Ce qu'alors [XVIIIe siècle] les deux sexes nommaient Amour, était une sorte de commerce, où l'on s'engageait, souvent même sans goût, où la commodité était toujours préférée à la sympathie, l'intérêt au plaisir, et le vice au sentiment.
On disait trois fois à une femme, qu'elle était jolie ; car il n'en fallait pas plus : dès la première, assurément elle vous croyait, vous remerciait à la seconde, et assez communément vous en récompensait à la troisième.
Tout homme qui vous blâme de trop parler de vous, ne le fait que parce que vous ne lui laissez pas toujours le temps de parler de lui : [...]
L'amour a-t-il donc besoin de manège ? Ah ! croyez qu'il agit toujours en nous malgré nous-même, que c'est lui qui nous conduit, et que nous ne le menons pas.
Il parle un jargon qui éblouit: il a su joindre, au frivole du petit maître, le ton décisif du pédant, il ne se reconnait à rien, et juge de tout. Mais il porte un grand nom. A force de dire qu'il a de l'esprit, il a persuadé qu'il en avait; sa méchancenté le fait craindre et, parce que tout le monde l'abhorre, tout le monde le voit.
Quelque transporté que je fusse, je craignais de lui paraître trop hardi et, sans croire encore que j'eusse formé le dessein de lui plaire, j'aimai mieux me contraindre que de lui donner mauvaise opinion de moi.
(...)
il vantait si haut les charmes de l'inconnue, et la regardait avec si peu de ménagement et tant de fatuité, que j'en rougis pour lui et pour moi. Sans avoir démêlé mes sentiments, sans imaginer que j'eusse de l'amour, je ne voulais pas déplaire. Je craignais que le dégoût que l'inconnue pourrait prendre de ce jeune homme ne me fît aussi tort dans son esprit.
car l'habitude au malheur le rend moins vif.
Une jolie femme dépend bien moins d’elle-même que des circonstances.
L'esprit qu'on emploie ordinairement dans le monde est borné, quoiqu'on en dise, et ce ton charmant qu'on appelle le ton de la bonne compagnie, n'est le plus souvent que le ton de l'ignorance, du précieux et de l'affectation.
Tout homme qui vous blâme de trop parler de vous, ne le fait que parce que vous ne lui laissez pas toujours le temps de parler de lui: plus modeste, vous seriez martyr de sa vanité.
En lui donnant la main pour la ramener à son carrosse, je crus sentir qu'elle me la serrait : sans savoir les conséquences que cette action entraînait avec Madame de Lursay, je le lui rendis : elle me remercia en redoublant d'une façon plus expressive : pour ne pas manquer à la politesse, je continuai sur le ton qu'elle avait pris : elle me quitta en soupirant, et très persuadée que nous commencions enfin à nous entendre, quoique au fond il n'y eût qu'elle qui se compris.