Citations sur Les bûcherons (25)
Comme le disait mon père, quand ça ne sert à rien, autant faire comme si cela n'était pas arrivé.
Tant que le fait de mourir ou de rester en vie ne me devenait pas complètement indifférent, je ne distinguais plus l’un de l’autre, et tant que je parvenais à survivre à ces premiers jours de labeur sans sommeil, je m’en sortais, et cela m’a donné une forme nouvelle de sérénité.
Les bruits de la ville s'étaient envolés et, surtout, aucune fumée ne sortait des cheminées ; ce qui avait été une ville de quatre mille habitants et autant d'animaux, si ce n'est plus, s'était métamorphosé en quelques heures à peine en un fatras de coquilles de bois vides retenant leur souffle dans l'hiver glacial, qui a régné dans ces forêts depuis les temps où ni les animaux ni les hommes ne songeaient encore à être créés.
... Tout le monde a le droit d'être le héros de sa propre vie, même les boiteux et les aveugles, même ceux qui ont des boutons purulents sur la figure, à condition de recevoir un petit coup de main, car que serions nous sans un peu d'aide ?
Tout ressemble à quelque chose, mais l'on n'arrive à cette conclusion que si l'on a trouvé une solution à ce qui se révèle être la répétition d'une chose à laquelle on a déjà pensé.
... dans une ville incendiée, il y a de la suie, il y a de la suie partout, sur les vêtements et sur les visages, sur le sol, dans les rues, sur les chars et les tentes, sur les chats - et elle ne s'en va jamais, elle se mêle à la neige poudreuse et s'y incruste, elle tourbillonne, elle fond et gèle à nouveau, elle s'infiltre dans les yeux et dans la gorge, dans le nez et dans les poumons, il n'y a rien de plus sale qu'une ville incendiée, elle n'est plus que cela, de la saleté, de la merde.
Même Antti, l'épicier,m'avait dit avant de partir, tu ne peux pas rester là, Timmo, les Russes vont arriver d'une minute à l'autre, et ils vont te tuer.
« Ils ne tuent pas les idiots, avais – je répondu. Je connais les Russes.
– Ne dis pas de bêtises, ils tueront tout le monde qu'ils les connaissent ou pas. C'est la guerre, Timmo. »
Suomussalmi a été incendié le 7 décembre, après que les quatre mille habitants ont été évacués, sauf moi, car j'étais né là – bas, j'y avais vécu toute ma vie et je ne pouvais imaginer vivre ailleurs – aussi, quand une silhouette en uniforme blanc est apparue devant moi et s'est mise à lire une feuille et à me dire que je devais décamper, j'ai planté mes talons dans la neige et j'ai refusé de bouger. Je suppose que c'est comme ça partout dans le monde, il y en a toujours un, qui ne fait pas comme les autres, il n' a même pas besoin de savoir pourquoi, et là, à Suomussalmi, c'était moi.
Curieusement,il y a avait quelque chose de terrible et de grisant à rester là, tel un pilier de sel solitaire, à regarder le gigantesque océan de flammes dans les forêts glaciales, car elle avait été une belle ville, ma ville, la seule qui pour moi était davantage qu'un ramassis de toits et de murs, et désormais il ne restait que quelques maisons debout, quand tout a été terminé, je n'en comptais guère plus d'une vingtaine.
Puis il vit la ville, une ville à moitié inachevée en bois clair, une ville encore à genoux, une ville en train de se relever, penchée et pourtant si belle et radieuse comme jamais dans le soleil du soir ...
... les obus "ennemis" se rapprochaient comme les piqûres d'une gigantesque machine à coudre, avec des cris de douleur, des ordres hurlés, des infirmiers qui galopaient - la machine s'était emballée, un tapis de fumée brun et ondoyant s'était déposé sur la ville, tellement dense et sans fin qu'il embrassait aussi le ciel, et nous nous trouvions juste au milieu de tout cela, comme des vers dans une pomme pourrie.