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sur 732 notes
« Le plus difficile dans l'ouverture d'esprit c'est la gestion des courants d'air »
Me revient en tête cette réflexion de... je ne sais pas qui, mais fort à propos car ce dernier roman d'Irving fait précisément dans la turbulence en matière de largeur d'idées.

Bisexualité, homosexualité, transgenre... avis de grand frais sur l'Amérique bien-pensante des années cinquante où ces thèmes inconvenants soulevaient – soulèvent encore – intolérance et sectarisme saumâtres.

« A moi seul bien des personnages », une fiction à tiroirs emmenée par ce titre habilement emprunté (pour la version française) au théâtre de Shakespeare, omniprésent au long des aventures de cet autre William qui en sera le narrateur. A lui seul, en effet, bien des personnages, bien des histoires d'amour et bien des introspections.

N'allons pas réduire néanmoins ce roman à un éloge primaire de la diversité sexuelle. Car Irving ici ne glorifie pas plus qu'il ne juge ou s'apitoie. Il raconte, simplement, avec humour et justesse. Il dit les sentiments, les désirs, le sexe, et les tourments universels qu'ils induisent. Ainsi, quelles que soient les ambiguïtés de ses personnages, c'est d'abord la quête d'identité, de tolérance et d'amour qui constitue à mon sens le coeur de cette oeuvre infiniment attachante et le point commun des âmes complexes qui escorteront l'ami William sur plusieurs décennies captivantes.

Alors à ceux qui nient la réalité des différences et la fatalité des émotions, ça ne peut pas faire de mal, essayez donc ce roman.

A ceux qui ont déjà tout compris... raison de plus, lisez-le aussi.



Lien : http://minimalyks.tumblr.com/
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Quel plaisir de retrouver le grand Irving, celui du 'Monde selon Garp' ou de 'L'Hôtel New Hampshire', après ses derniers romans qui m'avaient paru un peu fades... Fade, 'À moi seul bien des personnages' ne l'est pas du tout, mais plutôt irrévérencieux, politiquement incorrect et pour tout dire assez barré. Et génial, en tout cas à mes yeux.

Comme quoi, Irving a le talent de transformer n'importe quoi en grand livre, y compris une vie de gentil n'importe quoi comme celle de Billy Abbott ou un texte de grand n'importe quoi comme celui-ci, avec sans arrêt des digressions, des sauts dans le temps et des analyses littéraires de Shakespeare ou Ibsen...

'A moi seul bien des personnages' est à la fois un roman d'apprentissage classique, celui du narrateur Billy, et un roman sur les différences sexuelles : homosexualité, bisexualité, travestissement, transsexualité. Car Billy est bisexuel, d'une part, et d'autre part côtoie toute sa vie des gens sexuellement hors norme, de sa famille totalement improbable à ses élèves 'en devenir', sans oublier ses amis, ses partenaires et ses mentors...

L'idée n'est évidemment pas de faire un catalogue des particularités sexuelles de chacun, mais de raconter l'amitié, l'humour, l'amour, le désir, les belles rencontres, les moments tragiques, les doutes, les souffrances. La vie comme elle est, en somme, même quand on est 'bêtement' hétéro comme moi, mais avec en prime une tranquille exhortation au respect et à la tolérance.

Un livre à lire pour tout ça, donc, mais aussi pour le plaisir d'apprendre à faire un duck-under comme les lutteurs, pour se rappeler qu'il faut penser 'préservatif' dans certaines circonstances, pour découvrir qu'on peut rencontrer l'amour de sa vie en lisant 'Madame Bovary' aux toilettes, pour savoir ce que devient le canard chez Ibsen, et pour rencontrer pêle-mêle Elaine, le grand-père, Miss Frost, Kitteredge, Larry, Tom, Donna, Gee, Richard et Muriel-de-quoi-j'me-mêle.
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Billy a quinze ans lorsque le récit de son histoire commence. Il voit bien qu'il n'est pas attiré par le même type de personne que ses camarades. La Nature s'est jouée des conventions et lui a attribué des goûts que la société réprouve, « le terrible fléau de la morale publique », comme il le lira plus tard dans le roman « La chambre de Giovanni » de James Baldwin.
Il y a pourtant Miss Frost, la bibliothécaire, femme à la quarantaine énigmatique avec sa poitrine prépubère et ses épaules carrées dont il est secrètement amoureux. Elle pourrait être la parade à ses déviances même si elle est une femme d'âge mur, et l'aider à réaliser sa vocation : devenir écrivain.
Son père a fui le foyer dès son plus jeune âge pour des raisons que seul un « honteux » secret de famille saurait justifier. le jeune Bill évolue dans une famille de théâtreux. Sa mère est souffleuse, pendant que son grand-père se travestit sur scène pour endosser les rôles des héroïnes des pièces qu'ils jouent.
John Irving narre avec toute l'humanité et la vraisemblance, les errances sentimentales et libidineuses d'un jeune homme.
Il est cet auteur dont la particularité est de commencer l'écriture de son manuscrit par la dernière phrase :
« Ne me fourrez pas dans une catégorie avant même de me connaître ! C'était ce qu'elle m'avait dit, et je ne l'avais jamais oublié. Faut-il s'étonner que je l'aie répété à mon tour au jeune Kittredge de toutes les certitudes, fils de mon ancien bourreau du coeur et amour interdit ? »
Phrase qui annonce bien toute la thématique de ce remarquable opus de l'oeuvre de cet auteur.
Architecte des mots, John Irving battit cette histoire comme une cathédrale dédiée à la souffrance morale et au calvaire intérieur que vivent bien des personnes égarées par le propre de leur nature tourmentée. Comme tout lieu saint, le roman-sanctuaire de John Irving invite au calme du recueillement, à la réflexion et à l'introspection. Au loin s'entendent les cris de ces païens, étrangers à cette scandaleuse religion, sans jamais troubler, perturber les convictions de ces âmes perdues pour la société impie et moralisatrice.
« A moi seul bien des personnages » est un roman qui, sans jamais tomber dans l'écueil du drame, avec beaucoup de gentillesse et de bienveillance, transcende la notion de liberté individuelle. C'est un hymne au droit de chacun de disposer de sa vie comme bon lui semble et un camouflet aux hordes de hyènes « bien-pensantes », à cette couarde foule, cette meute de furies à la condamnation facile, cette horde d'individus sclérosés par leurs frustrations, cette ignorance mère de toutes les abjectes bêtises.
John Irving délivre un message de paix et d'apaisement face aux tensions qui agitent trop souvent une société qui ne tolère pas la cohabitation des différences.
La richesse d'une société comme d'une vie est dans sa diversité (dixit votre dévoué).
Traduction de Josée Kamoun et Olivier Grenot.
Editions du Seuil « Points », 590 pages.
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Autant vous l'avouer même si j'en ai honte : j'ai frôlé la catastrophe. Un roman de John Irving, avec un si joli titre, et pourtant…j'ai bien failli m'y ennuyer. Je me suis demandé si j'allais le terminer, j'ai cru me perdre dans cette concentration invraisemblable de personnages sexuellement ambigus.
Heureusement, juste avant que je me résigne à chausser mes souliers de plomb pour aller au bout de ce pavé, la magie a opéré et je ne l'ai plus lâché.

Et donc, sous les auspices de Shakespeare et d'Ibsen, de Flaubert et Dickens, le rideau se lève sur le narrateur, Billy, jeune adolescent qui se cherche une identité sexuelle. Précisons que nous sommes au fond du Vermont, dans l'Amérique des années 60. La quête de Billy est donc par définition discrète et délicate, à une époque où l'homosexualité est encore considérée comme une maladie qu'il faut soigner. Déjà pas aidé par le contexte austère, Billy ne peut guère compter sur des repères familiaux solides : un père très vite volatilisé après sa naissance, une mère fragile voire hystérique, un grand-père jouant exclusivement des rôles féminins dans la troupe de théâtre amateur locale, une grand-mère et une tante (et même une cousine) castratrices.
Troublé par les « béguins » qu'il éprouve à la fois pour son beau-père, Miss Frost la bibliothécaire, et Kittredge, le lutteur-vedette du lycée, le jeune Billy ne sait plus à quel sein (non, ce n'est pas une erreur) se vouer.
Chronique d'une vie passée à se chercher, se cacher (années 60), s'affirmer (années 70), justifier ses orientations sexuelles (années 80), s'excuser presque de ne pas être mort du sida (années 90), puis enfin à s'épanouir (années 2000), A moi seul… déroute au début en zigzagant sans cesse entre les époques et les digressions.
C'est souvent cru, rarement vulgaire. Même si on trouve quasiment à toutes les pages le mot « sexuel » avec sa panoplie de préfixes (hétéro-, homo-, bi-, trans-), sans oublier la catégorie « travesti » et le sens nouveau (pour moi) des mots « actif » et « passif », on reste dans le grand style d'un grand écrivain.
Avec le théâtre pour thème secondaire, ce roman ne pouvait qu'osciller constamment entre comédie et tragédie : personnages et situations cocasses, chapitre bouleversant mais sobre sur le drame du sida.
Moins drôle que le Monde selon Garp, carrément triste si on le compare à L'épopée du buveur d'eau, on retrouve cependant une férocité de ton quand Irving flingue l'intolérance de l'Amérique puritaine.
Ce n'est peut-être pas le meilleur Irving, mais à ce niveau-là, on est de toute façon bien au-dessus de la moyenne…
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De son père, William Abbott n'a gardé que très peu de souvenirs. Pourtant, très jeune, il s'interroge sur ce qu'a pu lui transmettre celui que sa mère a surpris ''embrassant une autre personne''. Ce n'est certainement pas de cet homme sorti très vite de sa vie et qualifié par sa grand-mère et sa tante Muriel de coureur de jupons qu'il tient ses ''béguins contre nature'', celui par exemple pour Richard Abbott, jeune professeur à la First River academy, talentueux metteur en scène de la troupe de théâtre de l'école. de son grand-père Harry alors ? Lui qui a fait les beaux jours du théâtre municipal en y interprétant merveilleusement les plus beaux rôles de femmes, à la tête d'une scierie à la ville, dans ses corsets de taffetas à la scène. Mais son penchant coupable pour Richard disparait quand celui-ci épouse sa mère et lui donne son nom, mettant définitivement hors-jeu le coureur de jupons. Installée dans un logement de fonction au sein de l'école, la nouvelle famille se lie avec les Hadley. Elaine devient sa meilleure amie, tandis qu'il fantasme sur sa mère. Ses béguins se font divers et variés, les plus remarquables étant Miss Frost, la bibliothécaire, femme mûre aux seins d'adolescente et Jacques Kittredge, le capitaine macho de l'équipe de lutte dont Elaine s'éprend également. Malgré un contexte hostile, William grandit et se construit dans la bisexualité, passant d'hommes en femmes, certaines même transgenres. Des années 50 aux années 2000, il déroule sa vie, du Vermont à Vienne, de New-York à Madrid, se refusant à choisir entre ses préférences sexuelles.



Comme à son habitude, John Irving a mis un peu, beaucoup, de lui dans son dernier roman. On y retrouve ses thèmes de prédilection, puisé dans sa propre biographie. William Abbott est donc un écrivain en devenir, élevé sans son père, éduqué dans une école de garçons où la lutte est le sport en vue et qui séjournera à Vienne pendant ses études. Mais bien sûr le jeune Billy n'est pas John Irving dont il diffère par sa sexualité problématique à ses débuts puis de plus en plus assumée. Ces ''béguins contre nature'', ces ''erreurs d'aiguillage amoureux'' sont le prétexte à une critique de l'Amérique bien-pensante où l'homosexualité est une déviance, une maladie mentale que l'on doit soigner. En Europe, son héros se libère de ses entraves morales mais son cas est toujours difficile à gérer; le bisexuel est mal vu par les hétéros comme par les homos. Mais au-delà des problèmes, A moi seul bien des personnages est surtout un hymne à la liberté et à la tolérance. Sans parti pris, ni jugement, Irving raconte une communauté qui a beaucoup souffert. Ses pages sur les années sida, fortes et pudiques, sont à la hauteur du Philadelphia de Jonathan Demme. Son Billy Abbott nous promène dans un monde et des pratiques parfois inconnus, mais sans militantisme ou revendications. Homosexuels, actifs et passifs, bisexuels, mais aussi transgenres prennent une réalité que certains voudraient ignorer dans le meilleur des cas, éradiquer dans le pire.
Un roman où il est difficile d'entrer à moins d'être féru du théâtre de Shakespeare ou d'Ibsen, puis, petit à petit, la magie d'Irving opère. Billy Abbott devient un intime, un ami et l'on s'immerge dans la petite communauté de First Sister, Vermont, et tous ses habitants deviennent des familiers que l'on peine à quitter. Encore une fois, John Irving signe un livre essentiel pour faire réfléchir, rire et s'émouvoir. Une réussite de plus pour celui qui depuis toujours prône la liberté de pensée, le droit à la différence, la tolérance. A lire !
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En tournant la dernière page de ce roman, je me suis demandée : « pourquoi diantre n'ai-je jamais lu d'oeuvres de John Irving ?! » Moi qui avoue sans vergogne préférer la littérature américaine, comment ai-je pu passer à côté d'un tel auteur, d'un tel style ?! Les éloges dithyrambiques sur l'auteur du Monde selon Garp m'ont sans doute découragée ; la peur de ne pas m'attacher à son style, de ne pas accrocher à son monde et finalement de me sentir exclue du cercle des aficionados m'ont fait repousser l'échéance. Et voilà que l'on m'offre son dernier roman avec l'injonction de le lire. Soit je m'exécute et croyez-moi je ne le regrette pas ! Quatre jours de lecture quasi intensive (par salve de 4h00 de lecture ininterrompue avant d'aller me coucher) pour venir à bout de ce pépère de 600 pages mais 600 pages intenses, magiques, émouvantes, qui m'ont transportée.

Le narrateur d'A moi seul bien des personnages est un adolescent, William Abbott, dont on suit l'éveil sexuel au début des années 60 dans une ville un tantinet puritaine du Vermont. Intelligent, sensible et passionné de littérature, William a été élevé par sa mère et ne sait pas grand-chose de son père qui l'a abandonné à la naissance. Entouré par une famille excentrique : une grand-mère et une tante vieille-école et castratrices, c'est auprès des hommes - son oncle Bob, son grand-père fantasque (acteur phare de la troupe de théâtre de la ville qui affectionne les rôles de femmes) et plus tard son jeune beau-père, metteur en scène - qu'il s'épanouit et apprend à s'interroger sur ce qu'il est. Car notre jeune héros découvre assez tôt son ambivalence qu'il va tenter de cacher aux yeux de tous : il est bisexuel. Fou amoureux de la bibliothécaire de la ville, l'intimidante Miss Frost, sorte de géante aux petits seins qui l'a initié à la lecture (et plus tard à l'amour), il est aussi irrémédiablement attiré par le beau gosse macho et charismatique (leader de l'équipe de lutte) de son école privée pour garçons où il ne fait pas bon « être de la jaquette ». Déchiré parce qu'il ne sait pas et ne veut pas choisir, rejeté à la fois par les homosexuels et par les hétérosexuels, William Abbott manie l'art du faux-semblant et des apparences jusqu'à s'assumer, au prix d'efforts douloureux et à s'accepter tel qu'il est.

Beau roman d'initiation, A moi seul bien des personnages dresse le portrait d'un jeune homme attachant et touchant qui toute sa vie n'aura de cesse de se chercher et de courir après le bonheur. Confronté à l'intolérance et aux préjugés (notamment de sa mère), il fait l'amère expérience de la dissimulation. C'est aussi une très belle galerie de personnages, tous égratignés par la vie : sa meilleure amie, sa mère, son grand-père, le beau gosse macho de son école, Miss Frost, tous liés par l'art de la dissimulation et des secrets. Car là réside le fond du roman : notre vie durant nous sommes tous amenés à cacher ce que nous sommes, prétendre être ceux que les autres attendent de nous. Pour autant, ne sommes-nous pas intrinsèquement ambivalents et plusieurs visages à la fois : l'enfant aimant, l'être de raison, l'homme ou la femme passionné. C'est tout le génie de John Irving qui nous livre une très belle histoire d'amour et un très beau morceau de vie, nostalgique et sensible, cru dans le choix des mots (âmes trop chastes s'abstenir). La prouesse d'insuffler dans ce roman d'initiation choc toute la pudeur liée à un passage émouvant vers l'âge adulte, fait d'A moi seul bien des personnages un véritable petit bijou.
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John Irving est l'un des rares auteurs à pouvoir traiter un sujet en profondeur sans me lasser. Alors que la plupart des écrivains s'emmêlent les pinceaux dès qu'ils essayent de traiter plus de deux points de vue, Irving les multiplie au fil des pages sans nuire à son récit. Il m'avait déjà séduit avec « L'oeuvre de Dieu, la part du diable » sur l'avortement, il recommence dans ce livre sur le thème de la sexualité.

L'histoire doit provoquer quelques frissons d'horreur chez les âmes sensibles : un jeune garçon bisexuel, qui vit sa première expérience amoureuse avec une transsexuelle de 40 ans, ancien lutteur devenue bibliothécaire municipale. Irving évite adroitement tous les clichés, et rend ses personnages crédibles et profondément attachants. Aucun jugement de valeur, positif ou négatif, n'est posé : chaque protagoniste raconte sa vie et ses expériences, au lecteur de juger comme il le souhaite.

Bel hymne à la tolérance, comme on aimerait en voir plus souvent. Espérons qu'un jour, les lecteurs s'étonneront de la banalité de l'oeuvre, et se demanderont pourquoi il a fait couler tant d'encre.
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Un magnifique roman sur l'altérité. Quel personnage cette Miss Frost ! Et Al, dont le prénom commence justement comme altérité, comme alternative aussi. Ils m'ont beaucoup touchée. Des lutteurs nés ! le ring, la lutte. C'est du Irving. Il aime. J'aime.

C'est un très beau roman tant par l'écriture (drôle, un humour bien nécessaire pour tenir face aux éléments, aux événements aussi) que dans sa construction, subtile (une fausse linéarité de la vie qu'Irving met en lumière par petites larmes).

J'ai repensé à Thomas Andrieu (Arrête avec tes mensonges) à l'occasion de cette lecture. « On pourrait dire que c'est une histoire où le refus de s'assumer tue » comme si rien ne change où que l'on soit.

Et puis je me suis légèrement agacée en lisant les lettres L. G. B. T. ... Et Q qui s'y ajoute plus tard. Q « en questionnement »... Non pas que le Q me questionne mais je milite pour l'absence de case. Comme le dit si bien Irving « Je vous prierai de ne pas me coller d'étiquette. » Pourquoi faut-il créer des cases pour être ? J'ai du mal à l'admettre. Je le comprends pourtant. Alors je serai contente le jour où cette petite chenille de lettres aura bien grossi. Qu'elle grossisse encore et encore afin qu'elle adopte les vingt et unes lettres restantes de l'alphabet pour que le monde soit un, en paix. On parle de sexualité entre adultes consentants quand même, ce serait bien si on parlait aussi comme des grands. Oui je suis aussi une intolérante de l'intolérance, nobody's perfect.

Enfin je dis ça, mais « ne me fourrez pas dans une catégorie avant même de me connaître ! »

Stéphane, je te remercie pour ce magnifique et très émouvant cadeau. J'ai mis du temps à le lire. Désolée. Tu sais que si je lis un jour Shakespeare, ce sera grâce à toi ! Ces répétitions m'ont donnée goût. Peut-être pas Ibsen. Quoi que...

Au fait... « Et le canard, qu'est-ce qu'il devient ? »
Parce que c'est aussi un roman d'amitié, hein ? :)
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Il faut bien le dire, John Irving est un auteur assez atypique. Ses romans sont foisonnants et parsemés de personnages tous plus excentriques les uns que les autres, en écrivant cela je pense soudain à Pedro Almodovar...
Comme dans le Monde selon Garp, nous écoutons ici la voix d'un homme qui nous raconte sa vie, personnelle, sexuelle, professionnelle, de sa naissance à sa mort, ou presque. Il a soixante-dix lorsqu'il se retourne sur cette vie. Pour y découvrir quoi, au juste?
Qu'il est passé à côté des êtres qui ont pourtant bouleversé sa vie? Son père absent, l'envoûtante Miss Frost, l'ambigu Kittredge, et même son amie d'enfance, Elaine, aucun d'eux n'est qu'un - comme l'indique d'ailleurs le titre.

"Mon ami, je vous prierai de ne pas me coller d'étiquette. Ne me fourrez pas dans une catégorie avant même de me connaître!"

Elevé dans une famille de comédiens au coeur d'une petite ville universitaire, par des femmes dominantes et des hommes à la masculinité flottante, Bill, ou Billy, va devoir admettre sa bisexualité puis la vivre. Adolescent dans les années 70 - pas facile d'assumer ses penchants, alors - adulte dans les années 80, en pleine épidémie de Sida, son époque va lui coller à la peau.
A moi Seul bien des Personnages est un roman à la fois drôle et grave mais surtout déjanté! J'ai parfois été surprise des digressions, sauts d'une époque à une autre, et j'ai eu du mal à comprendre certaines réactions émotionnelles. Et puis en refermant le livre, j'ai eu ce sentiment douloureux de fugacité, une vie passe et voilà. La vie ne nous apprend rien.
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« Comble d'ironie, ma première bibliothèque était bien modeste. C'était la Bibliothèque municipale de la petite ville de First Sister, dans le Vermont – un bâtiment trapu, en brique rouge, situé dans la même rue que la maison de mes grands-parents. J'ai vécu chez eux, à River Street, jusqu'à l'âge de quinze ans, c'est-à-dire jusqu'au second mariage de ma mère. Ma mère a rencontré mon beau-père sur les planches. »

Bill Abbott, le narrateur de ce roman à l'amplitude habituelle chez John Irving, est un adolescent américain du milieu des années 1950. Il est le seul rejeton d'une mère divorcée. Son père, qu'il a à peine connu, a vite quitté sa mère pour des raisons qu'il ignore. Mais il est loin d'être seul car beaucoup de membres de sa famille proche (grand-mère, grand-père, oncle et tante, cousine) vivent dans la même petite ville. La mère de Bill rencontrera un professeur de littérature, Richard, venu dans le Vermont enseigner la littérature dans une école privée pour garçons, la Favorite River Academy. Ils se marieront.

La particularité du nouveau couple, c'est de pratiquer le théâtre amateur à haute dose. La mère de Bill ne veut pas se montrer sur les planches mais est la souffleuse de The First Sister Players. Cette troupe amateure monte au moins une pièce « exigeante » par saison : Ibsen, notamment. du côté de la Favorite River Academy, c'est à Shakespeare qu'on s'attaque le plus souvent. Et Richard Abbott sera le metteur en scène de ces pièces.

Bill deviendra écrivain. La bibliothèque de First Sister aura une grande importance pour lui dans sa découverte décisive de l'oeuvre de Dickens. Ou plutôt sa bibliothécaire, Miss Frost, une femme solidement bâtie, quoi que très féminine, d'une grande intelligence. Bill en est amoureux. Mais il l'est aussi d'autres personnes, indifféremment de leur sexe…

J'ai éprouvé du plaisir à retrouver le monde toujours un peu farfelu de John Irving, que je n'avais pas rejoint depuis longtemps. Il sait emporter ses lecteurs dans des fictions, aux thèmes parfois répétitifs mais jamais ennuyeux.

Ici, ce qui m'a le plus étonné c'est l'importance accordée à toutes les ambiguïtés sexuelles et de genre. Il me semble qu'Irving était bien moins frontal sur le sujet dans ses romans plus anciens. Bill est bisexuel. Il traversera les décades, des frileuses années 50 aux années 2010 davantage tournées vers les droits LGBT, en passant par les terrifiantes années 80…

Ce que j'ai le plus apprécié dans ce roman, ce sont ses nombreuses références et citations théâtrales et littéraires. John Irving sait les faire resplendir de toutes leurs couleurs, en les mettant en situation comme personne.
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