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Critique de AtelierdeClaire


Une première pour moi avec cet auteur, découvert et lu dans le cadre du Challenge Solidaire Babelio.
Ignorant tout des écrits de John Irving, c'est le hasard total qui m'a menée vers ce titre, qui aurait pourtant dû m'alerter un tant soit peu...

Autant le dire d'emblée, je n'ai pas été très à l'aise avec cette lecture, très déroutante et que je n'ai pas vraiment réussi à apprivoiser.

En vrac, il est question, durant 600 pages (et environ 60 ans), d'orientations et d'identités sexuelles variées, d'expériences diverses en la matière (toujours très crûment explicitées), de parcours de vies avec des sexualités "différentes", le tout servi entre deux répétitions de pièces de Shakespeare ou d'Ibsen, ou avec un air d'opéra. Déroutant je vous dis !

Durant les 200 premières pages, c'était tellement particulier que j'ai failli lâcher prise, comprenant difficilement la direction que voulait prendre le roman.
Puis arrivée péniblement à la p. 254, j'ai lu " Quand on n'a pas lu un livre, on ne peut pas vraiment savoir de quoi il parle"... alors je me suis obligée à poursuivre, pour savoir donc, et me sentir plus légitime à donner mon avis.

C'est extrêmement foisonnant comme histoire, ça part un peu dans tous les sens, mais avec un point d'ancrage, un véritable leitmotiv : celui de l'ambiguïté de la sexualité du personnage principal, William, alias Bill ou Billy (... ou John Irving lui-même, qui sait ??) qui passera toute sa vie à se chercher.
La narration à la première personne teinte le récit d'une nuance autobiographique qui aurait pu être immersive, s'il ne m'avait pas été si compliqué de me fondre dans la peau de ce garçon, dont j'ai pourtant perçu la souffrance psychologique liée à sa différence, mais pour lequel je me sentais tristement impuissante, et qui m'a laissée, simple observatrice, au bord d'une histoire qui me dépassait, car par trop éloignée de mon univers et de mes capacités d'identification.

Et puis, il y a, autour de tous ces tourments, cette obsession permanente pour la sexualité, crue, nue, sans poésie, sans états d'âmes, sans sentiments ni passion, sans véritable amour, juste afin d'assouvir pulsions physiques et fantasmes. J'ai trouvé ça glauque, vulgaire et laid... Et au final, quelle solitude et quelle tristesse...

Heureusement, il y a quand-même l'originalité de la construction, qui nous transporte progressivement dans le temps, de l'enfance du narrateur à la maturité de sa soixantaine, avec pour deuxième fil rouge, une thématique littéraire et théâtrale intéressante et très présente, habilement reliée au reste du roman, mais exigeant de solides connaissances de la part du lecteur.
Et là, j'ai dû faire preuve d'humilité face à mes souvenirs shakespeariens étiolés, qui ne m'ont certainement pas permis d'apprécier la totalité des parallèles établis entre les personnages des pièces et les soucis d'identité des acteurs.

Mais malgré les sujets sensibles abordés, malgré les drames et difficultés vécus par les différents protagonistes, j'ai manqué d'émotions, d'empathie, de ferveur. Avec cette impression que le narrateur restait lui-même prisonnier dans sa propre vie, passablement indifférent et impassible aux événements extérieurs. Ce regard froid et caustique qu'il portait à lui-même et aux autres, telle une carapace, en était même assez perturbant, jusqu'à l'arrivée (dans les 200 dernières pages) des années 80, les fameuses "années Sida", avec leurs ravages, correspondant aussi à l'âge de la maturité pour Bill.
Là, j'ai enfin ressenti en même temps que lui, sa terreur, mêlée de chagrin et d'incompréhension, son sentiment d'injustice, toujours bizarrement accompagnés d'une sorte de mise en retrait désabusée, mi lâche, mi fuyante.

Cette dernière partie, effroyable et pourtant davantage posée et très bien documentée, apporte un équilibre appréciable à l'ensemble du roman et me permet de pondérer mon premier ressenti à cette lecture si originale, que je suis donc satisfaite d'avoir finalement menée à terme.
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