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Critique de beatriceferon


Tandis qu'elle se promène dans les rues de Madrid, une vieille dame est intriguée par un homme qui passe, les bras chargés de livres. Curieuse, elle lui emboîte le pas et le voit déposer ses volumes chez des clients. Soudain, il disparaît dans une impasse. C'est là qu'elle découvre « un endroit absurde pour un commerce, car je me demandais bien qui diable allait emprunter un passage qui ne mène nulle part – et à l'instant même où j'ai vu la boutique, une librairie de livres d'occasion avec une vitrine pleine de crayons de couleur, de pastels et de romans de Jules Verne - , à cet instant même, j'ai su qu'il se passait quelque chose d'extraordinaire et que l'importance que ce fait tiendrait dans l'avenir dépendait de moi. Je pouvais faire demi-tour et tout oublier ou je pouvais franchir le seuil et lui parler. Je suis entrée. »
Avec Lola, l'inconnue pénètre dans l'univers de « la fille aux cheveux de lin », le livre exposé en vitrine. Trois vies en sortiront transformées.
Le début du roman est assez déconcertant. Dans le premier chapitre, la narratrice est une vieille dame aux cheveux bancs. Enfin, c'est ainsi qu'elle se présente, car, après tout, elle n'est âgée que de cinquante et un ans. Mais, dès le deuxième chapitre, nous voilà dans l'appartement des libraires, Matias et Lola. Et le troisième nous plonge dans les mémoires de Rose Tomlin, l'héroïne de « La fille aux cheveux de lin ».
Trois histoires, donc, qui, a priori, n'ont rien en commun. Pourtant, grâce à un habile jeu de construction, l'auteur fait en sorte qu'elles se rejoignent, se rencontrent, se complètent .
Ce qui m'avait attirée vers ce récit, c'est son côté littéraire. Nous pénétrons dans un monde de libraires, d'éditeurs ou simplement d'amateurs de lecture.
Plutôt que de renoncer à sa passion, Matias préfère s'occuper d'une minuscule librairie perdue au fond d'une impasse, où c'est la vente d'articles de papeterie qui assure sa survie. Les rares lecteurs ont la possibilité de venir échanger les ouvrages qu'ils ont lus. Une jeune fille est une cliente fidèle. Mais, tout ce qui l'intéresse, ce sont d'insipides romances à l'eau de rose.
Lola lit à voix haute l'ouvrage que son mari a exposé en vitrine. Il a promis de l'offrir à quiconque aurait la patience d'aller jusqu'à la fin. Deux pages sont exposées tous les jours. Lola et Alice ne respectent pas cet impératif. le plaisir de la lecture les pousse à avaler des chapitres entiers. Alice aime entendre la voix de Lola. La jeune femme, peu à peu, se livre à des confidences.
Et Rose, cette « fille aux cheveux de lin » est elle-même une grande lectrice. Des poèmes, des romans, ont jalonné sa vie, l'ont aidée, consolée, soutenue. Elle fréquente des écrivains. Parmi eux, Jordan Miller ressemble comme un frère à Hemingway. le héros de « Pour qui sonne le glas » s'appelle Robert Jordan. le grand amour de Rose, Henry, porte un nom qui rappelle le Frederic Henry de « L'adieu aux armes ».
Les Hervieu ont élevé Rose pendant son enfance. C'est une famille paysanne de Normandie au début du siècle. Peu après, nous voilà projetés dans l'univers feutré et luxueux des riches Anglais vivant à Deauville. Nous croisons la guerre de 14-18 et celle d'Espagne. le Paris des années folles nous emmène dans les endroits à la mode où l'on danse et on boit des cocktails. Enfin, les années 50 nous plongent dans le sombre univers du franquisme. Matias est condamné à mort, Lola est poursuivie par un sadique représentant du pouvoir. Issue d'une famille riche, proche du régime, elle n'a presque plus aucun contact avec ses parents. Ceux-ci, en effet, voient d'un mauvais oeil qu'elle fréquente un communiste, qui a déjà contracté une première union. Leur mariage n'a aucune valeur, puisque le régime ne reconnaît pas le divorce. Matias est considéré comme bigame.
« Notre vie, quand elle était à nous, elle me manque », dit Lola. Avant ce règne de terreur, Matias dirigeait une maison d'édition, Lola était traductrice. Ils s'étaient mariés, ils s'aimaient passionnément, ils étaient heureux.
A présent, leur vie ne leur appartient plus. On la leur a volée. Ils sont considérés comme un couple illégitime. On leur a pris tout ce qu'ils possédaient. Ils n'ont plus qu'une échoppe dérisoire, dans un endroit perdu, et si petite qu'on ne peut s'y tenir à trois. Les ouvrages autorisés par le gouvernement sont sans intérêt. La vraie littérature est censurée. Pour survivre, ils doivent vendre des gommes et des crayons. Alors, non, leur vie n'est plus à eux. Heureusement, il leur reste le plus important : leur amour.
Cette passion que rien ne peut détruire trouve son écho dans le livre de Rose Tomlin. A une autre époque, elle aussi a connu une aventure fabuleuse.
Les personnages sont tellement attachants. Ceux du Madrid des années 50, Matias, Lola, Alice, ou ceux qui peuplent les mémoires de Rose : Francès, Sarah, Henry. On les suit avec intérêt, on les aime, on les admire.
Bref, j'ai adoré ce roman qui est pour moi un véritable coup de coeur. J'ai trouvé très excitant de le découvrir avant tout le monde, puisqu'il ne sortira qu'en octobre.
Je remercie donc tout particulièrement l'opération Masse critique privilégiée qui m'a permis de le recevoir et les éditions Albin Michel qui m'ont fait vivre cette magnifique aventure.
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