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EAN : 9782251453569
400 pages
Les Belles Lettres (21/10/2022)
4/5   4 notes
Résumé :
« Nous voici retournés au cœur des contradictions qui rendent cette histoire décisive. Parce que les Grecs se sont posé les questions que nous n’avons cessé de retrouver depuis. Parce qu’ils ont consigné avec une clarté sans pareille les différentes réponses possibles. Qu’ils ont analysé avec minutie les tenants et aboutissants des cas de conscience dont seraient tissés pour toujours nos débats politiques. Ils ont eu le génie de donner aux événements de leur histoir... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
SUJET N°1 :
Qu'est-ce que le patriotisme ?

SUJET N°2 :
Qu'est-ce en effet que la trahison ? La fidélité que l'on doit à sa patrie passe-t-elle avant tout ?

SUJET N°3
Commentaire de texte :
"Les cités en proie à ces dissensions souffraient des maux innombrables et terribles, qui se produisent et se produiront sans cesse tant que la nature humaine sera la même, mais qui peuvent varier d'intensité et changer de caractère selon les circonstances. […] La guerre, en faisant disparaître la facilité de la vie quotidienne, enseigne la violence et met les passions de la multitude en accord avec la brutalité des faits. Les dissensions déchiraient donc les villes. Celles qui en furent victimes les dernières, instruites par l'exemple qu'elles avaient sous les yeux, portèrent encore bien plus loin l'excès dans ce bouleversement général des moeurs ; elles montrèrent plus d'ingéniosité dans la lutte et plus d'atrocité dans la vengeance. En voulant justifier des actes considérés jusque-là comme blâmables, on changea le sens ordinaire des mots. L'audace irréfléchie passa pour un généreux dévouement à l'hétairie, la précaution prudente, pour une lâcheté qui se couvre de beaux dehors. le bon sens n'était plus que le prétexte de la mollesse ; une grande intelligence, qu'une grande inertie. La violence, poussée jusqu'à la frénésie, était considérée comme le partage d'une âme vraiment virile ; les précautions contre l'adversaire n'étaient qu'un honnête prétexte contre le danger. le violent se faisait toujours croire ; celui qui résistait à ces violences se faisait toujours soupçonner. […] Quiconque s'ingéniait à ne pas employer ces moyens était réputé trahir le parti et redouter ses adversaires. […] Les relations de parti étaient plus puissantes que les relations de parenté, parce qu'elles excitaient davantage à tout oser sans invoquer aucune excuse. Les associations n'avaient pas pour but l'utilité conformément aux Lois, mais la satisfaction de la cupidité en lutte contre les lois établies. La fidélité aux engagements était fondée, non sur le respect de la loi divine du serment, mais sur la complicité dans le crime. […] On aimait mieux se venger d'une offense que de ne pas l'avoir subie. […] Tous les vices avaient pour source la recherche du pouvoir, inspirée soit par la cupidité, soit par l'ambition. […] Dans les cités, les chefs de l'un et l'autre parti se paraient de beaux principes ; ils se déclaraient soit pour l'égalité politique du peuple, soit pour une aristocratie modérée. En paroles, ils n'avaient pour but suprême que l'intérêt public ; en fait, ils luttaient par tous les moyens pour la suprématie ; leur audace était incroyable ; les vengeances auxquelles ils recouraient, pires encore, et en suscitant sans cesse de nouvelles, sans respect de la justice et de l'intérêt général. […] Les citoyens qui entendaient rester neutres périssaient sous les coups des deux partis, pour refus d'entrer dans la mêlée ou parce qu'ils excitaient, par leur abstention, la jalousie.

Extrait de la Mélancolie d'Athéna - Michel de Jaeghere - Pages 341 à 342

Si on considère que c'est de la philosophie vous avez 4 heures.
Si on considère que c'est de l'histoire vous avez 4 ou 3 heures selon votre série.

Pour y répondre la meilleure des solutions est se plonger dans cet ouvrage, second du Cabinet des Antiques, qui après la démocratie se penche sur le sujet du patriotisme, et autant le dire tout de suite, ce second volume a hérité des qualités de son aîné.

Une érudition vertigineuse est le maître mot.
Cette fois sont convoqués parmi les auteurs antiques bien entendu Thucydide, Xénophon ou Plutarque. Thucydide évidemment pour sa "Histoire de la Guerre du Péloponnèse" qui sert de fil conducteur tout au long du livre, tant son ouvrage est riche en enseignements.
Pour les oeuvres médiévales, modernes et contemporaines on retrouve sans surprise Machiavel, Montherlant, Talleyrand, Weil ou Hélène Carrère D'Encausse

Cette fois Michel de Jaeghere nous emmène dans les pas de Thucydide, et de fait nous voici aux Thermopyles avec le roi de Sparte, à Salamine avec Thémistocle et l'amiral spartiate Eurybiade, nous participons aux années de guerre entre Sparte et Athènes, nous assistons à la montée de l'hégémonie athénienne dans la ligue de Delos, puis la capitulation en 404 av J.C. Puis, cette guerre du Péloponnèse qui vit les combattants Unis un temps s'entretuer ensuite.
Nous traversons les siècles avec une aisance déconcertante tant le propos est limpide, étudié, et d'un logique intellectuelle implacable.
Les parallèles avec le récent conflit ukrainien sont particulièrement éclairants et poussent au questionnement

Jusqu'à ce livre publié en 2017 et devenu depuis un best seller mondial, dans lequel le politologue Graham Allison a analysé le Piège de Thucydide pour l'appliquer à notre temps, ou l'auteur passe en revue les cinq derniers siècles de l'histoire, Allison a identifié 16 épisodes qui auraient, d'une façon ou d'une autre, reproduit la même situation. Mais Michel de Jaeghere nous rappelle qu'Allison est loin, cependant, d'être le premier à s'être livré à de telles spéculations.
Cependant, l'analogie proposée par Graham Allison a aujourd'hui ceci de nouveau qu'elle assimilé pour la première fois la situation des États-Unis, non à celle d'Athènes, puissance démocratique et maîtresse des mers, mais à celle de Sparte, du fait de leur situation de puissance déclinante face à la concurrence de la Chine. Allison cherche moins en effet à dresser des parallèles qu'à mettre en lumière ce qui lui apparaît comme une loi universelle : le climat d'agressivité que fait nécessairement naître, entre deux puissances, le passage de témoin de l'hégémonie. Il tire de ce qu'il considère comme la « loi de Thucydide » la conviction que sans être inévitable, le déclenchement d'une guerre entre les États-Unis et la Chine est une hypothèse qu'il serait irresponsable de refuser d'envisager comme impensable. Que sa survenue reste certes liée aux circonstances particulières, à la bonne ou mauvaise volonté des dirigeants et à l'action des organisations internationales, mais que sa possibilité est inscrite dans le marbre des lois de l'histoire, comme l'avait été, avant elle, la guerre du Péloponnèse, par le fait que l'émergence de la puissance chinoise met les États-Unis dans la position de défense de Sparte : celle d'une puissance hégémonique en déclin, confrontée à la rapidité, à la vivacité, à la richesse d'un nouvel arrivant affichant sans complexe sa volonté de puissance, son ambition de dominer l'arène internationale sans partage.

Michel de Jaeghere nous rappelle à juste titre que "l'une des plus claires des conclusions qui s'imposent à la lecture de son livre est sans doute aujourd'hui celle qui permet de comprendre les ressorts du chaos que les États-Unis ont répandu eux-mêmes autour d'eux depuis un peu plus de trente ans, l'anarchie que les néoconservateurs ont provoquée par leur volonté de faire survivre le leadership américain à la menace qui l'avait fait naître en se donnant mission de susciter des révolutions démocratiques sur toute la planète, révolutions qui ont plongé, en Irak, en Lybie, en Syrie, en Ukraine, nombre de pays dans la guerre civile ou la guerre étrangère, quand elles n'en ont pas provoqué l'implosion ou la destruction.
Le paradoxe est que ces errements ont eux-mêmes trouvé, en grande partie, leur origine dans une lecture biaisée de la Guerre du Péloponnèse."

Thucydide ne nous donne ni Sparte ni Athènes en modèle. Il nous montre comment les entreprises humaines sont condamnées, par des chemins contraires, au même échec. L'historien n'a pas la naïveté de Machiavel. Il ne nous propose pas un livre de recettes pour réussir sur le grand théâtre du monde. Il met en scène la fatalité qui nous donne à choisir entre la soumission, la démesure et le repli. Il nous révèle que, selon le mot prêté à Bainville, « tout a toujours très mal marché », et que nous sommes condamnés à nous mouvoir dans l'intrigue d'une inexorable tragédie. Il ne nous donne guère que les moyens, peut-être, d'éviter parfois le pire. 
           
Comme le résume si bien l'auteur

"Notre monde connecté nous a délivré de la bienheureuse ignorance dans laquelle nous ont longtemps tenus l'immensité du cosmos et la profondeur de l'histoire. Nous voici en possession d'un savoir universel, qui nous est accessible en quelques manipulations de plus en plus rapides. Mais cette révolution s'est faite au prix d'un ensevelissement dans le flot des informations qui se déversent en permanence sur nos esprits inquiets, affolés par leur multitude jusqu'à nous rendre incapables d'en faire la synthèse, d'en discerner les lignes de force : au point de nous ahurir. Nous voici perdus comme en un labyrinthe dans les couloirs infinis d'une immense bibliothèque, où s'alignent sur des rayonnages tous les livres, où les écrans diffusent en permanence toutes les nouvelles, où tous les savoirs nous sont tous en même temps disponibles. Nous y errons nantis d'une faible lanterne, conscients que le temps qui nous est compté en cette vie ne nous permettra jamais d'arriver jusqu'au bout ; mais ces couloirs n'ont, à vrai dire, ni terme ni issue, ils se rallongent chaque jour au fur et à mesure que nous croyons nous rapprocher du but de nos recherches, et tandis que notre curiosité est happée sans cesse par de nouveaux prétextes, que nous sommes tentés d'emprunter des bifurcations qui vont nous éloigner de notre objectif.

Ce livre a pour lui de rendre accessible le savoir de son auteur ;
Ce livre a pour lui de nous aider à trouver notre chemin dans ce labyrinthe tel un fil d'Ariane qu'il déroulerait depuis l'Antiquité jusqu'à nos jours ;
Ce livre a pour lui de faire briller d'une flamme plus intense notre lanterne ;
Ce livre a pour lui d'être comme son prédécesseur extrêmement riche ;
Ce livre a pour lui de nous offrir plusieurs niveaux de lecture ;
Ce livre a pour lui d'être intellectuellement stimulant, foisonnant et virevoltant

Voilà un livre, qui assurément, ravira tous ceux qui souhaite prendre le temps de réfléchir sur notre monde, sans oublier d'où il vient...
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Citations et extraits (16) Voir plus Ajouter une citation
L'Iliade avait été composée, au VIIIe siècle avant J.-C., en puisant dans la tradition orale qui avait maintenu, par la voix des aèdes, le souvenir des splendeurs des royautés mycéniennes, disparues depuis quatre siècles, en même temps que celui d'une guerre lointaine, d'un grand affrontement qui avait réuni les Grecs contre une grande puissance asiatique. Dans un monde où la principale expérience de la guerre était celle que se livraient les Cités grecques entre elles, le poème avait fait pourtant le récit d'un conflit où l'ennemi vous ressemblait comme un frère; où il était un adversaire auquel vous opposait un différend que l'honneur commandait de régler par la guerre, qu'il était légitime de tuer, de réduire en esclavage, dont on incendierait, après la victoire, la ville, mais qui apparaissait moins comme un étranger que comme un autre soi-même. 
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Thucydide affirme qu'il a entrepris de raconter la guerre du Péloponnèse parce que contemporain et acteur de l'événement, il avait compris dès son déclenchement qu'elle serait la plus grande de toutes. La prétention nous fait sourire. Nous avons fait tellement mieux depuis ! Il est pourtant bien vrai que la guerre dont il fait le récit avait marqué une rupture avec ce que les Anciens avaient accoutumé de désigner sous ce nom : un affrontement local, visant à obtenir par la force une rectification de frontière, et généralement conclu en une seule bataille. La guerre du Péloponnèse s'était déroulée sur d'innombrables théâtres d'opérations : dans le Péloponnèse et en Attique, bien sûr, mais aussi en Béotie, en Chalcidique, en Thrace, dans l'Hellespont, en mer Égée, en Asie Mineure, en Acarnanie ou dans la lointaine Corcyre et jusqu'en Sicile. Elle avait duré pas moins de vingt-sept ans, s'était démultipliée en dizaines de microconflits, avait sollicité le discernement des dirigeants pour faire des choix douloureux, décisifs, et avait débouché sur un bouleversement des mœurs et des institutions, une redistribution générale des cartes de la géopolitique du monde hellénique.
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Librement consentie, l’hégémonie se prête à merveille à l’union contre un ennemi commun. Elle a, au XXe siècle, permis en cinquante ans aux États-Unis de vaincre leur rival soviétique.
Le problème commence lorsqu’elle prétend survivre, comme celle d’Athènes (comme l'a fait pendant trente ans l’Otan, choisissant, au lendemain de l’effondrement de l’Union soviétique, de se maintenir et de s’étendre au lieu de se dissoudre), à la menace qui l’a fait naître.
Elle devient dès lors une méthode de sujétion instable, condamnée à susciter le désordre et la confusion au rythme même des crises qu’elle prétend résoudre dans une éternelle fuite en avant : en Irak et en Afghanistan comme à Potidée ou à Corcyre. Elle offre à l'adversaire d’hier autant d’occasions de revenir dans le jeu en exploitant l’exaspération d’alliés qu’aucune autre nécessité que la contrainte ne retient plus dans une fédération informe.
Elle condamne celui qui prétend l’exercer à une guerre multiforme et sans fin.
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Comme le souligne encore W. R. Connor, Thucydide est moins un pourvoyeur d’inaltérables lois d’airain, par quoi on pourrait, par avance, prévoir toute l’histoire, qu’un guide subtil des difficultés liées à l’exercice du pouvoir, en même temps que des défaillances qui peuvent guetter la politique la plus intelligente. 

Or, l’une des plus claires des conclusions qui s’imposent à la lecture de son livre est sans doute aujourd’hui celle qui permet de comprendre les ressorts du chaos que les États-Unis ont répandu eux-mêmes autour d’eux depuis un peu plus de trente ans, l’anarchie que les néoconservateurs ont provoquée par leur volonté de faire survivre le leadership américain à la menace qui l’avait fait naître en se donnant mission de susciter des révolutions démocratiques sur toute la planète, révolutions qui ont plongé, en Irak, en Lybie, en Syrie, en Ukraine, nombre de pays dans la guerre civile ou la guerre étrangère, quand elles n’en ont pas provoqué l’implosion ou la destruction

Le paradoxe est que ces errements ont eux-mêmes trouvé, en grande partie, leur origine dans une lecture biaisée de La Guerre du Péloponnèse.
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Huit ans après la répression de Samos éclatait la guerre du Péloponnèse. La grande, l'inexpiable. La première qui ait opposé Sparte et Athènes, et que nous désignons parfois sous le même nom, ne l'avait fait que de manière indirecte. Les deux cités n'en étaient venues aux mains qu'au cours d'une unique bataille, dont le vainqueur avait renoncé à exploiter pleinement sa victoire. L'essentiel des opérations avait mis aux prises chacune des deux cités hégémoniques avec les alliés de sa rivale.

Rien de tel avec le conflit qui s'ouvre en 431. La guerre allait, cette fois, durer vingt-sept ans, et Sparte et Athènes s'y affronteraient face à face, jusqu'à l'épuisement. Elle pulvériserait, pour deux générations, l'idéal du panhellénisme qui s'était épanoui avec la victoire sur les Perses, en opposant les Grecs entre eux avec une férocité décuplée par l'âcreté d'une guerre civile. Elle ferait, certaines années, plus de morts parmi les Grecs en un an que n'en avait fait la totalité des deux guerres médiques. Elle se traduirait par le ravage du territoire de l'Attique, la dépopulation d'Athènes, frappée par une terrible épidémie de « peste » qui faucherait plus de 80000 personnes: un habitant sur quatre. Elle s'achèverait par la dissolution de son empire, la destruction de ses remparts, la réduction de sa flotte, l'occupation de son territoire, le renversement de son régime.
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