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Critique de lulu8723


Jessamine CHAN. L'école des bonnes mères.

Je finis l'année en beauté. Je sors de l'enfer du camp d'Auschwitz avec le roman de Antonio ITURBE : «La bibliothécaire d'Auschwitz », j'ai partagé le goulag aux fins fonds de la taïga en Sibérie avec Gouzel LAGHINA : « Zouleikha ouvre les yeux », avec Frida je viens de subir une année entière dans une école de redressement destinée aux mères de familles négligentes, imparfaites, maltraitantes. Mais qu'est-ce que cette institution ? Nous sommes dans une dystopie, aux parfums âcres, dans un univers lugubre à souhaits… Un environnement glacial et glaçant où toutes les mères sont soumises à de nombreuses pressions.

Frida, la quarantaine, divorcée de Gust, a abandonné Harriet leur petite fille de dix-huit mois pendant deux heures. Elle est partie récupérer un dossier sur son lieu de travail. La petite fille est dans son trotteur. Elle pleure et des voisins appellent la police. Les services sociaux sont alertés et Frida tombe dans un engrenage sans fin. La garde de son enfant va donc lui être retirée, provisoirement mais pour une très longue durée. La petite fille va être confiée à son père et à la nouvelle compagne de ce dernier. Frida va devoir subir une année entière de rééducation afin de devenir une « bonne mère ». Elle va vivre en autarcie dans un pensionnat, une ancienne université reconvertie en centre de redressement pour les mères négligentes, ignorant les besoins de leurs enfants, les privant parfois de nourriture, les soumettant à de mauvais traitements, les punissant, les dorlotant un peu trop, en un mot, des mères humaines….. Laquelle d'entre nous peut se targuer d'être ou d'avoir été une « mère parfaite ». je pense qu'à part moi, il n'y a pas au monde une super maman. Oui je suis très modeste et humble…. J'ai maintes fois demander à ma fille si elle désirait changer de mère, la réponse a toujours été négative donc je suis presque parfaite ! Bien sûr, je suis très caustique surtout en ce qui me concerne personnellement. Mais revenons à nos moutons, non à nos bambins et à leur éducation….

Une longue année, soumise à d'étranges mesures coercitives… Un internat dans lequel des mères négligentes, des « mauvaises mères » reçoivent une éducation afin de devenir meilleures. Une évaluation de leur comportement est continue : chaque semaine ces femmes subissent des épreuves théoriques et pratiques. Afin de les rééduquer, des poupées robots leur sont attribuées. Ces poupées représentent leur fille, leur fils. Ces femmes doivent s'en occuper exactement de la même façon que s'il s'agissait de bébés, de nourrissons, d'enfants en bas âge. Quelle horreur ! Peut-on remplacer un enfant par un robot, si perfectionné soit-il ? Ces poupées-robots éprouvent même du ressenti, des sentiments en fonction de l'attention que leur portent leurs mères adoptives. Nous sommes dans un univers semblable a celui que Margaret ATWOOD nous a décrit dans son roman « La servante écarlate ».

Chaque mère ne dispose que d'une demi-heure hebdomadaire de conversation téléphonique avec son enfant et encore, si cette mère s'est mal comportée avec sa poupée robot, cette communication est interdite. Une enfant séparée, privée de sa maman peut-elle conserver une image positive de cette dernière lorsque l heure de la liberté sonnera. Est-il possible de recevoir une rééducation ? Et qu'est-ce qu'être une bonne mère ? Je ne pense pas qu'il puisse exister une école pour former les mères à leurs devoirs ? Chacun agit du mieux afin de subvenir aux besoins des enfants…. Après avoir subi douze mois d'éducation, toutes ces femmes deviendront-elles de bonnes mères. Elles subissent des épreuves destinées à juger leur efforts et leur progression. Tous ces examens sont minutés, chronométrés et un classement a même lieu toutes les semaines. Il y a de quoi devenir complètement folles à lier. Des amitiés se nouent entre ces femmes, de la jalousie s'installe au sein de cette société hétéroclite. Des guet-apens parsèment le long chemin à parcourir jusqu'à l'ouverture des portes du pénitencier et de la levée d'écrou. Que d'angoisse avant d'être libre et retrouver ses enfants, le passé, le monde du travail, la société.… Ces femmes sont parquées dans un lieu isolé et nanti d'une clôture électrifiée, destinée à réduire et même interdire tout espoir d'évasion ! Oui, cela évoque d'autres camps ! Quel sera le devenir de Frida. Va-t-elle devenir meilleure et quelle sera la réaction de la petite Harriet qui, elle aussi a été privée de sa maman ? Comment se reconstruire après avoir connu de telles épreuves ! Je pense que personne ne peut revenir indemne de tels traitements. Les gardes veillent sur leurs prisonnières. L'espionnage, la délation sont monnaie courante...

Jessamine CHAN dresse ici un état concentrationnaire, un univers inimaginable, insoutenable. Mais la perversité de la justice, des êtres humains est mise en évidence et tout est permis. Est-ce que Frida, sa peine accomplie pourra retrouver sa petite fille dont elle n'a pu accompagner son évolution pendant une année entière : quasi un siècle pour une petite fille de 18 mois… L'écriture est incisive. Nous participons de façon très active à la rééducation de ces femmes, nous souffrons à leurs côtés. Un tel établissement peut-il exister dans nos sociétés. Je crains la déshumanisation apportée à ces femmes vivant de longs mois loin de leur foyer. Après un passage dans cette bonne école est-il possible de réintégrer la société civile, retrouver un travail, revivre en harmonie dans la civilisation. Ce livre nous interpelle. Pour ma part, c'est le dernier roman de l'année 2023. Je vais me pencher sur des narrations un peu plus légères. J'ai besoin de souffler un peu et peut-être relire Tintin, Astérix, le petit Nicolas…. de la légèreté, du feel good, plus de larmes….

Tous mes voeux pour 2024 et partageons nos lectures. Bonne journée.
( lu en décembre 2023). 205 ouvrages à mon compteur.
Lien : https://lucette.dutour@orang..
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