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Critique de Sofiert




Ce roman d'horreur décrit la mise à mort de 4 amis Indiens qui ont, dans leur jeunesse, massacré un troupeau de caribous (dont une femelle en gestation). Même si, dix ans plus tard, certains d'entre eux sont encore hantés par la culpabilité, ils ne pourront échapper à la vengeance du fantôme de la femelle.

Ce résumé succinct ne rend pas hommage au sens de la dérision et à l'humour noir de Stephen Graham Jones qui commence son roman au titre provocateur par cette déclaration : "UN INDIEN TUE LORS D'UNE DISPUTE DEVANT UN BAR. C'est une façon de voir les choses." Car il va très rapidement basculer du constat sociologique à la crise paranoïaque jusqu'à la fantasmagorie d'une Femme à Tête de Caribou.
Le deuxième Indien mort se nomme Lewis. C'est celui qui a tué la femelle et qui en est le plus affecté. Il a quitté la réserve pour épouser une jeune femme blanche, mais il est tiraillé entre sa vie de postier intégré et sa culture indienne. Avec dérision, l'auteur le présente comme " L'indien qui est monté trop haut". C'est en tout cas celui qui va donner corps aux hallucinations qui l'obsedent et nous faire plonger dans une littérature fantastique qui permet toutes les métamorphoses.
Après avoir proposé le racisme comme explication au premier Indien mort, il plaide pour la folie.
"Concernant les accusations qui pesaient sur Peta, qui n'était peut-être pas Peta, justement, le fait qu'elle soit végétarienne n'arrangeait pas les choses, Lewis doit bien l'admettre. C'est ainsi qu'on appelle une personne qui ne mange pas de viande. Et comment appelle-t-on un animal qui ne mange pas de viande ? Un herbivore.
Les caribous sont des herbivores. Des mangeurs d'herbe. Des végétariens."

Les deux victimes suivantes, Gabriel et Cassidy, permettent à l'auteur de décrire  la vie de ces populations amérindiennes abandonnées par la société, victimes d'un racisme persistant. Soucieux de préserver leurs traditions et leur héritage culturel, ils sont en décalage avec le mode de vie contemporain. Leurs tentatives pour se reconnecter avec les Anciens sont vouées à l'échec tant leurs vies sont polluées par l'alcoolisme et la pauvreté. Dans cette quête entre tradition et modernité, certains se sont perdus et ont perdu leur famille, leur dignité.
Stephen Graham Jones explore l'identité et s'interroge sur la condition Indienne selon la génération à laquelle on s'adresse.
Les plus jeunes, représentés par Denorah et par Nathan, sont confrontés aux mêmes difficultés. Mais ils semblent mieux armés que la génération de leurs parents pour y faire face.

« Afin de se blinder contre le genre de conneries que les équipes indiennes doivent subir quand le match est serré, Denorah essaie de s'inoculer toutes les saloperies que scandera la moitié du gymnase. C'est un jour idéal pour mourir. Je ne me battrai plus éternellement. Un bon Indien est un Indien mort. Tuez l'Indien, sauvez l'homme. Enterrez la hache de guerre. Tous dans les réserves. Rentrez chez vous. Interdit aux Indiens et aux chiens. Sa soeur a entendu tout ça à son époque, elle l'a lu sur des banderoles, illustrées généralement. Tracé au cirage sur les vitres des cars. le slogan le plus courant était : Massacrez les Indiens ! »

Denorah, surnommée Finals Girl par son père, offre une sortie de secours féministe. Par un clin d'oeil à la Final Girl des films d'horreur, la Dernière Survivante, elle est une actrice impressionnante de sa survie. Sa détermination, dans un inoubliable match de basket, ( célébré par Stephen King, qui parle du « match de basket-ball le plus terrifiant de tous les temps »…), lui permet de résister à la créature devenue hideuse en raison de la haine qui l'anime. Cette dernière métamorphose, causée par un ultime désir de vengeance, transforme la femelle caribou de victime en bourreau et c'est Denorah qui recueille la sympathie du lecteur, c'est d'elle qu'on espère la victoire.

Il fallait une bonne dose d'audace et une bonne dose de talent pour proposer l'affrontement final entre une jeune fille et un monstre dans un match de basket. Décalage assumé et parfaitement maîtrisé par un auteur qui réussit à rendre ce match épique et terrifiant.
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