celle de la Terre, la différence n'est que d'environ sept, huit fois seulement ». Mais il faut croire que la phrase est tellement alambiquée que l'on ne sait plus quoi en penser. Ou bien le publicitaire. « Mais dans la réalité, personne n'a le courage de mélanger les cartes qui ont été si bien classées ». Là aussi, on a perdu un bout du décodeur.


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