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Critique de kielosa


Un document impressionnant, juste et équilibré sur un sujet peu glorieux : l'Allemagne vaincue et ses habitants lors de la première décennie après la défaite.

Ce qui choque en premier lieu, c'est la pure ampleur des chiffres qui caractérisent cette période épouvantable de 1945 à 1955 en Allemagne : 9 millions de bombardés évacués, 14 millions d'expulsés de l'Europe de l'Est, 10 millions de travailleurs forcés et de détenus libérés et plusieurs millions de prisonniers de guerre qui rentraient petit à petit chez eux. Dans un pays dévasté où tout manquait et 75 millions de personnes devaient vivre. D'où le titre de l'ouvrage : le temps des loups, en Allemand "Wolfszeit".

Le résultat d'une guerre que les Allemands avaient commencé et qui a fait 60 millions de morts ! Rien qu'en Pologne le nombre de morts s'élevait à 6 millions, soit un 6e de la population. Les Juifs ne comptaient d'ailleurs plus les morts, mais les survivants !

Qu'ils avaient oui ou non voté pour Hitler dans les années 1930, en 1945 les Allemands devaient tous faire face à une situation catastrophique. Comme le note l'auteur à l'heure zéro "l'instinct de survie élimine les sentiments de culpabilité."
Il y avait le combat quotidien pour manger et se loger. Ce n'est donc que bien plus tard que les questions relatives à la conscience, la culpabilité et le refoulement se sont posées chez nos voisins.

Les premiers chapitres du livre se passent dans les décombres et les ruines, où ce sont surtout les femmes qui se sont distinguées par leurs efforts exténuants de déblaiement de gravats et décombres. À Berlin, 9000 hommes contre 26000 femmes.

Un aspect de la misère allemande de peu après la fin de la guerre que l'auteur a abordé avec empathie concerne les modifications majeures intervenues dans les relations entre hommes et femmes et tout spécialement dans le couple.

Lorsque les soldats rentraient du front de l'est après une longue absence, ce n'étaient psychologiquement plus les mêmes hommes et pendant cette longue absence leurs épouses, qui s'étaient occupées seules des gosses et du gagne-pain, avaient bien entendu également changé. D'où une incompréhension pénible, voire fondamentale sur différents niveaux.
Dans une citation sur Babelio du 16 février dernier, j'ai indiqué que cela valet aussi sur le plan sexuel.

Pour son premier livre, Harald Jähner s'est basé sur une masse colossale de documents officiels et privés qu'il a patiemment réunis comme reporter de journaux et magazines pendant des années.
Comme professeur honoraire de journalisme culturel à l'université des arts de Berlin, il s'est dans la rédaction de cet ouvrage aussi largement inspiré des livres et journaux de ses compatriotes, tels Erich Kästner, Wolfgang Borchert, Ruth Andreas-Friedrich, Hannah Arendt, etc.
Une source majeure d'inspiration et de références constitue toutefois "Une femme à Berlin : journal, 20 avril-22 juin 1945", qui a d'abord été publié de façon anonyme (1954) et ensuite sous le nom de son auteure : Marta Hillers (1911-2001).

Le livre compte 360 pages, dont une trentaine de pages de notes. Il est illustré par une quarantaine de photos significatives, à commencer par la toute première sur laquelle on voit une femme funambule en équilibre précaire sur une corde au-dessus des ruines du centre-ville de Cologne.
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