C'était le sentiment le plus insoutenable : être seul, abandonné, et voir tout espoir s'étioler peu à peu.
Été comme hiver, la nature avait beau être majestueuse, elle n’en demeurait pas moins meurtrière. Se perdre dans les terres hautes d’Islande était sans doute similaire au fait de se perdre dans le Sahara, le froid pouvait être aussi dangereux que la chaleur.
Soudain, toute la cabane se mit à trembler, ce refuge miteux devenu le théâtre d’une tragédie sans nom ; ses murs étaient les rideaux de scène, le sifflement du vent tenait lieu d’orchestre et quelque part, tapi dans un recoin obscur, le metteur en scène les observait.
On lui avait toujours appris à faire les choses correctement, à obéir à ses parents, à travailler, à ne jamais faire de vagues, et il y était parvenu - presque trop. Parfois, il avait eu la sensation de passer à côté de sa vie, de rater toutes les aventures de la jeunesse. Désormais, il avait vécu une expérience extrême, un acte effroyable qui l’avait fait basculer vers le mal.
Jamais il n’avait éprouvé une telle sensation. Il flottait, quelque part entre le sommeil et la veille alors qu’il était bien réveillé, quelque part sur la frontière entre l’imagination et le monde réel, peut-être précisément parce qu’il savait au fond de lui que la réalité était bien pire que tout ce qu’il aurait pu imaginer.
Jamais il n'avait eu aussi froid.
Daníel avait beau être recouvert de plusieurs couches de laine sous son épaisse doudoune, rien n'y faisait : l'air glacial parvenait quand même à s'insinuer à travers ses vêtements.
Ses compagnons de voyage ressentaient-ils la même chose ? Il n'osait pas poser la question, de peur de paraître faible. La tête baissée, il avançait péniblement, secoué par le vent et les paquets de neige. Il ne discernait plus le paysage, ni même le sol sur lequel il progressait ; son monde s'était réduit à des tourbillons blancs traversés par des vagues silhouettes en mouvement.
Lui-même aurait été incapable de retrouver son chemin si on l'avait abandonné au milieu de ce désert montagneux. Il aurait sans doute baissée les bras et se sertit laissé mourir.
Pétrifié, il se contentait de regarder fixement droit devant lui. Jamais il n’avait été aussi terrifié…
Été comme hiver, la nature avait beau
être majestueuse, elle n’en demeurait pas moins dangereuse