La péninsule aux 24 saisons

"Peut-être. Toi en tout cas, je te conseille d'oublier, oui, oublie les morts. Tu devrais ne fréquenter que les gens qui vivent. Et vivre pour toi-même, autant que tu peux!..."

"Chaque jour, je lisais en priorité la page du journal local ou figuraient la météo du jour et la description du lendemain selon le calendrier lunaire. Je vérifiais le temps, les températures, ainsi que le lever de la lune. À Tokyo, tout cela ne retenait pas mon attention mais ici, ces informations donnaient du relief à la vie quotidienne, elles étaient précieuses pour ponctuer le rythme des jours." p.184

" Comparé au calendrier qui divise les douzes mois en trente ou trente et un jours, celui qui répartit les périodes de l'année en vingt-quatre saisons donnait du relief à la monotone répétition quotidienne et me causait une légère excitation. Ces saisons qui arrivaient tous les quinze jours étaient comme des gares ou on montait etdescendait. Telle petite gare montrait soudain son visage quand on sentait le changement d'air." p.67

"On compare parfois les bourreaux de travail à des abeilles butineuses, mais à la différence des êtres humains, elles travaillent sans relâche, avec pour seul repos deux mois d'hiver pendant lesquels elles n'ontpas besoin de beaucoup remuer, et il paraît qu'elles ne vivent que cinq mois environ. La reine a pour tâche de s'accoupler avec les mâles pour pondre en une journée deux mille oeufs, et quand elle a rempli sa mission, une autre reine succède. Les mâles donnent leur vie pour féconder la reine et les autres abeilles n'ont rien à voir avec la copulation et elles ne font que s'épuiser au travail, à la recherche des fleurs à butiner. Puis elles meurent avec discrétion, sans laisser de regrets." p.48

"la couleur du miel diffère en fonction des fleurs que les abeilles ont butinées. Jaune foncé pour le miel de colza, blanc crémeux pour le miel d'acacia, paraît-il. J'apprenais ainsi de la bouche de Kayoko les différences de nuances.
Le miel jaune clair qui remplissait les bocaux était le miel de saison, butiné à partir de trèfle." p.37

« Même si je ne parlais à personne de toute la journée, la forêt et les champs retentissaient de chuchotements. Toute la vie de la nature parlait ».
.

Ces paroles sincères m'ont fait du bien. Ici aussi, il y avait des difficultés et des discordes. Dans le hameau aussi. Ce que Kayako voulait dire, tout simplement, c'est que le paradis n'existe nulle part.

Alors que ma tête retentissait d’une musique splendide, autour de moi, tout n’était que silence. La lune était d’une clarté coupante. L’astre qui s’amenuisait de jour en jour indiquait distinctement, dans le contour de son arc, le temps disparu. La lune retrouverait de nouveau sa plénitude, mais le temps dans lequel vivaient les hommes se perdait définitivement, comme le sable file entre les doigts. Impossible de combler la faille par où il s’enfuit, comme on le ferait en bouchant un trou avec du mastic.

Je n’ai rien contre les nuits pleines de lumière des grandes villes du XXIe siècle et j’ai toujours profité des commodités de la vie citadine. Par ailleurs, j’aime aussi la forêt qui la nuit, a une odeur de préhistoire. […] je suis habituée à jouir des deux, et je sais que je ne pourrais jamais renonce à l’un ou à l’autre.

« Pour être sauvée, elle n’avait eu d’autre solution que de retourner dans son abri, dans l’immense ville assourdissante, dont seul le vacarme était capable de neutraliser les voix des autres.
J’étais dans le cas contraire, j’avais éprouvé la nécessité de fuir les autres, la vitesse, et j’étais venue sur la presqu’île pour vivre pleinement dans la lumière et l’animation de la nature qui ne cesse de traverser les vingt-quatre heures de la journée. »