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Citations sur La rose de Saragosse (45)

Torquemasa a toujours reproché au Vatican d'accueillir n'importe qui au sein de l'Eglise. Une simple onction suffit à élever un obscur chef de clan, burgonde ou lombard, au rang de prince de la Foi. Le Grand Inquisiteur, considérant ces baptêmes à l'emporte-pièce comme une insulte aux vrais catholiques, vient de les déclarer nuls et non-avenus.
p.119
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— Manier le burin rend l’âme revêche, l’avertit Benavarre.
Ce n’est pas la première fois qu’il lui fait cette remarque. Et que Léa ne partage pas son opinion. Elle ne le lui a jamais dit, mais elle trouve que ses retables manquent justement de robustesse. Les vierges y sont trop amènes, alors qu’elles devraient se montrer alarmées, inquiètes, révoltées même. Parce qu’elles savent, parce qu’elles sont mères.
Quant aux anges, sur les fresques, ils ont cette pâleur de la chair qui fait la coquetterie des gitons. Les prophètes de splendides haillons savamment rehaussés au safre et au cobalt. Les martyrs les yeux chatoyants et le front lumineux. Tous rayonnent de teintes et de couleurs, subtilement délayées, que le pinceau lisse de ses caresses.
Léa préfère le burin, la poigne qu’il exige. L’encre plutôt que les artifices des pigments et des vernis. Et qu’il n’est pas nécessaire d’étaler partout. Le peintre doit recouvrir son panneau jusque dans les moindres recoins, en cacher le bois nu. Alors que le graveur, lui, n’est point esclave du plan qu’il travaille. Il peut y laisser des blancs, des non-dits.
Des aires de liberté.
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Léa entraîne Raquel Cuheno vers la dernière mezzanine, tout en haut de l’escalier en colimaçon. Là où Ménassé conserve sa collection d’estampes. Raquel se fait prier. Elle n’aime pas ces images frottées avec des rouleaux d’encre. Elle préférerait que Léa lui montre des livres d’heures aux miniatures délicates, aux enluminures finement dorées. Il s’en dégage une candeur de sainte crèche, apaisante, en parfaite harmonie avec le velouté du parchemin. Alors que les traits noirs des gravures trahissent la brutalité qu’il a fallu pour mater les nervures, chasser les copeaux, creuser la planche. Le pinceau glisse, adoucit. Tandis que le burin délarde. À l’épure. Forcé qu’il est d’aller à l’essentiel. Insistant sur les contours au lieu d’en atténuer le tracé, comme s’il soulignait des passages dans un texte.
C’est justement ce cousinage avec l’écriture qui plaît tant à Léa. Cette calligraphie aux pleins et déliés que n’encombre aucune grammaire, ou plutôt contre laquelle elle s’insurge. Car la gravure est l’art des rebelles. Elle détourne encre et papier de l’usage que leur ont assigné les scribes. Elle élargit le stylet de l’emprise des lettres et des signes, lui donnant plus de leste. Elle émancipe notre regard des diktats auxquels les peintres l’astreignent. Elle oblige à voir autrement. Sans artifices ni demi-teintes.
Bien des artistes, en Italie, en Allemagne, en discernent aujourd’hui la puissance secrète. Et la licence qu’elle leur offre. Ce n’est qu’une image, certes. Mais qui peut être reproduite à des centaines d’exemplaires. Et avoir une portée plus grande encore que celles des livres, puisqu’elle s’adresse aussi bien aux illettrés qu’aux gens des facultés, aux négociants qu’aux bergers. Par-delà tous les dialectes. Toutes les différences.
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Ce n'est pas dans ce que tu regardes que réside la magie de ce que je viens de graver. Mais dans la perception que tu en as et qui est elle-même illusoire car cette rose n'a d'autre âme que la tienne.
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Les frères Botticelli partagent le même atelier. Et souvent les mêmes commanditaires. Mais aussi les techniques que chacun emploie, l’un pour travailler le métal, l’autre pour peindre. Bien des graveurs italiens ont adopté les acides et les pointeaux qu’utilisent les ciseleurs, pour affiner leurs estampes, creuser la plaque avec plus de douceur, de minutie. Se libérer de la rigidité du cuivre et de l’acier. Mais aucun peintre, en dehors de Sandro Botticelli, n’a encore décelé ce que l’art du ciselage pourrait apporter à un tableau. Il a vu comment les pièces fondues par son frère prennent vie dès qu’Antonio y incise les premières volutes. Comment le terne de l’argent massif, une fois biseauté, devient étincelant et apprivoise la lumière. Comment le niellage accentue les miroitements, précise les formes, soulignant ici les courbes et les galbes, cernant là le poli des parties laissées lisses.
Alors, il s’est mis à peindre en orfèvre.
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Les mots évoquent mal les choses, n’ont pas de souplesse. Ils se veulent trop exacts. Alors que le crayon glisse sur la feuille en pleine liberté. Sans rime, ni raison. S’adressant à l’âme plus que toute palabre, l’adjurant mieux que toute prière. Lui exposant son propos dès le premier coup d’œil plutôt que de l’entraîner dans un dédale de conjectures et de postulats.
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Car la gravure est l'art des rebelles. Elle détourne encre et papier de l'usage que leur ont assigné les scribes. Elle élargit le stylet de l'emprise des lettres et des signes, lui donnant plus de leste. Elle émancipe notre regard des diktats auxquels les peintres l'astreignent. Elle oblige à voir autrement. Sans artifices ni demi-teintes.
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Car la gravure est l'art des rebelles. (...) Ce n'est qu'une image, certes. Mais qui peut être reproduite à des centaines d'exemplaires. Et avoir une portée plus grande encore que celle des livres, puisqu'elle s'adresse aussi bien aux illettrés qu'aux gens des facultés, aux négociants qu'aux bergers. Par delà tous les dialectes. Toutes les différences.
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Penché au-dessus de la table branlante qui lui sert d’atelier, Angel laisse l’ombre de sa main frétiller au gré des vacillements de la chandelle. Il aimerait tant dessiner avec elle, cette main qui flotte, aérienne. Que n’alourdit pas la chair. Cette sveltesse du mouvement, cette puissance du geste, il les a ressenties plus d’une fois. À la pointe de son épée. Traçant une balafre, à l’estafilade, en travers d’une joue d’aigrefin aussi lisse qu’une plaque de graveur. Qu’il sabre un visage ou qu’il en capture l’expression sur le vif, Angel procède de même. Il assouplit les jointures, débande les ligaments, laisse le poignet leste, tout en gardant le bras ferme. Il fait le vide, se désencombre, scrute sa proie tout comme son modèle, en soutient intensément le regard, avant de lui décocher un sec coup de lame. Ou de mine.
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Ménassé possède une immense bibliothèque dont il consulte souvent les ouvrages. Mais c’est à l’étage des gravures qu’il médite le mieux, scrutant les lignes noires tracées par le stylet, puis estampées avec force sur la feuille. Il a toujours été envoûté par ces impressions à l’encre, un peu crues, parfois brutales. Elles lui semblent dotées de pouvoirs mystérieux. D’une énergie secrète qui, libérée des signes, surpasse celle de l’écrit.
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