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Citations sur La Statue intérieure (11)

Cette course sans fin après le temps, cette préférence accordée au désir sur la jouissance ne va pas toujours sans inconvénients. Trop souvent, elle empêche de saisir les choses. Plus que la vie, elle nourrit l’illusion de la vie. Cette tension vers le lendemain, il m’a fallu longtemps pour m’apercevoir que, dans un domaine au moins, elle présentait un avantage : dans la recherche. Tard, très tard, j’ai découvert la véritable nature de la science, de sa démarche, des hommes qui la produisent. J’ai compris que, contrairement à ce que j’avais pu croire, le cheminement de la science ne consiste pas en une suite de conquêtes inéluctables ; qu’elle ne parcourt pas la voie royale de la raison humaine ; qu’elle n’est pas le résultat nécessaire, le produit inévitable d’observations sans appel imposées par l’expérimentation et le raisonnement. J’ai trouvé là un monde de jeu et d’imagination, de manies et d’idées fixes. À ma surprise, ceux qui atteignaient l’inattendu et inventaient le possible, ce n’étaient pas simplement des hommes de savoir et de méthode. C’étaient surtout des esprits insolites, des amateurs de difficulté, des êtres à vision saugrenue. Chez ceux qui occupaient le devant de la scène venaient souvent se déployer d’étranges mélanges d’indifférence et de passion, de rigueur et de bizarrerie, de volonté de puissance et de naïveté. C’était le triomphe de la singularité.
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Je porte ainsi en moi, sculptée depuis l’enfance, une sorte de statue intérieure qui donne une continuité à ma vie, qui est la part la plus intime, le noyau le plus dur de mon caractère. Cette statue, je l’ai modelée toute ma vie. Je lui ai sans cesse apporté des retouches. Je l’ai affinée. Je l’ai polie. La gouge et le ciseau, ici, ce sont ici des rencontres et des combinaisons. Des rythmes qui se bousculent. Des feuilles égarées d’un chapitre qui se glissent dans un autre au calendrier des émotions. Des terreurs évoquées par ce qui est toute douceur. Un besoin d’infini surgi dans les éclats d’une musique. Tous les émois et les contraintes, les marques laissées par les uns et les autres, par la vie et le rêve.
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Les dames anglaises avaient beaucoup changé, beaucoup appris durant cette guerre. Elles ne dédaignaient pas les militaires français mais gardaient leur style propre. Un soir fit irruption dans ma chambre Jean D., les yeux exorbités : « Je viens de faire l’amour avec Patricia qu’on a rencontré hier soir au pub. Après quoi je lui ai demandé de se déshabiller. Elle a refusé en disant qu’on ne se connaît pas assez ! Que faire ? » Je n’avais aucune solution à proposer.
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La nuit a englouti le temps. Avec sérénité, elle répand le silence d’où émergent les mots et où ils retournent. Pourtant, le silence peut parfois se fissurer, à l’improviste. Là où on l’attendait le moins vient éclater à la surface de la conscience la bulle d’un souvenir, une vanité, un désir, une humiliation qui remontent du plus profond, font renaître un monde disparu. Quel sac à malice que la mémoire ! Quel piège à images ! Ce qu’un y cherche, on ne le trouve pas. Mais on y trouve ce qu’on ne cherche pas. Elle parle sans fin des lieux, des événements, des gens. Mais de moi, pas un mot. Ce qu’il faut, c’est marcher à son propre rythme, s’attarder ici, folâtrer là. Elle ne supporte guère qu’on la bouscule. Elle ressemble à ces vieillards qui détiennent un secret dont on a absolument besoin et qu’on doit écouter raconter leur jeunesse, leurs amours, leurs exploits militaires des heures durant, avec l’espoir qu’ils finiront bien par en venir au point critique. Alors il faut de la patience. Demeurer à l’affût. Attendre ces éclairs qui surgissent à l’improviste et vous ramènent brutalement dans la maison des parents, dans le lit de quelque ancienne complice, dans un trou du désert sous un bombardement. Se laisser couler dans son passé, ce musée que personne ne peut visiter. Mais aussi ne pas se faire trop d’illusions. Ce qui revient facilement, ce sont les leçons les plus fréquemment repassées, les clichés les plus souvent projetés.
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Ne faut-il pas passer soi-même par certaines situations désagréables, voire odieuses ou ridicules, en éprouver de la confusion ou de la colère, pour que se grave en nous ce que nulle parole ne peut apprendre? Pas de meilleur instructeur que l'amour-propre pour parcourir un trajet que personne ne peut faire pour vous.
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Admirer, oui. Idolâtrer, non. Ni les dieux, ni les hommes. Les dieux, parce qu'ils n'existent pas. Les hommes, parce que ce ne sont pas des dieux.
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Et tout ça à cause d'un fou. Ce cauchemar, parce qu'un furieux, les yeux hagards, l'écume à la bouche, hurlant des imprécations, a froidement décidé de mettre le monde à feu et à sang.
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Ma nourriture c'est l'expectation. Ma drogue; l'espoir. Enfant, je ne supportais pas l'absence de but et, avec des riens, me fabriquais ce que j'appelais des "petites lumières" pour éclairer la journée ou la semaine qui s'annonçait. Si j'écris ce livre sur ma vie écoulée, ce n'est ni pour me vautrer avec complaisance ni pour y régler des comptes. C'est pour me donner un but nouveau, donc une existence nouvelle. (p.13)
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Je porte ainsi en moi, sculptée depuis l'enfance, une sorte de statue intérieure qui donne une continuité à ma vie, qui est la part la plus intime, le noyau le plus dur de mon caractère. (p.28)
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Nous étions trois garçons et une fille à notre table. L'un des garçons ne parvint jamais à s'habituer à l'atmosphère, à l'odeur, aux cadavres, au bruit que faisaient une centaine d'étudiants sans cesse en train de s'agiter, de pérorer. Il faillit même, un jour, vomir dans les viscères d'un corps éventré. Notre petite camarade, au contraire, s'adaptait parfaitement à la situation. Tailler, creuser dans un bras ne l'empêchait pas de repartir aussi fraîche qu'elle était arrivée. Le sort m'avait attribué une jambe. Et, après un bout de déjeuner avalé à la hâte avec de amis dans un petit restaurant rue Racine, je me retrouvai en face de « ma » jambe qu'il fallait disséquer en commençant par le haut, par l'aine.
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