Ce petit essai de vulgarisation scientifique date de 1979, mais le propos est intemporel, puisqu'il s'agit d'une réflexion philosophique sur le statut de la science et plus particulièrement de la connaissance en sciences naturelles, « d'un dialogue entre le possible et le réel », comme le dit l'auteur. (Bien sûr, son propos entre dans le cadre des connaissances de l'époque, mais il faut dire que
François Jacob est plutôt clairvoyant sur ce qu'apporteront les découvertes ultérieurs – notamment, il pointe du doigt la biologie du développement, qui apportera effectivement beaucoup...)
En biologie, la théorie de l'évolution tient une place à part dans le domaine des sciences, puisqu'il s'agit d'une science historique, qui ne prédit pas ce qui va se passer, ni ne produit aucun résultat, mais tente d'expliquer ce qui est (en l'occurrence, un organisme vivant ou qui le fût, avec une structure et une histoire).
En ce sens, elle donne une explication du monde à la fois complexe et simple, bien que l'écueil soit de trop la simplifier, à la fois précise et incertaine, à la fois sur le possible et le réel... toutes choses paradoxales. Et puis, le hasard y tient une grande place, mais un hasard là-aussi paradoxal, puisque contraint. « En matière d'organismes, tout n'est pas possible », dit Jacob.
Cette explication du monde est donc pleine d'incertitudes et c'est pourquoi il lui arrive d'être rattachée au domaine du mythe plutôt qu'à celui de la science (prêtant ainsi le flanc aux attaques des religieux, des créationnistes encore aujourd'hui).
Pour
François Jacob, la victoire du hasard et de la sélection naturelle sur la création divine est justement consacrée par l'imperfection des organismes vivants. Dans un monde parfait, crée par un dieu, nous aurions des cheveux verts à la chlorophylle, afin de tirer du rayonnement solaire une autre source d'énergie, au lieu de passer notre temps à chercher bêtement de la nourriture.
La deuxième partie du livre est donc consacrée à ce qu'est le vivant : bien plus un bricolage à partir de matériaux hérités du passé, qu'une réalisation optimale réalisée par un ingénieur ou un architecte divin. Et cela, que ce soit au niveau moléculaire, au niveau cellulaire, ou au niveau de l'organisme.
La troisième partie est encore une réflexion, autour de la sexualité comme source de diversité, autour des horloges biologiques et de la perception du temps, autour des représentations du monde transmises par les organes des sens et réalisées par le cerveau, images du monde qui se projettent chez l'homme dans la culture, qui est, elle aussi, à la fois universelle et diverse...
A noter que, par petites touches, au détour d'un paragraphe,
François Jacob remet les idées en place, en réponse à quelques âneries servies comme arguments par son co-récipiendaire du prix Nobel de Médecine en 1965,
Jacques Monod, dans son très mauvais livre qu'est «
Le hasard et la nécessité »...