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Critiques filtrées sur 3 étoiles  
J'avoue que si j'avais pu me rendre compte que ce livre , du moins le tome un était plus un essai qu'un roman , je n'aurais sans doute pas postulé a cette masse critique privilégiée ( merci a Babelio, a Iggy Book et a l'auteur). Parce que en général c'est un style de lecture qui m'ennuie .

Par ma vie personnelle : française de conviction catholique (agnostique en fait), mariée a un français d'origine maghrébine , musulman et fils d'Imam. Mère de 3 enfants, que l'on élève dans le respect des religions, sans leur donner d'obligation d'en suivre, je pense maitriser une partie de ce que représente l'Islam.
Je sais que l'interprétation des textes peut toujours porter matière a interprétation. Et on le voit encore aujourd'hui avec l'actualité.

Mais au final j'ai trouvé ce livre très intéressant, même si la façon dont l'auteur a amené les choses (beaucoup de notes, de références). La lecture a été compliquée pour moi.

Mais il faut quand même que je reconnaisse l'énorme travail de l'auteur et son érudition. D'un autre côté avec la méfiance que certains peuvent avoir sur cette religion, je comprends parfaitement que l'auteur ai étayé par de nombreuses sourates et autres références ses propos.

Mais ce n'est pas pour moi, et pourtant j'étais curieuse de voir l'approche qu'allait donné l'auteur. Néanmoins pour tous les curieux et qui aime lire les essais je recommande quand même.

L'auteur m'a également envoyée le tome deux , qui apparemment ressemble plus a un roman. (un grand merci). Je le lirais bien évidemment , mais un peu plus tard, tout en sachant qu'ici je n'aurais pas d'échéance obligatoire.
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Ce volume un d'une nuit à Aden commence alors que Emad Erraja le narrateur dont le prénom et le nom rappellent ceux de l'auteur, est en transit à l'aéroport de Moscou où il attend sa correspondance pour le Caire avant de rejoindre sa destination finale Sanaa au Yemen du Nord où il va prendre ses fonctions au sein du PNUD : Programme des Nations Unies pour le Développement.
Il vient de passer neuf années d'études à New-York en compagnie de son ami de Naplouse Khalil comme lui palestinien sunnite : « deux jeunes Palestiniens exilés à Manhattan ».
Ce pourrait être le titre de ce livre riche en discussions entre ces deux amis qui se retrouvent souvent « au café Dante, au coin de Mac Dougal et Bleeker Street, dans cette rue étroite de Greenwich Village…».
Leurs discussions autour du Coran sont comme une exégèse de l'islam qui se développe à partir des nombreuses questions que leur pose l'islamisme auquel Emad n'adhère pas sans critiques et reproches quant à la suppression du libre arbitre que tout homme devrait pouvoir garder.
Emad, entre son père musulman et sa mère chrétienne, a pu se rendre compte que la tolérance et l'amour peuvent unir les opposés mais il ne sont pas le fait de tous ceux qui se réclament de l'Islam comme d'autres religions également.
Ce premier tome m'a particulièrement intéressée en me permettant de mieux comprendre le poids du texte coranique et ses implications sur la vie des croyants, l'intolérance aussi de ceux qui s'en réclament en refusant toute évolution.
Emad souligne que « l'islam, c'est la communauté avant l'individu », ce qu'il se refuse à accepter.
Le principal reproche que je peux émettre concernant ce volume est qu'il reste plus un essai qu'un roman même si Emad revient sur ses rencontres et sa vie New Yorkaise, sa naissance à Paris parce que sa mère y tenait, son amour pour une jeune française Adèle …. Je suis restée un peu trop extérieure à son histoire et je dois bien admettre que cette lecture, même si elle a pu me retenir par certains aspects, a été un peu laborieuse.
Merci à Babelio et à l'auteur pour l'envoi des deux volumes d'une Nuit à Aden. Je vais entamer le deuxième qui peut-être me donnera un nouvel éclairage.
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Prenez un auteur, Emad Jarar, nouvellement arrivé au pays des écrivains. Prenez un personnage principal qui s'exprime à la première personne et qui se nomme lui aussi Emad. Dès la première ligne, Emad (l'auteur) nous avise qu'il jettera "un oeil critique sur le Coran et la Sunna" et qu'on lui reprochera probablement " d'avoir recours à des études d'auteurs non- musulmans". Crainte. Courage. Où ai-je mis les pieds ?

Des extraits du Coran illustrent les propos de l'homme tout au long de son livre qui débute ainsi : à Moscou une discussion entre deux jeunes palestiniens exilés à Manhattan revient à la mémoire de l'un d'eux (Emad, forcément). Elle a duré huit ans et portait sur la question de savoir si l'on peut exister sans la parole divine et si l'homme peut posséder un quelconque sens moral sans avoir recours au Coran ?

Les questions existentielles d'Emad sont les suivantes :
- La réflexion morale et spirituelle d'un croyant peut-elle exister de manière individuelle ?
- Pourquoi faut-il toujours la reléguer à un simple exercice collectif ?

C'est par le biais de cet « essai fictionnel » qu'une sérieuse (et périlleuse) grande mise au point est réalisée, en ce 21e siècle en ce qui concerne « ce culte dont l'ostracisme et la rigidité transforment ces fidèles en fervent sectateur, et de ses adeptes enfants de simple spectateur à défaut de les laisser être les acteurs de leur propre vie » (page 15).

J'ai été stupéfaite de lire un écrit de ce genre, comprenant mieux sa faisabilité, quand Emad dit, que « loin de leur patrie dans une ville où les religions en l'absence de rites quotidiens rendent moins aliénante la vie d'un musulman » de telles analyses peuvent être menées.

Un retour aux sources jusqu'au 12e siècle en Islam par la bouche de son meilleur ami Khalil nous éclaire sur les fondements et les débuts de cette religion dans un temps où la démarche spirituelle du croyant était alors plus individuelle et se cantonnait davantage à la sphère privée. Où l'on découvre aussi l'arabité de la religion musulmane, mainmise des Arabes sur leur texte sacré. Entre choix de langue et pouvoir géopolitique, on revient toujours au même quand il s'agit des Hommes : pouvoir, violences, arbitraire.

Emad nous raconte cet « arbitraire féroce » vécu depuis 8 siècles qu'il juge
« illogique » et qui selon lui « a entraîné l'islam dans un monde d'intransigeance ».
Description fine et argumentée d'une « orthodoxie de masse, coercitive, intransigeante, réfractaire à l'individu et à la grandeur de son existence propre et indépendante ».

Le personnage principal apatride, et issu de deux cultures religieuses différentes, a décidé de trouver intellectuellement le ressort nécessaire pour tracer sa route comme il l'entend, et prendre en main son avenir malgré cette difficile double appartenance. A la fois français grec palestinien et arabe, avec un père musulman et une mère chrétienne, il est moins arrimé à la terre de ses ancêtres que les générations précédentes et il a développé un intérêt certain pour mieux comprendre les enjeux politiques : « Je suis un musulman avec les yeux d'un chrétien à défaut d'en avoir le supplément d'âme ». C'est à un islam tolérant qu'il souhaite être rattaché, c'est un louable crédo.

Chaque pays, lieu d'une escale pour le personnage principal a droit à sa petite analyse historique et géopolitique, ce qui fait de cet ouvrage plus qu'un roman, plus qu'un essai, une carte historico-spirituelle-géopolitique du monde.
Emad se veut " un Arabe, mais aussi un homme libre » capable de voir au-delà des textes sacrés.

J'ai trouvé ce texte foisonnant d'érudition et étayé par une écriture romanesque accessible. Ce qu'il nomme la " logosphère islamique " ou encore le "ghetto arabo islamique" (en annexe) est vilipendé dans ce texte parfois sarcastique, auquel je ferai tout de même un reproche : sa trop forte densité textuelle. Les répétitions (idées) sont importantes faisant souvent de la narration quelque chose d'un peu fastidieux, ennuyant à certains moments. Une synthèse, voire une réduction littéraire aurait grandement permis à Une nuit à Aden de gagner en lisibilité. C'est vraiment dommage.

Si l'on a beaucoup de temps, et de patience, on ne peut que reconnaître et apprécier qu' Une nuit à Aden fut rédigé « au nom de la culture générale et de la tolérance ». Sorte de recontextualisation historique de toutes les religions et des peuples, il est donc une gifle littéraire bien nécessaire par les temps funestes qui courent. Cette courageuse autocritique romancée pourra éviter les discussions à l'emporte-pièce sur ce sujet, car les nombreux éclaircissements qu'il nous offre permettent de mieux expliquer le monde oriental d'aujourd'hui ; ses conséquences et sa relation avec les autres civilisations. Merci à Babelio et à l'auteur pour cette découverte que je m'en vais faire suivre de la lecture du tome 2, en espérant y retrouver les qualités du premier tome, sans les écueils.

Lien : http://justelire.fr/une-nuit..
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UN HOMME EN COLÈRE.

Indubitablement Emad Jarar, alias Emad Erraja, est un homme en colère : en colère contre une certaine manière de considérer (d'enfermer) l'islam par l'islam lui-même, en colère contre ceux qui n'ont de cesse de contraindre cette religion - SA religion - dans des carcans indépassables, contre la bêtise des uns et la violence des autres, au nom d'Allah, contre tous ces insolubles éthiques, religieux, politiques, sociaux, métaphysiques, humanistes, tolérants et intimes que l'histoire ainsi qu'une conception faite presque uniquement de commandements, d'asservissement et d'interdits finissant par nier toute liberté de l'homme face à son Dieu, rendent proprement insupportable à un individu souhaitant être de plain-pied dans son temps.

Avant de poursuivre plus avant, il me faut indubitablement remercier tout à la fois Babelio ainsi que M. Emad Jarar pour cette Masse Critique spéciale à laquelle j'ai répondue, je l'avoue et l'assume, un peu sans y croire et, surtout, en craignant recevoir un ouvrage en aucun cas pas fait pour moi, celui-ci semblant d'évidence évoquer l'islam, en tant que religion, bien avant l'Islam vu comme grande civilisation (ne serait-ce qu'en regard de sa désormais longue histoire et du nombre de pays ainsi que d'êtres humains s'en réclamant encore aujourd'hui). Etant, à tout le moins, agnostique - je n'ose écrire athée, l'athéisme relevant, trop souvent, de cette hystérie qu'elle désapprouve par ailleurs, à savoir celle d'une véritable religion, avec ses clercs et ses dévots, ses anathèmes et ses obligations : très peu pour votre humble lecteur ! L'agnosticisme est bien plus intime, ce me semble, et sans revendication particulière si ce n'est que l'on me fiche la paix avec ces histoires de divinités, qu'elle fût unique ou multiple ! Ce qui ne signifie pas, en outre, que ces question religieuses ne m'intéressent pas, mais sous un angle plus sociologique que spirituel. Par ailleurs, j'avais rapidement compris que l'ouvrage envoyé serait l'un de ces représentants de plus en plus nombreux de cette vogue auto-éditrice. Il me faut avouer que, sans donner de satisfecit aveugle à quelque maison d'édition que ce fut (là comme ailleurs, il s'en trouve de sérieuses et d'autres, tant d'autres, qui ne font pas consciencieusement le boulot pour lequel elles sont payées), j'éprouve encore plus de difficultés, expériences multiples et systématiquement déçues à l'appui, à faire confiance a priori à un ouvrage dont le seul vrai relecteur, le seul critique définitif, le seul vrai "regard extérieur" (sic !) est celui de son créateur, c'est à dire une situation où l'auteur, quelque intelligent fut-il, est à la fois juge et partie.

Il me faut cependant avouer que, contrairement à de nombreux contre-exemples passés, les deux volumes qui me furent envoyés par M. Jarar étaient de très belle facture : une qualité de papier très agréable, une police de caractère des plus lisibles, une couverture qui, sans être forcément dans mes goûts habituels (j'ai une préférence pour les jaquettes simples, voire minimalistes), n'en était pas moins joliment trouvée. Cela ne s'annonçait, finalement, pas si mal ! Encore fallait-il que le fond soit du même tonneau. Là, malgré une sympathique mise en garde de l'auteur lui-même, par courrier, quant au contenu du premier volume (celui pour lequel je m'étais engagé), j'avoue avoir été plutôt agréablement surpris. Dans un premier temps.

En effet, bien loin d'être un simple roman, les deux premiers tiers de ce livre, pour aller vite et malgré quelques passages relevant du récit que l'on pressent d'ailleurs très autobiographique, sont avant tout une longue et passionnante description historique des premiers temps de l'islam, entremêlée d'une historiographie assez complète du Coran, de la Sunna et de tous les autres textes fondateurs et sacrés de la seconde religion monothéiste de la planète (en nombre de croyant recensés) - ce qui implique, par ailleurs, nombre de référents occidentaux, souvent chrétiens, puisque le sujet est très peu abordé au sein de l'Islam, le Coran étant, pour aller vite, incréé, cela règle le problème de son histoire propre -, sur laquelle se greffent toutes sortes de considérations relevant de la théologie, de la philologie, de la philosophie des religions (bien que l'Islam semble refuser toute forme de philosophie depuis le XIème siècle), ainsi que de théologie comparée (pour la raison que le narrateur de cette histoire est le fruit d'une double culture religieuse : musulman "de naissance" par son père mais sensibilisé à la culture chrétienne via le rite grec-melkite de sa mère et grâce à un prêtre très versé en toutes ces matières, mais avec grande délicatesse ainsi qu'un sens inné de la diplomatie, cette double formation religieuse du jeune Emad se déroulant en... Egypte !). le moins qu'on puisse en dire c'est que ces deux cent premières pages sont, malgré la foi affichée et sincère du narrateur - auteur ? -, il n'a à dire pis que pendre contre presque tout ce qui constitue la religion instillée par son prophète Muhammad (Mahomet pour nous autres, "associateurs" ou, pire, mécréants occidentaux !). Tout y passe, ou peu s'en faut : la violence presque sans concession de la seconde partie de l'existence du prophète, après la fuite de la Mecque pour Médine, et la subrogation des sourates plus anciennes au plus récentes ; le rôle quasi nul laissé aux femmes dans sa religion ("la musulmane" n'étant cité, selon ses affirmations, qu'une seule fois dans tout le Coran, alors qu'il y est sans cesse question du musulman au masculin) ; mais plus encore, c'est à la Sunna et aux traditions qui vont s'imposer au XIè et XIIè siècle qu'il s'en prend, frontalement. le narrateur va ainsi expliquer, sans détour, à quel point y sont dénié la liberté individuelle, la liberté de conscience, les rapports conscientisés du croyant à son dieu, etc. de la même manière nous est dépeint une religion qui, par son absence chronique d'auto-critique où, pour le moins, de redéfinition quasi permanente de ce qu'elle est, en conséquence de l'évolution du monde dans laquelle elle interagit - ce que concernant le catholicisme, par exemple, on va désigner par Théologie, dont on peut affirmer qu'elle est une matière très limitée dans l'Islam - est demeurée presque telle qu'en l'état où elle se trouvait il y a douze siècles, le Coran, ses enseignements et ses lois ne pouvant, par essence, jamais être remis en question. Il rappelle comme il est difficile, pour ne pas dire impossible, de séparer l'islam religieux de l'islam politique ; il redit à quel point c'est une foi objectivement conquérante (et pas seulement prosélyte) en définissant avec attention ce qu'est le Jihad, qui peut être "intérieur" ou "militaire", selon les sourates où il est décrit, mais en rappelant expressément qu'il n'y a pas un "type" de Jihad inférieur à l'autre, contrairement à ce que, selon le narrateur, nombre de savant religieux "rusés" (un des préceptes de l'Islam serait de savoir se faire malin, voire délibérément faux, pour montrer l'islam sous son meilleur jour auprès des non-musulmans) affirmeraient pour des motifs d'ordre quasi politique, en terre non islamisée.

Il serait vain de vouloir, en quelques lignes, résumer l'intégralité de ce tour d'horizon religieux que l'on peut, sans l'ombre d'un doute, qualifier de "à charge". On y sent cependant le dépit d'un homme fondamentalement croyant mais que la religion dans laquelle sa foi s'exprime ne satisfait pas pleinement, surtout à l'aune de son évolution personnelle, qui le fait s'envoler des rives méditerranéennes de l'Egypte vers les rives atlantiques des USA où il fera ses études supérieures ainsi que le début de sa carrière professionnelle dans les quartiers plutôt aisés du New-York des années 80.

Peu à peu, le récit - dont on peine vraiment à croire qu'il n'est autre qu'essentiellement autobiographique, malgré l'intitulé "Roman" sur la couverture, ainsi qu'un nom d'emprunt donné à son narrateur "Emad Erraja" (traduire : "Emad Espoir") qui partage un même prénom d'avec son concepteur ainsi qu'une sonorité patronymique vraiment proche, relevant presque de l'anagramme - prend le pas sur l'essai. Soyons honnête : c'est à partir de ce second gros tiers que notre lecture a sérieusement commencé à moins nous captiver. En premier lieu en raison même du style employé par l'auteur. Partant du principe qu'Erraja et Jarar sont les deux facettes d'un même Emad, celui-ci a été élevé par une mère dans l'admiration inconditionnelle de la France et de sa littérature, et, d'évidence, celle de notre grand XIXème. C'est au point que cette femme de caractère s'arrangea pour accoucher à Paris sans jamais y avoir vécu ; que le fiston fit ses études au lycée français d'Alexandrie et qu'il lui fut imposé, tout au long de son enfance, la lecture d'au moins un classique français (parfois un classique russe) chaque mois. Bien évidemment, sans remettre en cause le génie de nos Balzac, Hugo, Zola, Flaubert et autres Maupassant, ni le caractère formateur de leur lecture, il n'en demeure pas moins que plus personne n'écrit aujourd'hui comme ces prédécesseurs illustres ni même ne tente de le faire... Or, souvent, au détour d'une phrase, d'une explication, d'une description et, pire encore, d'un supposé dialogue, ce sont des expressions, des tournures totalement passées, vieillies, démodées qui surgissent sous la plume de Messieurs Jarar/Erraja ; Bien que personnellement fervent amateur de l'imparfait du subjonctif ainsi que de toutes ces conjugaisons bientôt disparues, ici comme ailleurs, selon l'expression consacrée, le trop est très rapidement l'ennemi du bien, ce dont l'auteur semble ne pas toujours prendre conscience ; lorsque ce ne sont pas des accumulations de doubles négations - parfois totalement injustifiées -, de tournures maladroites, mal employées ou surabondantes : en un mot comme en cent, tandis que l'on sent tout l'amour, sincère, débordant, de l'auteur pour la langue française (du moins, pour un certain français littéraire), cette accumulation interminable de verbiage, de phrases mal construites ou trop rigides (c'est particulièrement frappant dans la retranscription de supposés dialogues qui semblent rien moins que surréalistes) donnent à la partie "romanesque" d'Une nuit à Aden un caractère pompeux, alambiqué, grandiloquent et, pour tout dire : lassant. N'évoquons que très rapidement les quelques personnages du récit : en dehors, peut-être, des parents du narrateur, les autres entrent dans des schémas narratifs tellement fermés, tellement attendus et dans le même temps abstraits qu'on finit par ne pas y croire vraiment, quand bien même on songe sans cesse qu'ils sont très certainement les portraits de personnages réels !

Certes, il faut parfois s'accrocher dans cette première partie historiographique et théologique, mais le contenu, s'il est dense, n'est n'est pas moins lisible et aisément compréhensible - d'autant qu'il est complété par un appareil de note très complet. -. On pourra toutefois reprocher à l'auteur nombre de répétitions, de redites qui n'apportent pas grand chose à sa thèse. Gageons que ce fut par soucis de se bien faire comprendre d'un public pas forcément aussi averti que lui dans ces matières (précisons toutefois que M. Jarar est plus un amateur éclairé et passionné de ces matières religieuses qu'un spécialiste à proprement parler). Qu'il défend des thèses trop peu fréquentes, sans aucun doute, au sein de l'Islam. On songera entre autre à l'écrivain algérien Boualem Sansal, de l'intellectuel tunisien Mohammed Talbi ou encore de la critique définitive de l'islam par la psychologue américaine d'origine syrienne Wafa Sultan, se définissant comme une musulmane ne croyant pas à l'Islam et qui exprima ceci à l'occasion d'un entretien : « J'ai décidé de combattre l'islam ; s'il vous plaît comprenez ma déclaration : combattre l'islam, pas l'islam politique, pas l'islam militant, pas l'islam radical, pas l'islam wahhabite, mais l'islam en lui-même... L'islam n'a jamais été incompris, l'islam est le problème... (les musulmans) doivent comprendre qu'ils n'ont que deux choix : changer ou être écrasés. » Ce qu'en dit dans ce texte Emad Jarar n'est parfois pas si éloigné de cette virulente assertion...

Quant à la partie romanesque, véritablement navré de ne pas y avoir accroché. C'est là, une fois encore, que m'est revenue cette prudence quant à ces textes auto-édités : aussi sincères peuvent-ils être, aussi essentiels à leurs auteurs sont-ils bien souvent, cela n'en fait que bien rarement de bons objets littéraires. Impossible de dire si un éditeur ayant pignon sur rue a ou aurait refusé ce texte. Nul doute que le recul d'un œil exercé, responsable (et ouvert) aurait corrigé nombre d'imperfections irrémédiables, de redites et autres lourdeurs inutiles, en commençant par diviser d'une moitié cette somme, biffant ici, supprimant là, puisque le second volume qui est, semble-t-il, exclusivement narratif, compte autant de pages que le premier. Ou bien aurait-il tout simplement conseillé à notre auteur débutant de composer un essai sur l'islam d'un côté et un récit - autobiographique ou non - de l'autre, sans ce mélange des genres difficile à réaliser sans risque de lasser (on songe, par exemple, au génialissime L'insoutenable légèreté de l'être qui est un exemple parfait de roman philosophique intégrant nombre de références autobiographiques. N'est pas Milan Kundera qui veut).
Nous n'irons pas plus loin dans notre lecture, cette écriture amphigourique et verbeuse est par trop impossible. Dommage : il y avait beaucoup à prendre dans cette totale découverte littéraire et documentaire.
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Curieuse construction que cet ouvrage, dont on ne sait trop s'il s'agit d'un roman qui entrecoupe un essai de vulgarisation, ou l'inverse.

Le récit à la première personne a peut-être quelque chose d'auto-biographique. Il s'agit de l'itinéraire, tant géographique que sentimental d'Emad, palestinien né à Paris, ayant vécu à Alexandrie, de père musulman sunnite et de mère grecque, de confession gréco-melkite catholique. Un mélange complexe, tant au plan ethnique que religieux. Un exilé, qui installé à New-York est ballotté entre les cultures qui l'ont façonné.
Mais ce qui en ressort en premier, et dont il discute avec son ami Khalil, ce sont les préceptes de sa foi musulmane. En quoi appartient-il à la communauté des croyants ? Né de père musulman, il est musulman, mais en quoi cela se traduit-il dans sa vie ?

Commencent alors de longues digressions sur les principaux thèmes du Coran, ce livre incrée qui s'impose à tous les croyants sans recul, ni analyse. Sans discutions. Pourtant, Emad Jarar rappelle que les sourates du livre s'opposent parfois sur certains sujets. La période où Mahomed vit à La Mecque semble donner des versets plus conciliants avec les autres religions du Livre, des versets moins guerriers que ceux de la période de Médine. La mise en avant de certains versets est due aux premiers califes pour des raisons aussi politiques que religieuses.
Il n'y a de musulman qu'au sein de l'Umma. Dés lors la loi, la Sharia, les commandements et les interdits s'imposent à lui. En découlent le rejet de celui qui s'écarte de la foi (et l'apostasie), le jihad (imposer la foi aux non-croyants, les pires étant les laïcs ou les athées), l'aumône aux pauvres (le sakat), dont l'auteur reconnaît qu'il est une obligation, mais n'impose pas l'empathie aux autres qui est subjacente dans le christianisme, la polygamie (avec la question jamais abordée, sauf dans ce livre : si un homme peut avoir plusieurs femmes, et qu'il y autant de naissances de femmes que d'hommes, il y a nécessairement des hommes seuls, quid ? …).
La réflexion sur la religion musulmane est poussée et savante, enrichie de nombreuses notes finales, qui permettent de vérifier la véracité des affirmations.

Après au moins deux cent pages, érudites mais ardues, le livre s'écarte de ces considérations religieuses et part vers une romance, avec la rencontre d'Emad avec une jeune française, Adèle, serveuse à New-York. Adèle, dont le petit ami est un musulman zélé et rigoriste, qui cherche à faire basculer cette âme qui se cherche.

Le lecture de ce récit – essai est dense. Je l'ai effectuée à petit rythme, morceau par morceau, en me référant aux notes. En tant qu'essai, Une nuit à Aden est très réussi, même si l'auteur a tendance à faire quelques redites. Pour la partie roman, je serais plus circonspect. A t-on jamais entendu des individus normaux s'exprimer avec la science et la volubilité qui leur sont données ? Les dialogues sont clairement un point faible de l'ouvrage. L'intrigue continue avec un deuxième tome, plus axé roman. Peut-être eut-il été plus pertinent de franchement séparer en deux livres distincts la fiction de la discussion religieuse, même si on comprend que pour Emad Jarar les actes de ses personnages sont forcément intimement liés à leur condition religieuse ?
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Une nuit à Aden c'est un roman touffu sur l'islam
J'ai eu vraiment beaucoup de mal à le lire , je pense sérieusement que ce livre aurait du être élagué et surtout comme l'épingle également un ou deux autres lecteurs , l'écriture est vraiment spéciale , un peu décalée , je n'ai pas pu m'empêcher de sourire à plusieurs reprises en lisant certaines tournures de phrases .
Maintenant je vais parler des points positifs de cette lecture , l'aspect le plus positif c'est l'histoire du narrateur , ce palestinien de père musulman bien entendu mais surtout de mère d'origine grecque , admiratrice de la langue , de la culture française et qui est catholique.
L'auteur nous parle de sa curieuse éducation aux prises avec deux cultures bien différentes.
J'ai vraiment aimé cet aspect , ce respect si rare dans une double culture , les anecdotes sur son enfance .
Ce livre doit être lu à petites doses pour pouvoir digérer les nombreuses informations , j'ai évidemment la chance de pouvoir relire un ou deux passages à ma guise
Livre reçu dans le cadre d'une opération spéciale de Masse Critique , je remercie l'auteur pour l'envoi de son livre et du second tome , délicate attention , ce deuxième tome l'auteur le présente comme un roman donc plus facile d'accès.
Merci à Babelio également.
Dans l'ensemble très contente de cette lecture qui donne beaucoup d'explications sur cette religion si méconnue .
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Avec "Une nuit à Aden", aimablement reçu dans le cadre d'une masse critique privilégiée, il faudrait évoquer « les fonds et les formes » !
Car il y a plusieurs fonds : l'évocation de la vie de l'auteur et une étude des contradictions et dérives de l'Islam. L'une et l'autre sont intéressantes car on a en France, je crois, une idée assez stéréotypée de la vie d'un palestinien. Il devrait en principe haïr tous les juifs, jeter des cailloux à la fronde ou des obus au mortier sur Israël, voir commettre toutes sortes d'attentats de par le monde. Celui-ci étudie, parle plusieurs langues et travaille dans la finance américaine.
Ce n'est pourtant pas la partie la plus intéressante du livre car nous avons aussi en France, d'autres idées tout aussi stéréotypées sur L'Islam. On prend ici la mesure de cette doctrine religieuse machiste, expansionniste et ségrégationniste. On comprend comment les textes d'origine furent manipulés à des fins politiques ou de pouvoir temporel (comme d'ailleurs dans bien d'autres idéologies).

Pour les formes, elles sont déroutantes.
L'auteur reconnait lui-même abuser d'emphases et de termes alambiqués mais il est parfois lyrique lorsqu'il laisse sa plume s'envoler sans y soumettre le poids de son intellect. C'est le grand défaut des auteurs étrangers écrivant en français. Leur amour de la littérature et du langage leur donne tendance à vouloir démontrer qu'il le maîtrisent à la perfection. Français, d'origine maltaise, j'en suis pleinement conscient et tente de me corriger !
Mais M. Jarar est aussi quelques fois incompréhensible, répétitif et commet d'incroyables fautes de conjugaison ou de syntaxe. Il est d'ailleurs plus généralement à déplorer qu'il n'y ait plus de relecteurs capables de remédier à ces écarts.
Formes et fonds confondus, il demeure un ouvrage instructif, d'une grande sincérité et d'une profonde honnêteté qui espérons-le ne vaudra pas à l'auteur que je remercie, une fatwa de plus !
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Merci Babelio et masse critique pour l'envoi de ce livre .Un livre érudit ,plutôt un essai qu'un roman avec beaucoup d'éléments que je pense autobiographiques .Le héros est palestinien ,de père musulman et de mère chrétienne, cette origine lui donne un certain recul et lui permet certainement une analyse , voire une critique assez poussée de l'Islam et du Coran .La partie plus romanesque ,un peu mièvre parfois ,m'a semblé être là pour reposer le lecteur d'une lecture savante quoique l'histoire d'amour va se trouver également confrontée à l'intégrisme musulman
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