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Citations sur La mélancolie d'Athéna : L'invention du patriotisme (16)

Contrairement à ce que l'on prévoyait, proclame Diodore de Sicile en ouverture du livre qu'il consacre aux origines de la guerre du Péloponnèse, la guerre contre les Perses avait eu une conclusion incroyable : les Grecs n'avaient pas seulement triomphé des périls, ils avaient conquis une grande gloire et chacune de leurs cités regorgeait de tant richesses que chacun admirait ce retournement. De fait, pendant le demi-siècle qui suivit, la Grèce devint de plus en plus prospère. Au cours de cette période, la richesse permit le développement des arts, ce fut l'époque des plus prestigieux artistes de l'histoire, parmi lesquels le sculpteur Phidias ; les lettres s'épanouirent aussi et les Grecs, les Athéniens au premier rang, honorèrent avant tout la philosophie et l'éloquence.
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L'Iliade avait été composée, au VIIIe siècle avant J.-C., en puisant dans la tradition orale qui avait maintenu, par la voix des aèdes, le souvenir des splendeurs des royautés mycéniennes, disparues depuis quatre siècles, en même temps que celui d'une guerre lointaine, d'un grand affrontement qui avait réuni les Grecs contre une grande puissance asiatique. Dans un monde où la principale expérience de la guerre était celle que se livraient les Cités grecques entre elles, le poème avait fait pourtant le récit d'un conflit où l'ennemi vous ressemblait comme un frère; où il était un adversaire auquel vous opposait un différend que l'honneur commandait de régler par la guerre, qu'il était légitime de tuer, de réduire en esclavage, dont on incendierait, après la victoire, la ville, mais qui apparaissait moins comme un étranger que comme un autre soi-même. 
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Librement consentie, l’hégémonie se prête à merveille à l’union contre un ennemi commun. Elle a, au XXe siècle, permis en cinquante ans aux États-Unis de vaincre leur rival soviétique.
Le problème commence lorsqu’elle prétend survivre, comme celle d’Athènes (comme l'a fait pendant trente ans l’Otan, choisissant, au lendemain de l’effondrement de l’Union soviétique, de se maintenir et de s’étendre au lieu de se dissoudre), à la menace qui l’a fait naître.
Elle devient dès lors une méthode de sujétion instable, condamnée à susciter le désordre et la confusion au rythme même des crises qu’elle prétend résoudre dans une éternelle fuite en avant : en Irak et en Afghanistan comme à Potidée ou à Corcyre. Elle offre à l'adversaire d’hier autant d’occasions de revenir dans le jeu en exploitant l’exaspération d’alliés qu’aucune autre nécessité que la contrainte ne retient plus dans une fédération informe.
Elle condamne celui qui prétend l’exercer à une guerre multiforme et sans fin.
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Le mot Grèce, commente Albert Thibaudet, comme le mot Europe, n'a pas seulement un sens d'unité, mais un sens de pluralité, de diversité, même d'hostilité. Il implique par son double contenu de géographie et d'histoire, ce cloisonnement et ces rivalités.
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Comme le souligne encore W. R. Connor, Thucydide est moins un pourvoyeur d’inaltérables lois d’airain, par quoi on pourrait, par avance, prévoir toute l’histoire, qu’un guide subtil des difficultés liées à l’exercice du pouvoir, en même temps que des défaillances qui peuvent guetter la politique la plus intelligente. 

Or, l’une des plus claires des conclusions qui s’imposent à la lecture de son livre est sans doute aujourd’hui celle qui permet de comprendre les ressorts du chaos que les États-Unis ont répandu eux-mêmes autour d’eux depuis un peu plus de trente ans, l’anarchie que les néoconservateurs ont provoquée par leur volonté de faire survivre le leadership américain à la menace qui l’avait fait naître en se donnant mission de susciter des révolutions démocratiques sur toute la planète, révolutions qui ont plongé, en Irak, en Lybie, en Syrie, en Ukraine, nombre de pays dans la guerre civile ou la guerre étrangère, quand elles n’en ont pas provoqué l’implosion ou la destruction

Le paradoxe est que ces errements ont eux-mêmes trouvé, en grande partie, leur origine dans une lecture biaisée de La Guerre du Péloponnèse.
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Rome détruirait, au IIIe siècle avant J.-C., la puissance de Carthage, en prélude à l’immense expansion qui lui permettrait de dominer le monde méditerranéen. Une fois achevée sa conquête, elle parviendrait pourtant à donner une forme politique à sa prééminence et à offrir, partant, plusieurs siècles de paix et de prospérité au monde méditerranéen. Elle bâtirait son empire en utilisant les procédés mêmes qui lui avaient permis d’unifier la péninsule italienne sous son commandement. [...]
Rien de tel à Athènes : son environnement et le champ d’expansion de sa puissance étaient tout au contraire peuplés d’hommes avec lesquels elle avait en commun la langue, les légendes, l’histoire et les dieux. Autant dire qu’il aurait pu sembler plus facile de les réunir, non dans le cadre d’un empire multiculturel, comme y parviendrait Rome, mais dans ce qui aurait pu être, avec de longs siècles d’avance sur le cours de l’histoire européenne, une nation.
Or elle y a échoué.
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Guerre civile entre grecs, la guerre du Péloponnèse avait ainsi placé nés notables Athèniens devant un cas de conscience dont la résolution n'avait aucun caractère d'évidence : à quoi devaient-ils donner la priorité de leurs attachements ? À la victoire de leur patrie, fût-ce au prix de leurs propres droits politiques, ou à celle de leur classe sociale, au triomphe de leur conception du Bien commun du pays, quand même il faudrait les payer par la perte hégémonie ?
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Thucydide affirme qu'il a entrepris de raconter la guerre du Péloponnèse parce que contemporain et acteur de l'événement, il avait compris dès son déclenchement qu'elle serait la plus grande de toutes. La prétention nous fait sourire. Nous avons fait tellement mieux depuis ! Il est pourtant bien vrai que la guerre dont il fait le récit avait marqué une rupture avec ce que les Anciens avaient accoutumé de désigner sous ce nom : un affrontement local, visant à obtenir par la force une rectification de frontière, et généralement conclu en une seule bataille. La guerre du Péloponnèse s'était déroulée sur d'innombrables théâtres d'opérations : dans le Péloponnèse et en Attique, bien sûr, mais aussi en Béotie, en Chalcidique, en Thrace, dans l'Hellespont, en mer Égée, en Asie Mineure, en Acarnanie ou dans la lointaine Corcyre et jusqu'en Sicile. Elle avait duré pas moins de vingt-sept ans, s'était démultipliée en dizaines de microconflits, avait sollicité le discernement des dirigeants pour faire des choix douloureux, décisifs, et avait débouché sur un bouleversement des mœurs et des institutions, une redistribution générale des cartes de la géopolitique du monde hellénique.
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La patrie, souligne Simone Weil, est « le bien le plus précieux dans l’ordre temporel » parce qu’elle est ce qui assure à l’homme « à travers le présent une liaison entre le passé et l’avenir » ; qu’elle lui apporte une « continuité dans le temps, par-delà les limites de l’existence humaine » qui lui permet de donner un sens à sa vie, de surmonter les calamités et les revers, d’aborder les bonheurs mêmes sans céder à l’ivresse et à la démesure ; parce qu’elle donne aux prospérités leur signification et leur place légitime en les inscrivant dans la chaîne d’une transmission, dans le grand œuvre d’une aventure collective.
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L’histoire est, de fait, complexe. Elle échappe, par sa richesse, ses nuances, ses contradictions et ses paradoxes à la lecture manichéenne à laquelle on voudrait souvent la réduire.
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