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Critique de afriqueah


Serge le Chenadec se fait progressivement évincer par sa famille, sa femme a rencontré des amis beaucoup plus intéressants « intellectuels souriants, préoccupés par les droits de l'homme, le sort du monde, » en un mot « de belles personnes »à côté de qui, lui, pauvre agent immobilier a l'air d'un plouc. Descente, prévue depuis le début par la meilleure amie « on n'embrasse pas une femme qui a bu ! C'est dégueulasse ! Bérénice avait même conseillé d'appeler les flics.
Son bureau, de débarras, devient un dépotoir. Lui aussi. Par rapport aux vraies questions sociétales et au réchauffement de la planète, ce gros beauf ne fait pas le poids, ni devant Claire, sa femme, une autre Emma Bovary, qui se met à étudier la linguistique et à se passionner pour les luttes sociales, ni devant ses enfants. Il a perdu pied, point.
Un deuxième anti-héros, Clément, dans ce monde pétri des idées morales indéboulonnables ( au contraire des statues)voit sa relation, elle aussi, contaminée par les intellectuels que fréquente sa femme : un philosophe traduit en vingt quatre langues, et qui attend éminemment la traduction « de son oeuvre en wolof, à laquelle il portait une tendresse particulière, ne voulant pas priver l'Afrique noire de sa pensée », un Grand professeur d'Université, un prix Goncourt. Clément perçoit, lui le chômeur, bien vite que derrière les discours Starobinsky-Genette- Foucault, se cache la tyrannie pas avouée du sexe.
Puis, renversement admirable ( tout le livre est admirable, par sa perspicacité sur les tartuferies de notre temps) le roman « L'homme surnuméraire » est un roman , justement, comme s'il sortait du livre lui même ; son auteur s'appelle Horlaville-(Hors la-ville)et le grand universitaire va le démonter avec son jargon « roman où la verticalité s'absente … Et pose la question : qu'a voulu dire l'auteur ?Le cercle carré répétitif , puis les dérives inadmissibles ( ???) le condamnent de toute façon, comme son héros est condamné et banni. Dehors, le livre que l'on a commencé à lire.
Enfin, récit dans le récit, les bonnes pages de Léa Lili, racontant la délivrance de Claire, avec des mots modernes, scandés, sa reprise en main, sa promesse de protéger ses enfants « contre les maris, contre la finance, contre les chiffres. Elle en fait le serment. A elle-même. Dans le silence du crépuscule. Dans le silence de son coeur : » !!!Bonnes pages à tomber par terre de rire !

Mais Patrice Jean ne s'arrête pas là. Clément est embauché dans une maison d'édition qui se propose d'expurger certaines oeuvres littéraires, à commencer par le Dom juan de Molière, dont le rapport abject à la paysannerie contrevient à la morale élémentaire.
J'ai beaucoup ri, j'ai beaucoup analysé nos travers, j'ai parfois eu peur de ce monde puritain qui interdit de plus en plus, au nom d'une tolérance qui accouche de l'intolérance. Plus personne, à la fin du livre ne peut se permettre de lire le Bloc Notes de Mauriac( en tant que croyant, n'est-il pas partie prenante de l'Inquisition ?) et le lire dans le métro, c'est plus que manquer de respect à la neutralité de l'espace public, c'est provoquer.
Bien sûr, le vitriol porté sur des expressions, des tics de pensée, sur « le vertige de l'indignation hypocrite » dont parle Philip Roth dans la Tache, m'a paru congruent.
Le vrai sujet, cependant, à mes yeux, du livre de Patrice Jean, est la place donnée aux idées, pouvant aller jusqu'à détruire les couples. Idées qui sont souvent pétries d'idéologie, idées ne permettant plus la remise en cause, idées toutes faites, et pourtant toutes puissantes. Idées qui, elles et leur contraire, parlent la plupart du temps d'autre chose et véhiculent Dame bêtise.
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