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Critique de karmax211


Lorsque je m'apprête à lire Ubu, plusieurs pensées me viennent à l'esprit.
D'abord le même étonnement, le même émerveillement face au sort réservé à ce qui était au départ une pochade de potaches.
Car ce volpone gargantuesque, caligulesque, vulgaire et grotesque n'est, avant son appropriation par Jarry, qu'un quidam provincial, un "humble" professeur de physique d'un lycée de Rennes, chahuté et moqué par ses élèves, dont les nom et prénom, Frédéric Hébert, vont devenir à l'occasion d'une pièce écrite par deux d'entre eux, les frères Morin, " le Père Ébé " dans la pièce intitulée " Les Polonais". Ce "Père Ébé" est devenu roi de Pologne... "c'est-à-dire de Nulle part"... ( on comprend "le message"... )
Arrive dans ce lycée Jarry qui devient ami avec l'un des frères Morin, Henri... Ubu est né !
Et avec lui " le théâtre de l'absurde ", qui va révolutionner cet art... en 1896... et universaliser l'adjectif " ubuesque ".
Géant ! Revoyez-vous au lycée, blaguant, caricaturant un de vos profs... et imaginez qu'à partir de là.... c'est, pour moi, un constant "époustouflement" ( quand on est avec Jarry, on néolojarrise...).
Ensuite, lorsque débute la lecture, je visualise Ubu sous les traits et la voix de Coluche...le Coluche de - Vous n'aurez pas l'Alsace et la Lorraine - incarnant "le roi Gros Pif 1er", et celui de - le fou de guerre - et du capitaine Oscar Pilli aux côtés d'un certain Beppe Grillo (initiateur du Mouvement 5 étoiles), lequel devient dans ma lecture le "capitaine Bordure"...
Où mènent ladite lecture et l'imagination ?!!!... À l'absurde, me direz-vous...
Ubu c'est l'outrance, la démesure, le tout-permis, le délire, la pulvérisation des règles et des codes, à commencer par celle de la langue, rabelaisée, macbethisée, sexualisée, néologisée. C'est le gras, le lourd, l'indigeste assumés, revendiqués.
Ubu, c'est l'ennemi du politiquement correct, c'est Charlie ripaillant avec Harakiri.
Ubu, c'est un ex-roi d'Aragon aujourd'hui officier des dragons loyal à son souverain, le roi de Pologne Venceslas. Poussé par sa femme, "la mère Ubu" et par le capitaine Bordure, il va prendre la tête d'une conjuration qui va tuer le roi, deux de ses fils, son épouse, s'emparer du trône et de la couronne.
Le règne du roi Ubu va être marqué du sceau du sang. Bête, méchant, cruel et avare, il va décimer les nobles, les magistrats, les financiers... allant jusqu'à faire lui-même du porte-à-porte pour récolter des impôts "iniques".
Ses sujets lui tournent très vite le dos.
Bougrelas, fils rescapé du roi Venceslas, trouve de l'aide auprès du "czar", et aidé de Bordure qui a retourné sa veste, défait Ubu... qui s'enfuit pour la France sur un navire avec sa commère de femme.
Révolutionnaire, transgressive, la pièce fit scandale.
L'introduire en 1896 par un tonitruant " Merdre ! "... ( néologisme inventé par les lycéens de Rennes ) il ne fallait pas manquer de toupet !
Guigner sans vergogne dans un contexte farcesque du côté de Sophocle et de Shakespeare... là aussi, quelle audace !
Mais ce que les spectateurs d'alors n'ont pas compris et que certains comprennent peut-être un peu mieux aujourd'hui, c'est qu'Ubu n'est après tout que l'humain trop humain livré à un monde absurde.
Pour le meilleur et pour le rire, relisez Ubu,"ce produit incestueux de la carpe et du lapin devenu mythe ", et surtout redécouvrez Jarry cet homme étonnant qui signait à la fin de sa vie du nom de son personnage, qui préféra au principe de réalité celui du plaisir et qui, sur son lit de mort, demanda en guise de dernière volonté... un cure-dent... !
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