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Retirer la garde des enfants à des femmes négligentes, parquer ses mères dans une école qui ressemble à une prison, leur apprendre à devenir des mères parfaites en s'entrainant sur des poupées robots devant des enseignantes qui n'ont jamais eu d'enfants de leur vie…

Adieu empathie, adieu psychologie humaine.

De mon point de vue, les trucs pour lesquels sont condamnées ses femmes, sont légitimes. On ne laisse pas un bébé seul pendant deux heures. On ne perd pas de vue son enfant au parc en regardant Tik Tok. Mais la méthode de répréhension, je la trouve complètement horrible. On ne peut pas traiter ses femmes comme des criminelles. Et pourtant, c'est ainsi qu'elles seront considérées.

C'est assez symbolique le fait qu'on demande à des femmes de retirer tout ce qui fait d'elles un être humain (les émotions, l'imperfection) en s'occupant de robots. En fait, on demande à ses femmes de devenir des machines avec leurs enfants, sur lequel on appuierait sur un bouton : bonne mère, mauvaise mère. Et la nuance humaine dans tout ça? Surtout dans une société où le vecteur de croissance est l'argent, élaborant ainsi un système de classe social? Les mères riches qui négligent leur enfant, ne sont pas perçues comme telles, puisqu'elles ont les moyens de se payer des domestiques. Mais une mère seule qui doit travailler? Quelles sont ses contraintes dans cette société?

J'ai trouvé son roman trop long, surtout la partie dans l'école. On comprend très vite l'absurdité exigée à ses mères, et le temps consacré pour le transmettre devient, personnellement rébarbatif : elles doivent réussir à calmer les pleurs dû à des souffrances physiques en moins de 10 minutes, baisser la température dû à une fièvre grâce à des pensées d'amour, faire des câlins de temps de seconde en fonction des pleurs. Les punitions lorsqu'elles n'arrivent pas à calmer les robots, sont carrément des tortures psychologiques, etc…
L'adage « faites ce que je dis pas ce que je fais » n'a jamais été aussi bien montré que dans cette école. Tandis qu'on enseigne la bienveillance et l'amour maternel à ses femmes, elles subissent tortures psychologiques, dénigrement permanent, menaces affectives et punitions extrêmes. Si tu casses une maman, elle marchera moins bien après.

Et quelque chose a échappé à ma compréhension, la parole de l'enfant dans tout ça ? On lui prend sa mère. Arracher la mère d'un enfant, c'est tout sauf de la bienveillance. On a des enfants émotionnellement fragiles parce que les mères ont fait des bêtises, et au lieu de rassembler ses familles, de les guider pour s'améliorer, on les sépare violemment, on détruit le lien et on s'attend à une progression miraculeuse…
C'est long et émotionnellement insupportable de lire la souffrance de ses femmes. Mais j'avais envie de savoir la fin.
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J'ai eu envie de découvrir ce qui se cachait derrière ce titre énigmatique : The school for good mothers.

Nous plongeons dans une dystopie très réussie qui n'est pas sans rappeler La servante écarlate ou la société est devenue folle et extrême. Ici c'est la relation maternelle qui est au centre du roman. le moindre fait et geste des mères est scrutée, les dénonciations vont bon train et les mères se retrouvent accusées des pires crimes. On retire les enfants et la société veut rééduquer ces mères imparfaites.

Les personnages sont très attachants et notamment Frida. Ce n'est pas une mère parfaite, elle commet des erreurs, elle est humaine et se sent très souvent dépassée par son rôle de mère célibataire, par sa fille, par le manque de sommeil ou par son divorce. Il est facile de s'identifier à elle et dès les premières pages, on ressent énormément de compassion pour elle.

Cette école est effrayante. Elle fonctionne à coup d'humiliations, de chantage affectif et c'est forcément touchant, violent. En tant que lectrice et maman, il m'a fallu parfois faire des pauses dans ma lecture pour pouvoir digérer la violence de ce roman. C'est un roman très réussi, provoquant dont on ne ressort pas indemne.

La fin est complètement inattendue, Frida prend une décision folle mais qu'a telle de plus à perdre ?
Lien : https://missmolko1.blogspot...
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Parmi la masse des romans dystopiques déjà parus, difficile de se faire une place au soleil. C'est pourtant ce qu'essaye l'américaine Jessamine Chan avec son premier roman, L'École des bonnes mères, dans laquelle elle imagine une société tellement terrifiée par les violences envers les enfants qu'elle a décidé de prendre les choses en main de façon plutôt…radicale.
Traduit en France par l'excellente Anne-Sylvie Homassel et publié par les éditions Buchet Chastel, le roman de Jessamine Chan questionne et file la chair de poule.

« Nous avons votre fille », une phrase simple, percutante, directe.
Ainsi s'ouvre L'École des bonnes mères dans laquelle le lecteur suit la descente aux enfers de Frida, Américaine d'origine Chinoise, qui se voit confisquée la garde de sa propre fille pour négligence.
Mais quelle négligence ? Celle d'avoir laissé seule Harriet, son enfant de 18 mois, dans son appartement alors qu'elle n'en pouvait plus. Qu'elle voulait simplement sortir, respirer. Dénoncée par ses voisins qui ont entendu les pleurs de la gamine, Frida se précipite au poste de police et la voici confronté au Service de Protection des Mineurs.
L'histoire pourrait s'arrêter ici mais dans ces États-Unis-là, on ne plaisante plus du tout avec le bien-être des enfants et tout ce qui peut s'apparenter à de la maltraitance. Envoyée dans une école pour y être rééduquer, une « école de bonnes mères », Frida comprend qu'elle n'est pas prête de revoir Harriet. Laissée aux bons soins de son père, Gust, et Susanna, la nouvelle femme de celui-ci, séparé depuis plusieurs années d'avec Frida, la petite fille commence à grandir dans l'inconnu.
Jessamine Chan se focalise entièrement sur le destin terrible de Frida, une mère imparfaite (une mère ordinaire, donc), qui se retrouve broyée par un système devenu complètement fou et extrémiste, centré sur le bien-être de l'enfant et qui veut transformer les mères en modèles parfaits, calibrés, minutés, rééduqués. Avec un soupçon de Servante Écarlate, à ceci près que le garde-chiourme ici est bel et bien féminin.

La quasi-totalité du roman se déroule donc dans cette école spéciale où Frida va faire la connaissance d'autres « mauvaises » mères.
Certaines coupables sans aucun doute possible de mauvais traitements, d'autres d'atteintes bien plus discutables. Mais la nuance n'existe plus, si vous commettez une erreur dans votre rôle de mère, alors vous êtes une criminelle. Et vous serez traité comme telle.
Imaginant un substitut d'enfants grâce à des sortes de poupées-robots dérangeantes autant qu'attendrissantes, Jessamine Chan explore avec minutie la culpabilité de Frida et les racines de celle-ci qui, on le devine rapidement, est aussi le fruit d'une société où la mère est toujours coupable, quoiqu'elle fasse. Suivant les différentes étapes de la rééducation maternelle, sorte de cours intensifs à la parentalité bienveillante version camp de redressement, le roman glace le sang par les épreuves psychologiques qu'il fait subir à Frida et à ses codétenues.
Souvent absurdes jusqu'à l'extrême — le câlin est minuté en fonction du rôle qu'il doit remplir par exemple — , les consignes et le code moral que l'on inculque à ces femmes n'a plus rien d'humain. L'erreur n'est plus tolérée et une forme de perfection maternelle malade, perverse prend la place de ce qui devrait être un apprentissage progressif et tâtonnant, en réalité naturel.
C'est pourtant la souffrance de mère de Frida mais aussi son histoire personnelle, intimement liée à ses origines chinoises et à ses relations avec ses parents, qui fera toute la force de ce roman. Car Frida n'est pas une mauvaise mère, elle est juste une maman qui a fait une erreur, une maman qui n'en pouvait plus et que la société écrase de tout son poids.
Au fond, le roman de Jessamine Chan raconte sans tabou tout ce qui constitue le rôle de mère, du pire au meilleur, de la solitude qui l'accompagne au jugement constant qui l'éreinte.
Car être mère et être femme, avec tout ce que cela présuppose, de l'amour au sexe en passant par le besoin d'être soi, sont deux choses que la société moderne refuse de concilier.

Dans son versant dystopique, L'École des bonnes mères reconstruit un système totalitaire en huit clos où la femme devient son propre prédateur.
À force de jugements, de mesquineries, de rumeurs et d'inhumanité.
Plus fort encore, Jessamine Chan inclut bel et bien des femmes qui ont maltraité leurs enfants. Mais elle arrive à en tirer quelque chose, à ne pas les réduire aux monstres que les journaux et le cinéma nous vendent, à tenter de comprendre sans excuser pour autant.
En réalité, le roman nous explique aussi comment en utilisant un sujet-choc qui devrait de facto mettre tout le monde d'accord, à savoir la maltraitance infantile, il devient possible d'infliger les pires choses à ces êtres qu'on déshumanise. La mauvaise mère n'est plus vraiment humaine, elle est une chose défaillante et répugnante qu'il faut corriger, qu'il faut punir. En jouant sur l'émotion, il devient possible de tout faire accepter, même le pire. Surtout le pire.
Si le roman semble tout de même tirer à la ligne par moment en démultipliant les enseignements et en diluant ainsi son impact émotionnel, il parvient à capter toute la détresse de celles qui sont piégées et qui ne veulent que serrer leur enfants dans leurs bras de nouveau.
C'est aussi l'occasion de démontrer la différence de traitement entre les pères et les mères, comment ces dernières sont beaucoup plus sévèrement réprimandées et condamnées. Et puis, bien sûr, de comprendre qu'on n'a pas le même destin si l'on est une mère blanche américaine aisé ou une mère noire sans le sou. Que l'environnement et les origines sont toujours là, quoiqu'on fasse.

Dans ce roman-cauchemar où l'on s'enferme avec une mère condamnée au pire, le lecteur passe par toute une palette d'émotions parfois contradictoires, épluchant la maternité et le rôle de mère dans toute sa complexité. Jessamine Chan livre une histoire de notre époque, où la mère se doit d'être parfaite et n'a le droit que d'être jugé encore et encore. Une histoire banale, presque.
Reste à savoir ce qu'est, au fond, une bonne mère dans notre époque malade.
Lien : https://justaword.fr/l%C3%A9..
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Frida, devenue mère célibataire après que le père de sa fille l'a quittée pour une autre femme, essaie désespérément de jongler entre les besoins de la petite Harriet, âgée de 18 mois, son travail et la fatigue qui menace de la submerger. Mais voici que l'impensable se produit : un jour d'extrême fatigue, elle s'attarde plus longtemps que prévu au travail en oubliant qu'elle a laissé sa fille seule chez elle, les voisins appellent la police et son enfant lui est retirée. Plongée en plein cauchemar, Frida n'a plus qu'une solution : accepter la seule solution qu'on lui propose, un stage d'un an à la toute nouvelle Ecole des bonnes mères, visant à rééduquer les parents défaillants...

L'Ecole des bonnes mères commence tout d'abord comme un roman réaliste, en décrivant de l'intérieur la vie souvent épuisante d'une mère seule avec son jeune enfant, la fatigue qui s'installe, l'impression de ne jamais avoir un moment à soi, l'envie qu'on peut parfois avoir de hurler même si on adore plus que tout son bébé. L'auteure décrit très bien cet épuisement, ce tourbillon sans fin, et nous fait vivre de l'intérieur le soudain cauchemar de Frida qui certes a fait une grosse bêtise en laissant seule sa fille mais qui n'aurait jamais pensé que cela puisse aller si loin et qu'elle puisse ainsi être privée de son enfant. Et puis à quelques petits détails on comprend que ce roman glisse vers la dystopie : ces voisins si prompts à appeler la police quand ils ont compris qu'Harriet était seule à la maison, ces policiers qui la traitent comme une criminelle et l'accusent de manquer à son devoir, ce tribunal qui semble ne faire preuve d'aucune compassion... L'auteure nous amène ainsi très intelligemment vers le monde qu'elle décrit, un monde où les autorités politiques et sociales se sont vues accusées d'avoir provoqué la mort de jeunes enfants par négligence, un monde où maintenant les parents n'ont plus droit à l'erreur, où l'état considère qu'il est de son devoir de s'assurer que tout parent est bien apte à s'occuper de sa progéniture.

On va ainsi découvrir par les yeux de Frida la glaçante Ecole des bonnes mères du titre... et ça fait froid dans le dos. Combinaison parfaite de technologie, de surveillance, de déshumanisation et de rééducation politique, cet institut d'un nouveau genre qui réunit les mères défaillantes aux yeux de l'état va devenir le nouveau cadre de vie de Frida et de ses compagnes. le récit déroule ainsi en détails ce que peut être la parentalité vue sous son angle le plus utilitaire et normatif : les câlins sont minutés et ont chacun un but (le câlin consolant pour un enfant qui s'est fait mal, le câlin anti-frustration pour celui qui n'a pas pu avoir le jouet qu'il voulait, le câlin calmant pré-dodo, etc etc), la mère doit être infaillible et se transformer tantôt en pompier pour prémunir son enfant du danger, tantôt en super prof pour lui expliquer le monde, tantôt en Gandhi pour lui apprendre la négociation non violente... le tout est très réaliste et même si certaines scènes sont poussées à l'extrême et m'ont fait m'exclamer en mode "oh non quand même ils ne vont pas faire ça", on sent bien le parallèle avec notre monde où tout est fait pour encourager la perfection, où pères et mères sont scrutés pour appliquer la "bonne" méthode éducative ou faire le maximum pour leurs enfants.

Ce roman réussit à être à la fois complètement prenant en mode thriller, la vie de Frida à l'école étant tellement difficile et jalonnée d'épreuves que l'on se demande à chaque page si elle va s'en sortir, et aussi très intéressant sur tout ce qu'il dit sur la charge mentale des parents (et sans doute plus particulièrement des mères), la femme vue uniquement à travers le prisme de son rôle de "maman" élevé comme valeur ultime, la volonté de l'état de tout contrôler y compris la sphère privée de l'éducation des enfants et encore bien d'autres questions intelligemment soulevées par ce récit. Seul petit bémol : le style de l'auteur que j'ai trouvé vraiment très plat et peu agréable à lire, au point que j'ai failli abandonner ce livre aux premiers chapitres tant j'avais du mal à apprécier ma lecture ! Heureusement que le propos intéressant et le suspens m'ont ensuite emportée. Au final un récit très original et un roman qu'on ne lâche pas avant d'avoir tourné les dernières pages : à découvrir !
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L'école des bonnes mères est l'histoire de Frida, mère divorcée et célibataire de Harriet. Elle a laissé seule sa fille de dix-huit mois pour aller prendre un café et puis récupérer un dossier au bureau. Les voisins ayant entendu des pleurs ont appelé la police, qui est venu récupérer la petite fille. Et c'est comme ça que Frida reçoit un appel des forces de l'ordre et que toute sa vie va basculer dans une spirale infernale qu'elle aura du mal à redresser !
Elle perd la garde pendant un an. Ce temps elle le passera dans un centre pour réapprendre à être une bonne mère !

Moi qui adore les dystopies, j'avais vraiment hâte de découvrir cette histoire.
Mais dès les premières pages, malgré une écriture fluide, j'ai eu du mal avec le sujet.
C'est compliqué de croire à une histoire, quand depuis le début on adhère pas du tout à la situation. Laisser sa fille seule de dix-huit mois… même en fiction je ne peux pas le concevoir ! Bon, je me rends bien compte que c'est le but de la dystopie, décupler des situations pour les rendre plus déroutant et pointer les anomalies du sujet, je pense que l'auteur a réussi à nous montrer qu'il y avait des failles dans la société américaine. Et que même entre mères, certaines ne sont pas tendres et ça aussi l'auteur l'a bien souligné !
Mais voilà en plus de cela, j'ai aussi trouvé que l'histoire tirait en longueur, surtout le passage ou Frida rentre à l'école des bonnes mères. J'avais parfois du mal à rester concentré sur ma lecture.

En conclusion, je n'ai malheureusement pas adhéré ni été conquise par cette lecture, dommage !
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Toutes les mères ont un jour éprouvé un sentiment de culpabilité à l'idée d'avoir failli aux exigences de la mère parfaite. Jessamine Chan, pour son premier roman livre une vision dystopique de la maternité moderne en transformant des peurs universelles en cauchemars absolus.
Cette satire, parfaitement exécutée, met en scène une mère célibataire qui partage la garde de sa fille de 18 mois avec son ex-mari. Lors d'une journée particulièrement difficile, "la journée d'enfer ", elle laisse sa fille seule dans son trotteur pendant 2 heures.
Techniquement, l'accusation n'est pas fausse; Frida a vraiment laissé Harriet sans surveillance. Mais alors qu'elle avoue son erreur et se repentit sincèrement , les autorités refusent de l'écouter et interprètent chacun de ses arguments comme la marque de sa perversion et la preuve de son incapacité à être mère.

Pour garder ses droits parentaux et retrouver la garde de sa fille, Frida doit accepter de passer 1 année dans l'école des mauvaises mères, en compagnie de femmes dont les fautes vont de laisser un enfant jouer seul dans le jardin ou de trop le dorloter, jusqu'à la maltraitance.
Le sentiment d'injustice éprouvé par celles qui se sentent accusées à tort ne peut durer. A longueur de journée, elles doivent répéter ces deux mantras humiliants : "Je suis une mauvaise mère, mais j'apprends à être bonne" et, plus terrifiant encore "Je suis narcissique. Je suis un danger pour mon enfant."

Dans cette école du futur où l'intelligence artificielle a une fonction coercitive, chaque femme reçoit une poupée robotique, plus vraie que nature, avec laquelle elle doit pratiquer des compétences maternelles très codifiées, comme la durée d'un câlin, le contact visuel ininterrompu ou le chronométrage du temps nécessaire pour arrêter les pleurs de l'enfant.
Les poupées enregistrent non seulement les réactions des mères qui sont sous la surveillance constante d'instructrices en blouse rose mais également toutes les émotions. "Leurs schémas de clignotement et leurs expressions seront surveillés pour détecter le stress, la peur, l'ingratitude, la tromperie, l'ennui, l'ambivalence et une foule d'autres sentiments."
Chaque séquence est sanctionnée par des examens que personne ne peut réussir tant le niveau d'exigence est impossible à atteindre.
S'ensuivent donc des punitions comme la privation du contact téléphonique avec l'enfant réel ou l'absence de toute nouvelle.
Ce dispositif panoptique est également responsable de dépression et de suicide.

Sous l'oeil de ces Big Mothers, des femmes qui, comme chez Margaret Atwood servent de geôlieres à d'autres femmes, elles doivent apprendre à ne plus avoir ni besoins, ni désirs.

Jessamine Chan a confié avoir mené une enquête sur les services sociaux pour écrire son roman. Elle a découvert sans trop de surprise, que les femmes noires et latinos, ainsi que les personnes à faible revenu ou souffrant de troubles mentaux, sont plus spécifiquement concernées par les contrôles des services de l'état. On pourrait penser, dit-elle, que les familles qui ont des problèmes avec les services de protection de l'enfance sont coupables de maltraitance. C'est ce qu'ils veulent nous faire croire. En réalité, il s'agit plus souvent de négligence, et cette négligence est souvent générée par la pauvreté. Comme ces enfants obligés de jouer dans la rue parce qu'il n'y a pas de place dans l'appartement.

Ainsi, la composition raciale de l'école est majoritairement noire et latino avec une poignée de mères blanches, et Frida qui est d'origine sino-américaine. L'auteure reproduit ici un contexte sociologique réel pour accréditer cette idée d'une surveillance d'état qui se focalise davantage sur les classes sociales en difficulté. Elle veut également montrer qu'un système qui criminalise les mères célibataires peut aussi être un système qui interdit l'avortement et réduit les femmes, toutes les femmes, à leur capacité à procréer et à materner
Jessamine Chan, dans la lignée de Margaret Atwood, met en lumière le prix exorbitant que paient les femmes dans une société patriarcale qui les méprise et qui n'a de cesse de les punir pour assurer leur désir de domination.
Ce code d'éthique maternel, bâti sur la honte et la culpabilité, n'a d'autre vocation que de grignoter la liberté des femmes.


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Parce qu'elle a vécu "une journée en enfer", comme elle ne cesse de le répéter, Frida, mère divorcée,  a laissé seule sa fille de dix-huit mois plus de deux heures. Dénoncée par ses voisins, la petite Harriet lui est retirée par la police, puis par les services sociaux. Mise à l'épreuve, filmée en permanence chez elle, Frida échoue à convaincre qu'elle est une bonne mère , selon les nouveaux critères de l'administration.
La voilà donc contrainte d'intégrer un établissement de rééducation maternelle, mi- centre de formation, mi-prison, où on inculque aux femmes à gommer tout ce qui est considéré comme du narcissisme (comprendre : le fait de faire passer ses besoins avant ceux de l'enfant)  avec des méthodes particulièrement éprouvantes psychologiquement, car aidées par de nouvelles technologies.
Très fouillé, le roman ménage de nombreux rebondissements, analyse le racisme latent qui existe au sein de cette communauté contrainte et tire la sonnette d'alarme sur des sociétés où, sous couvert de préserver les enfants, on bâtit un monde inhumain où l'on évalue la capacité d'une mère à calmer son enfant en la chronométrant...
Ayant regardé des documentaires sur les dérives de certains systèmes de protection de l'enfance, (Norvège, Suède...), j'ai dévoré les 500 pages de ce roman où la tension est toujours présente.
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Philadelphie, de nos jours. Frida Liu, récemment séparée de son mari Gust, s'occupe de sa fille Harriet, 18 mois, dont elle a la garde alternée. Un jour, pour ne pas perdre son emploi, elle l'a laissée pendant 2 heures seule à la maison pour aller récupérer des papiers importants au travail, et a été signalée par les voisins. C'est la descente aux enfers : sa fille lui est retirée, elle est surveillée en permanence, a des rdv réguliers avec des assistantes sociales, et celles-ci ainsi que la juge statuent sur un placement dans "L'école des bonnes mères", à Pierce Hall, pour réapprendre les codes de la parentalité...

Tout d'abord je tiens à remercier @les_lectures_de_juliie pour l'envoi de ce livre gagné lors du concours de Noël! J'ai énormément aimé l'univers dystopique et pourtant si proche de la réalité créé par l'auteure, qui explore tous les travers de la société américaine, ses codes rigides et racistes, et qui est également une vive critique des services sociaux, qui ici mettent sur le même plan Frida, et Linda qui a enfermé ses enfants dans le vide sanitaire, sans aucune nuance. le personnage de Frida montre l'importance des racines et de leur transmission à l'enfant, l'amour d'une mère quelles que soient ses erreurs, et les phases de résignation, de soumission, de pensées suicidaires ou combatives par lesquelles elle passe (comme chacune de ses comparses) pendant toute son évaluation.

L'école en soi est le summum de l'infantilisation, mais on y crée aussi des amitiés et des relations. Chaque chapitre s'enfonce un peu plus dans l'ubuesque pour Frida, et dans une certaine mesure cela m'a fait penser aux Sept Étages de Dino Buzzati! Prison sans être une vraie prison, école sans être une vraie école, Pierce Hall est cependant un vrai lieu de privation, et par dessus tout du contact avec son enfant. Les mamans doivent y parler le mamanais avec de fausses poupées, et leurs rares droits sont bafoués aussi rapidement qu'ils ont pu être octroyés. le dénouement est tout à fait satisfaisant, et je recommande cette lecture singulière, avec une plume aussi incisive que la brèche créée par la situation dans la vie du personnage principal!
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Jessamine CHAN. L'école des bonnes mères.

Je finis l'année en beauté. Je sors de l'enfer du camp d'Auschwitz avec le roman de Antonio ITURBE : «La bibliothécaire d'Auschwitz », j'ai partagé le goulag aux fins fonds de la taïga en Sibérie avec Gouzel LAGHINA : « Zouleikha ouvre les yeux », avec Frida je viens de subir une année entière dans une école de redressement destinée aux mères de familles négligentes, imparfaites, maltraitantes. Mais qu'est-ce que cette institution ? Nous sommes dans une dystopie, aux parfums âcres, dans un univers lugubre à souhaits… Un environnement glacial et glaçant où toutes les mères sont soumises à de nombreuses pressions.

Frida, la quarantaine, divorcée de Gust, a abandonné Harriet leur petite fille de dix-huit mois pendant deux heures. Elle est partie récupérer un dossier sur son lieu de travail. La petite fille est dans son trotteur. Elle pleure et des voisins appellent la police. Les services sociaux sont alertés et Frida tombe dans un engrenage sans fin. La garde de son enfant va donc lui être retirée, provisoirement mais pour une très longue durée. La petite fille va être confiée à son père et à la nouvelle compagne de ce dernier. Frida va devoir subir une année entière de rééducation afin de devenir une « bonne mère ». Elle va vivre en autarcie dans un pensionnat, une ancienne université reconvertie en centre de redressement pour les mères négligentes, ignorant les besoins de leurs enfants, les privant parfois de nourriture, les soumettant à de mauvais traitements, les punissant, les dorlotant un peu trop, en un mot, des mères humaines….. Laquelle d'entre nous peut se targuer d'être ou d'avoir été une « mère parfaite ». je pense qu'à part moi, il n'y a pas au monde une super maman. Oui je suis très modeste et humble…. J'ai maintes fois demander à ma fille si elle désirait changer de mère, la réponse a toujours été négative donc je suis presque parfaite ! Bien sûr, je suis très caustique surtout en ce qui me concerne personnellement. Mais revenons à nos moutons, non à nos bambins et à leur éducation….

Une longue année, soumise à d'étranges mesures coercitives… Un internat dans lequel des mères négligentes, des « mauvaises mères » reçoivent une éducation afin de devenir meilleures. Une évaluation de leur comportement est continue : chaque semaine ces femmes subissent des épreuves théoriques et pratiques. Afin de les rééduquer, des poupées robots leur sont attribuées. Ces poupées représentent leur fille, leur fils. Ces femmes doivent s'en occuper exactement de la même façon que s'il s'agissait de bébés, de nourrissons, d'enfants en bas âge. Quelle horreur ! Peut-on remplacer un enfant par un robot, si perfectionné soit-il ? Ces poupées-robots éprouvent même du ressenti, des sentiments en fonction de l'attention que leur portent leurs mères adoptives. Nous sommes dans un univers semblable a celui que Margaret ATWOOD nous a décrit dans son roman « La servante écarlate ».

Chaque mère ne dispose que d'une demi-heure hebdomadaire de conversation téléphonique avec son enfant et encore, si cette mère s'est mal comportée avec sa poupée robot, cette communication est interdite. Une enfant séparée, privée de sa maman peut-elle conserver une image positive de cette dernière lorsque l heure de la liberté sonnera. Est-il possible de recevoir une rééducation ? Et qu'est-ce qu'être une bonne mère ? Je ne pense pas qu'il puisse exister une école pour former les mères à leurs devoirs ? Chacun agit du mieux afin de subvenir aux besoins des enfants…. Après avoir subi douze mois d'éducation, toutes ces femmes deviendront-elles de bonnes mères. Elles subissent des épreuves destinées à juger leur efforts et leur progression. Tous ces examens sont minutés, chronométrés et un classement a même lieu toutes les semaines. Il y a de quoi devenir complètement folles à lier. Des amitiés se nouent entre ces femmes, de la jalousie s'installe au sein de cette société hétéroclite. Des guet-apens parsèment le long chemin à parcourir jusqu'à l'ouverture des portes du pénitencier et de la levée d'écrou. Que d'angoisse avant d'être libre et retrouver ses enfants, le passé, le monde du travail, la société.… Ces femmes sont parquées dans un lieu isolé et nanti d'une clôture électrifiée, destinée à réduire et même interdire tout espoir d'évasion ! Oui, cela évoque d'autres camps ! Quel sera le devenir de Frida. Va-t-elle devenir meilleure et quelle sera la réaction de la petite Harriet qui, elle aussi a été privée de sa maman ? Comment se reconstruire après avoir connu de telles épreuves ! Je pense que personne ne peut revenir indemne de tels traitements. Les gardes veillent sur leurs prisonnières. L'espionnage, la délation sont monnaie courante...

Jessamine CHAN dresse ici un état concentrationnaire, un univers inimaginable, insoutenable. Mais la perversité de la justice, des êtres humains est mise en évidence et tout est permis. Est-ce que Frida, sa peine accomplie pourra retrouver sa petite fille dont elle n'a pu accompagner son évolution pendant une année entière : quasi un siècle pour une petite fille de 18 mois… L'écriture est incisive. Nous participons de façon très active à la rééducation de ces femmes, nous souffrons à leurs côtés. Un tel établissement peut-il exister dans nos sociétés. Je crains la déshumanisation apportée à ces femmes vivant de longs mois loin de leur foyer. Après un passage dans cette bonne école est-il possible de réintégrer la société civile, retrouver un travail, revivre en harmonie dans la civilisation. Ce livre nous interpelle. Pour ma part, c'est le dernier roman de l'année 2023. Je vais me pencher sur des narrations un peu plus légères. J'ai besoin de souffler un peu et peut-être relire Tintin, Astérix, le petit Nicolas…. de la légèreté, du feel good, plus de larmes….

Tous mes voeux pour 2024 et partageons nos lectures. Bonne journée.
( lu en décembre 2023). 205 ouvrages à mon compteur.
Lien : https://lucette.dutour@orang..
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Dans cette dystopie décrite comme à la croisée de « La servante écarlate » et « Orange is the New Black« , nous suivons Frida, mère célibataire au bout du rouleau qui, dans un moment d'égarement, laisse son bébé seule pendant deux heures. Elle est dénoncée par ses voisins et s'en suivent des conséquences qui s'accumulent. Il faut lui appendre à être une bonne mère et la « redresser ».

Pour une fois, je crois qu'on peut difficilement mieux résumer l'oeuvre qu'avec cette accroche pop-culturelle qu'on doit au quatrième de couverture : en quelques mots, on ne peut pas mieux résumer qu'en disant que ce livre est l'enfant de « La servante écarlate » et « Orange is the New Black« .

On retrouve ainsi dans le roman cet aspect dystopique où l'on nie à la femme ses sentiments, son individualité, pour en faire un ventre puis « une bonne mère » (sans se préoccuper une seconde au passage du bien-être de l'enfant qui hurle dans le noir à quel point sa mère lui manque). C'est déchirant, et glaçant : alors que la tendance des « trad wives » fait recette, et que l'on anticipe partout dans le monde l'arrivée au pouvoir de forces réactionnaires… il est assez facile de toucher du doigt ce futur proche de l'Amérique qui nous est décrit, où l'état devient implémente de nouvelles pressions envers ces femmes qu'il juge défectueuses. C'est à mon sens ce qui fait la réussite d'une dystopie : un monde ultra proche du notre, que l'on touche du doigt et qui nous glace tant on imagine facilement le chemin qui nous amènerait dans ce futur atroce.

Ajoutons à cela un mécanisme carcéral très bien pensé, où la sororité se mêle aux rancoeurs, à des tortures morales assez marquantes, au racisme et au communautarisme (l'héroïne est descendante chinoise, et l'on touche du doigt avec beaucoup de nuance ce racisme anti-chinois qui est insidieux, et dont on parle finalement très peu). Chose que j'ai beaucoup apprécié également : notre héroïne n'en est pas une, elle est loin d'être lisse. Pas spécialement sympathique ou attachante, on la suit dans son enfer d'autant plus efficacement à mes yeux qu'on ne la glamourise pas : ce n'est pas parce qu'elle est sympa qu'on est choqués par ce qu'elle vit, c'est parce qu'on ne devrait faire vivre une telle chose à personne. La galerie de personnages secondaires aurait mérité d'être étoffée, mais on s'attache également à ces bribes de personnages que l'on entrevoit au travers des yeux de Frida, ce qui permet en outre de multiplier un peu les cas de figure (et l'horreur).

En bref, donc, une lecture qui m'a beaucoup plu, avec des thématiques très fortes. Je ne la recommanderai pas à mes copines jeunes mamans, en revanche : c'est assez flippant, et je ne suis pas sûre que ça soit à lire en plein post-partum.

Merci beaucoup à Babelio et à l'éditeur pour cet envoi dans le cadre d'une masse critique !
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