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Critique de Arimbo


Arimbo
21 septembre 2023
Ce recueil est un Folio plus, donc avec une partie pédagogique, « recommandée pour les classes de Lycée », (mais pas interdite aux retraités!), contenant, d'une part les poèmes de A la lumière d'hiver, précédés de ceux de Leçons et de Choses d'en bas; et d'autre part, un dossier comportant une mise en perspective d'un tableau avec le recueil de poésie puis un commentaire consacré à la poésie contemporaine, à l'oeuvre de Philippe Jaccottet, et aux poèmes présentés dans le livre.

Si je n'ai pas été convaincu par la présentation d'un tableau dans la veine symboliste de Hodler, peintre suisse de la fin du 19ème siècle, qui sert de point de comparaison avec l'oeuvre du poète (d'origine suisse) Philippe Jaccottet (je trouve que l'on aurait pu en trouver d'autres tout aussi pertinents, voire plus, de van Gogh, O'Keefe, …), l'analyse de l'apparition du vers libre dans la poésie contemporaine, mode d'expression majeur de Jaccottet, puis des courants de la poésie française, puis de l'oeuvre de Jaccottet qui s'inscrit dans le courant « sensible », et enfin des poèmes du recueil, tout cela est très bien fait, très clair.
Et cela même si la classification m'est apparue réductrice et que des poètes importants soient oubliés, tels Andrée Chedid, François Cheng ou Jean-Michel Maulpoix.

Mais revenons à ce qui est essentiel, c'est-à-dire les poèmes de Leçons, Chants d'en bas, À la lumière d'hiver.
C'est peu de dire qu'ils sont tous magnifiques, sur le fond comme sur la forme.

Ce sont des textes en vers libres marqués par la difficulté d'écrire l'énigme de la mort, d'autant plus quand il s'agit d'un proche qui ne sera pas nommé, mais dont sait qu'il est le beau-père de l'auteur dans Leçons, et sa mère dans Chants d'en bas.
La souffrance de la descente vers la mort, l'affaiblissement progressif du corps, la conviction qu'il n'y a rien qu'un cadavre ensuite, et rien d'autre, tout cela est dit dans un langage qui cherche à s'approcher de la vérité, mais qui se méfie des images faciles, de donner dans l'excès, le pathos.
Mais, pourtant, malgré la séparation du deuil, le poète trouve aussi dans l'être absent une lumière qui l'accompagne dans les moments et les gestes de la vie quotidienne.
Et aussi, et j'ai retrouvé ici ce qui m'avait marqué dans d'autres recueils poétiques de Philippe Jaccottet, et surtout ici dans A la lumière d'hiver, l'expérience merveilleuse et toujours renouvelée du contact avec la Nature, même si elle peut se révéler hostile, inquiétante par sa puissance, telle la montagne. Mais aussi aller dans son jardin, voir la neige recouvrir le paysage, et à tout instant se laisser porter par la vie des êtres vivants et inanimés qui vous entourent, ressentir l'instant présent.

Il y a là, avec d'autres mots, d'autres phrases, cette attitude méditative, cette ouverture au monde, cette sérénité que j'ai trouvé chez Andrée Chedid, François Cheng, et bien d'autres poètes.
Mais il y a, c'est sûr, cette prosodie si particulière de Jaccottet, cet agencement des vers libres qui met en relief certains mots, crée un effet de surprise, ou d'attente.
J'en mettrai quelques exemples dans mes citations.
Il y a cette façon unique de tourner autour du sens, d'accepter l'énigme, un façon de sembler vous dire: « Je cherche à vous dire l'indicible, je ne trouve pas, mais je vous invite avec moi sur le chemin », une telle économie de mots, tout cela est extraordinaire, presque mystique.

En conclusion, une triade de recueils poétiques impressionnante par sa beauté austère, par sa puissance dans l'approche du deuil, et par delà aussi, du sens à donner à la vie.
J'ai lu dans d'autres commentaires de cette oeuvre que les lectrices et lecteurs la trouvent difficile, voire hermétique.
Personnellement, je trouve que cela participe à sa beauté.
Et puis, après tout, je me dis que si les jeunes élèves de lycée ont ce recueil à leur programme, c'est que l'Éducation Nationale pense (mais elle peut se tromper, comme souvent) qu'il leur est accessible.
Alors, nous qui avec l'âge, devenons de plus en plus entourés par les chers êtres absents, ne pouvons qu'être sensibles à ce que cette oeuvre s'efforce de nous dire.
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