Très beau bouquin, sous forme de roman-photo, sur la vie à Denain, aujourd'hui.
Denain c'est loin de Paris et de sa banlieue. du coup, elle fait partie de ces villes qu'on ne voit pas, qu'on ne montre pas et qui pourtant sont des expressions de la violence économique et sociale produite par la désindustrialisation de la fin des années 70.
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J'ai vraiment beaucoup aimé ce livre documentaire, qui se présente sous la forme d'un roman-photo et qui nous permet de plonger dans la vie d'habitants de la ville de Denain, dans le Nord : on y évoque la pauvreté, le chômage, la désindustrialisation (le drame de la fermeture d'Usinor en 1978 en plus de la fin des houillères), mais aussi la famille, les vacances, la révolte, la persévérance. Le livre interroge sociologiquement la notion de mobilité et l'injonction contemporaine à être obligatoirement "mobile" : il en démontre les limites et le caractère paradoxal. Denain est l'une des villes les plus pauvres de France. La mobilité peut-elle être autre chose qu'une abstraction quand on n'a pas de voiture, qu'on s'est fait voler son scooter, que les villes sont mal desservies par les transports, ou encore que la justice nous interdit de quitter le département? Comment penser alors la mobilité? Trouver un travail à des dizaines (des centaines) de kilomètres est-il acceptable? Sans misérabilisme, on comprend les logiques qui s'intriquent pour conduire certains à la nécessité de rester chez soi, à Denain.
Dans le livre, on suit sur deux ans (2017-2018) plusieurs personnes, couples, familles, leurs difficultés et l'évolution de leur situation socioprofessionnelle. On assiste aussi, forcément, à la naissance du mouvement des gilets jaunes, sa résonance dans ces lieux éprouvés par la précarité.
C'est vraiment un beau livre sensible et émouvant. On s'attache à ces familles, on comprend leur impuissance, leur espoir, leur colère.
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