Quand H. Guillemin et autres critiques bien-pensants lancèrent la mode de la transparence, de la sincérité, je me suis rappelé l'avertissement de
Proust dans son "Contre
Sainte-Beuve" : ne pas confondre l'homme et son oeuvre, ne pas chercher dans le texte la voix "vraie" de l'homme ayant vécu. Valéry ajoutait à cela, dans ses Cahiers, que la sincérité littéraire était affaire de marqueurs de style, de vocabulaire et d'intonation. Alors, pourquoi lire ce livre, qui montre la part de reconstruction imaginaire et littéraire de ce qui se présente comme un récit vrai de voyage à Jérusalem ? La première raison est le nom de l'essayiste, qui inspire confiance depuis "
Les derniers jours" et "
La compagnie des ombres". L'historien, sur les pas
De Chateaubriand en Grèce, vérifie tout, compulse journaux et témoignages, traque le vrai et le concret sous la reconstruction littéraire : que prouve-t-il par là ? Que le récit à-demi fictif est mille fois plus intéressant que le voyage véritable que fit
Chateaubriand ; qu'il a arrangé une réalité pour la montrer, non pour nous la livrer à l'état brut ; que les meilleurs romans, peut-être, sont ceux qui se font passer pour de réels témoignages d'expériences vécues. Voilà qui fait réfléchir à la bonne littérature, qui n'existe que délivrée de toute morale.