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Jean Esch (Traducteur)
EAN : 9782743661120
400 pages
Payot et Rivages (04/10/2023)
3.42/5   118 notes
Résumé :
Quatre amis d'enfance ayant grandi dans la même réserve amérindienne du Montana sont hantés par les visions d'un fantôme, celui d'un caribou femelle dont ils ont massacré le troupeau lors d'une partie de chasse illégale dix ans auparavant.
Tour à tour, ils vont être victimes d'hallucinations et de de pulsions meurtrières, jusqu'à ce que l'entité vengeresse s'en prenne à la fille de l'un des chasseurs.
Ce roman d'horreur psychologique est aussi une hist... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (39) Voir plus Ajouter une critique
3,42

sur 118 notes
°°° Rentrée littéraire 2022 # 30 °°°

Lors d'une partie de chasse illégale dans le Montana, quatre jeunes autochtones Blackfeet ont massacré un troupeau de caribous sur un territoire réservé aux anciens, et notamment une femelle gestante qui s'acharne à ne pas mourir pour défendre son veau embryon, avant de rendre l'âme . Dix ans après, les chasseurs sont devenus des proies. Une entité vengeresse veut les affronter les uns après les autres, protéiforme, capable de ruses et métamorphoses dont la principale est la femme-à-tête-de-caribou.

Le titre ironique détournant l'aphorisme raciste du général Sheridan ne laisse aucune place au doute, ça va dépoter sévère. Et ça va saigner ! du prologue ( dézinguant un des quatre gus ) au terrifiant match de basket final, comme dans une cascade de dominos, chaque partie vient percuter la précédente pour compléter le jeu de massacre.

«  La maison qui coulait rouge », le chapitre consacré à Lewis est juste exceptionnel. L'auteur nous colle à lui. Nous voyons ce qu'il voit, sans aucun autre point de vue pour desserrer l'angoisse qui monte : d'abord malaise, puis insidieuse paranoïa érodant sa santé mentale, puis hallucinations mortifères jusqu'à sombrer dans la folie et le chaos. Lewis était le seul des comparses à comprendre l'origine de la menace qui s'abat sur eux. Lorsqu'on suit les autres, la tension naît de ce qu'on sait, de ce qu'on devine, alors que leur ignorance les rend encore plus impuissants à affronter l'esprit vengeur.

La comparaison avec Stephen King est assez évidente tant Stephen Graham Jones maitrise les codes du fantastique, de l'horrifique et du slasher. Il ne craint pas de faire basculer des paragraphes dans la violence explicite et le gore, tout en faisant preuve de finesse suggestive pour développer une atmosphère troublante. L'étrangeté et les ténèbres s'infiltrent brillamment partout, dans le moindre recoin du texte avant de tout recouvrir, enrobé d'un humour très noir ( forcément ), très xième degré qui ravira les amateurs du genre.

Mais Un bon indien est un indien mort est bien plus qu'une histoire qui fait peur. le recours au fantastique s'entrelace au réel pour amplifier l'intrigue, mais également pour confronter avec force le lecteur à la réalité de la condition amérindienne contemporaine.

Stephen Graham Jones s'empare du trope de la malédiction indienne pour l'inverser et mieux interroger l'éternel hiatus entre tradition et modernité, à la façon d'un Tommy Orange. Les quatre personnages ont perdu les codes de la culture traditionnelle blackfeet, ils sont désorientés dans un monde de blanc, surtout Lewis qui a quitté la réserve et vit avec une blanche. En massacrant un troupeau de caribous juste pour le fun, ils ont commis le même type de péché que les Blancs ont commis contre leurs ancêtres au XIXème siècle : une violence aveugle et inutile qui ne peut qu'engendrer une profonde culpabilité.

Comment mettre fin au cycle de la violence ? Ce n'est pas anodin que la lumière vienne d'une adolescente, Denorah, la fille d'un des quatre, extraordinaire personnage qui fait mentir tous les habituels attributs virils des slashers en cherchant une issue en utilisant la compassion comme arme la plus redoutable plutôt que la vengeance qui s'offrait facilement à elle.

Un roman inclassable à l'énergie surpuissante, d'autant plus réjouissant qu'il a du fond.
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Responsables d'un massacre de neuf Caribous, (dont une jeune femelle en gestation), un groupe de quatre hommes de la tribu des Blackfeet, sont victimes d'une entité vengeresse, une femme à la tête de Caribou. En effet, cette chasse était interdite par les anciens.

Trois parties absolument horrifiques prônent le contenu de ce roman que je pensais au départ, au vu du titre, une métaphore sur les droits civiques des Natifs. Et Bim!! C'est un fond plus riche que nous offre l'auteur. Ses quatre hommes qui se sont très nettement éloignés de leur tradition, au point de ne plus respecter la vie, vont vivre d'atroces souffrances pour leur rappeler que la nature est au commande. Une leçon de karma bien sanguinaire.

La dernière partie, cette course poursuite dans la neige m'a happé jusqu'au final très émouvant, touchant au plus haut niveau ma sensibilité empathique. Très très bon roman d'horreur que j'ai trouvé très bien écrit. Je ne suis pas rentrée facilement dedans et je me remercie d'avoir insistée, car c'est un des meilleurs roman fantastico horreur que j'ai lu cette année.

Certaines critiques sont bien meilleures que la mienne pour vous expliquer tout le fond social et ethnique représentés dans ce roman. Donc je vous invite à les lire.
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Attribué au général de l'U.S Army Philip Sheridan, l'aphorisme « The only good Indian is a dead Indian » porte en lui-même toute une vision du Natif Américain qui hante à la fois la société Occidentale mais aussi le peuple Amérindien à l'heure actuelle. Souvenir d'un génocide impardonnable et funeste avertissement qui se condense pour devenir le titre du nouveau roman horrifique de Stephen Graham Jones après son magistral Galeux qui vient justement d'être réédité en poche par les éditions Pocket.
Véritable succès critique et public Outre-Atlantique, Un bon Indien est un Indien mort débarque cette fois chez Rivages et tente une nouvelle fois de convaincre le public français du talent presque surréel de l'écrivain Blackfeet. Mais êtes-vous vraiment prêts ?

Chasse interdite
C'est par un drôle de fait divers que l'on pénètre dans Un bon Indien est un Indien mort.
« UN INDIEN TUÉ LORS D'UNE DISPUTE DEVANT UN BAR. » peut-on lire dans le journal. C'est une façon de voir les choses.
En vérité, Ricky Boss Ribs n'a pas vraiment trouvé la mort en se disputant avec des Blancs devant un bar. Autre chose rôdait dans les parages. Une chose qui semble impossible et pourtant.
Ricky fait partie d'un groupe de quatre Indiens issus de la même réserve dans le Montana et de la ville de Browning.
Ricky, Lewis, Gabriel, Cassidy. Quatre autochtones, natifs, amérindiens…enfin quatre Indiens. Choisissez votre génération et votre préférence de langage. Dix ans plus tôt, les quatre amis vont faire une partie de chasse illégale en pénétrant sur des terres où ils ne sont pas sensés traquer le caribou. Mais qu'à cela ne tienne, c'est le dernier jour pour eux où la chasse est possible, le dernier jour où un Indien ne doit pas revenir sans caribou.
Nous sommes cinq jours avant la dinde et le football, cinq jours avant un Thanksgiving classique.
En prenant au piège un troupeau entier, c'est finalement un carnage qui se produit. Un carnage inutile puisque nos quatre chasseurs seront surpris par le garde-chasse qui les contraint à abandonner leurs trophées dans la neige. Parmi les cadavres, celui d'une femelle caribou alors en pleine gestation. La promesse d'un avenir agonisant dans la neige.
Dix an plus tard, Lewis vit avec Peta, une femme blanche et végétarienne qui n'a pas grand chose d'Indienne au contraire de Shaney, une Crow avec qui il travaille et à qui il va finir par confesser cette chasse indigne qui le hante. Petit à petit, des évènements étranges surviennent dans la vie de Lewis. Son chien, Harley, meurt étranglé en tentant de sauter au-dessus de la palissade, la vision d'une étrange Femme-à-tête-de-Caribou dans son salon le faut basculer de son échelle, des bruits de sabots étouffés se font entendre dans les escaliers… Que se passe-t-il dans la vie de Lewis ?
Bien décidé à tirer les choses au clair, le Blackfeet essaye de démêler le vrai du faux, le réel du fantastique. Jusqu'à ce qu'il comprenne que la mort de Ricky n'a rien d'une coïncidence et que lui, Cassidy et Gabriel sont en danger…
Stephen Graham Jones nous livre donc un roman horrifique et fantastique plongé jusqu'aux bois dans la mythologie Indienne pour mieux saisir la réalité d'aujourd'hui. Si Un bon Indien est un Indien mort est un récit surnaturel, c'est justement pour mieux croquer la société Amérindienne d'aujourd'hui. Point de loups-garous cette fois mais une autre créature légendaire qui va venir bouleverser les attentes du lecteur.

Un seul petit Indien ?
De ces attentes, Stephen Graham Jones va constamment se jouer. Car si l'on pouvait légitimement penser que son roman avait tout d'une histoire de monstres ordinaire, rien n'est moins vrai. L'horreur chez le Blackfeet n'a pas un visage unique. Elle ne se donne pas aussi frontalement qu'on pourrait le croire et, en ce sens, la première partie d'Un bon Indien est un Indien mort en déroutera plus d'un, davantage préoccupé par le cadre de vie et les relations entretenues par Lewis que par la malédiction qui pointe le bout de son museau entre les pales d'un ventilateur.
En alternant quelques scènes gores et quelques morts particulièrement graphiques avec une paranoïa insidieuse et mortelle, Stephen Graham Jones tisse une atmosphère lourde et inquiétante qui semble un temps ne pas savoir où elle va.
Mais Stephen Graham Jones a un plan. Depuis le début.
L'horreur larvée, presque subliminale, va graduellement envahir la page et l'esprit des personnages. Notamment celui de Lewis, archétype de l'Indien moderne qui a quitté sa réserve pour adopter un mode de vie différent mais qui, au fond, ne cesse de s'interroger sur ses origines et son identité.
Bien vite, le scope se déporte vers Browning et la réserve pour retrouver les autres comparses, Gabriel et Cassidy.
C'est ici que l'horreur, déjà dévoilée, affirmée comme un retour de bâton du destin, se mêle à l'une des thématiques centrales de l'oeuvre de Graham Jones : qu'est-ce qu'être Indien aujourd'hui ?
Dès lors, l'américain dresse le portrait de Gabriel qui tente de renouer le lien avec sa fille Denorah alors que son mariage n'est plus qu'un lointain souvenir, puis celui de Cassidy qui a fini par retrouver l'amour après une longue traversée du désert avec Jolène, une Crow. Et puis Denorah, justement, la Finals Girl, promise à un avenir brillant et magnifique grâce à son don inné pour le basket.
On y croise également Nathan, un jeune qui pleure encore la mort de son grand-père, et une hutte de sudation pour un rite de purification Indien traditionnel et fortement signifiant. Stephen Graham Jones explore l'identité, confronte l'abord de la condition Indienne selon la génération à laquelle on s'adresse et finit par montrer qu'il n'existe pas une identité unique mais une pluralité de chemins vers notre ère moderne. C'est aussi le questionnement sur l'éternel opposition entre tradition et modernité, entre l'importance de respecter les anciens et de construire de nouveaux avenirs, de trouver des modèles et dépasser les clichés pour être qui l'on veut vraiment.
Comme dans Galeux, Stephen Graham Jones ne parle pas tant de l'injustice vécue par son peuple aux Etats-Unis que de ce que sont devenus les Natifs à dans l'Amérique d'aujourd'hui. du roman d'horreur, on glisse vers le roman social. Mais ce n'est pas tout.

Les non-dits de l'horreur
Car au fond, si Un bon Indien est un Indien mort parle de quelque chose, c'est avant tout de famille, d'amitié, d'amour et des liens qui unissent les personnages entre eux. C'est du respect des générations et de ses racines, de la violence qui habite l'Amérique et hante ses peuples.
Au centre de ce roman de chasse, la fameuse Femme-à-tête-de-Caribou, change forme vengeresse qui symbolise la faute, l'injustice et la rédemption tout à la fois et qui appelle, finalement, à s'interroger sur la façon de mettre fin au cercle de la violence et de la rancoeur.
En combattant, en n'abandonnant jamais, mais aussi en acceptant de reconnaître ses fautes et les façons de faire la paix avec soi-même.
Si l'on osait, un pourrait presque dire que le roman de Stephen Graham Jones et un roman sur la réconciliation avec soi, avec un passé où le sang a coulé de façon aveugle et injuste au mépris des règles et des traditions.
Si l'on osait, on pourrait voir un grand roman d'amour dans ce récit où l'on arrache des têtes et où l'on étripe des caribous.
Et si l'on osait, surtout, on pourrait dire qu'encore une fois, l'auteur nous livre un roman passionnant et dense où l'horreur ne masque jamais l'humanité de ses personnages faillibles et torturés.

Roman horrifique singulier et récit social sur la réalité de l'identité Indienne, Un bon Indien est un Indien mort surprend par sa façon de déjouer les attentes et par trouver les bons mots pour parler des maux les plus profonds. Une réussite, encore, qui confirme tout le bien que l'on pensait déjà de Stephen Graham Jones. Un auteur majeur de la littérature américaine contemporaine, définitivement.
Lien : https://justaword.fr/un-bon-..
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Qu'est-ce que j'entends? Demandez-vous.
Je vais vous répondre. le bruit qui court. C'est ça que vous allez entendre. Toutes sortes de bruits qu'il va bien falloir que vous preniez en compte, avant qu'il ne soit trop tard. Mais même dans le Couloir de la mort, les bruits courent encore…Et puis, au pire, après, une entité sera là, pour vous réapprendre le mot, Vengeance…

« Donc les nouvelles circulent dans le Couloir de la mort. »

Le bruit des sabots, tout d'abord. Vous savez, les caribous courent, dans la brume rouge. C'est un bruit suffisamment persistant pour qu'un quatuor de jeunes, se laissent prendre à l'énergie de la chasse. Se laissent influencer par l'effet de groupe, allant jusqu'à s'en approcher d'un peu trop près, pour en avoir des idées de traque(s). Des idées de festins, des idées d'interdits, des idées puériles, et des idées qui collent à la peau. Mais l'action pousse au massacre, au nom d'une tradition enfumée, d'un passé nébuleux, d'une inadaptation sourde…Coincés entre deux cultures, deux modes de vies, ils perdent pied, ancrage et raison…Mais ils ne perdent rien pour attendre, on dirait bien puisque que l'outre-tombe s'est frayé un chemin dans le précipice…

« Tuer un petit est la pire chose qui soit, tu le sais. »

Le bruit des indiens, ensuite. Vous savez, les indiens ne courent plus si souvent la plaine rouge. C'est un bruit que certains essayent d'étouffer, d'éteindre, d'exterminer…Le bruit qui court, c'est qu'Un bon indien est un indien mort…Certains s'en donnent à coeur joie et fusils chargés... le massacre ne fait que, se poursuivre. Les versions diffèrent mais le résultat est le même. UN INDIEN TUÉ.

Le bruit fantôme. Vous savez, les fantômes courent sur les blessures rouges. Rien ne hante plus qu'une douleur ancestrale. Rien ne tue plus, qu'une vengeance. Rien n'arrête un fantôme. Si vous ôtez le sang, il est fort probable qu'en face, ça implique des conséquences…À bon entendeur! le massacre était prévisible car le bruit gronde, gronde, gronde…

« Ça fait d'elle un monstre? »

Alors des bruits, courent. Supposons que la nature décide enfin de se venger, pour défendre l'avenir: est-ce que ça serait vraiment fou? Est-ce qu'une femelle caribou qui vengerait les siens, de tant de souffrances, de tant de décès, de tant d'injustices, est-ce que ça serait vraiment fou? Est-ce qu'entendre enfin, son cri de détresse, ne serait pas nécessaire, pour eux, pour vous, pour Nous? Est-ce que, se servir d'une histoire d'horreur(s) pour faire passer un message de bienveillance, ce ne serait pas le meilleur remède pour tenter de sauver le Vivant? Est-ce qu'on aurait pas à apprendre auprès de la culture amérindienne, une relation plus intrinsèque avec la faune et la flore? Est-ce que c'est vraiment fou? Vous pensiez peut-être que le monde animal était sourd? Vous pensiez peut-être que la terre vous laisseriez faire?

« La terre réclame ce que vous laissez derrière vous.»

Laissez-moi vous dire, que si vous colliez vos oreilles aux revendications du monde qui nous entoure, il se pourrait que vous entendiez des bruits. Des bruits de colère. Des bruits effrayants. Et moi, j'entends. J'entends la douleur d'un peuple, le rebondissement d'un ballon de basket, les pleurs de la femme-caribou…Est-ce que vous, vous allez entendre alors, le coup de coeur rouge qui se ramène en courant, en ces lignes? Si c'est le cas, alors peut-être que tout n'est pas mort, tout n'est pas fou, tout n'est pas foutu…Je vous laisse donc, avec ce bruit palpitant, je vais aller tenter, l'expérience de la hutte…
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Quatre Indiens ont massacré un groupe de caribous, aux alentours de Thanksgiving, dans un lieu en principe interdit. Parmi les victimes, une jeune femelle enceinte. Son regard ne quitte pas l'esprit de Lewis, celui qui lui a donné le coup de grâce. Et des années plus tard, elle le hante encore. Surtout quand des évènements étranges et violents se déroulent autour de lui.

On commence par une petite interrogation. Je la dois à Gilles Dumay (encore sur le forum du Bélial') qui a dû lire le roman en V.O. Je suis allé voir la quatrième de couverture en anglais et, effectivement, on y parle de « elk ». Or, selon le dictionnaire, on doit traduire ce nom en français par « wapiti ». Mais, comme vous avez pu le lire en introduction, le traducteur à transformé cet animal en « caribou ». Pourquoi ? D'autant que leurs bois ont des formes quand même assez différentes (de ce que j'en ai vu sur internet : je ne suis pas un spécialiste). Enfin, un mystère de plus.

Le roman s'ouvre sur le décès d'un Indien. On croit comprendre qu'il se fait lyncher par un groupe et qu'il aperçoit, avant de mourir, un troupeau d'élans (mince, des élans, pas des wapitis, ni des caribous ?). Ainsi périt Ricky. On passe à Lewis, un de ses amis d'enfance. Lui a quitté la réserve et vit avec une blanche. Il est inséré, comme on dit, et semble raisonnablement heureux, malgré des tracas habituels du quotidien. Mais en réparant un spot qui semble avoir une vie propre, il repère sur son tapis une femelle caribou. Qui ne peut raisonnablement pas être là. Mais qui lui semble bien réelle. D'autant qu'elle semble provenir de son passé, quand avec ses trois amis, il avait participé à une chasse illégale, dans un territoire sacré. Je parle de chasse, mais tout cela a plutôt ressemblé à un massacre. Et lors de cette opération, une jeune femelle caribou a été abattue alors qu'elle était enceinte. Et le regard de cet animal a marqué Lewis. Comme si sa mort était une injustice. Et que l'enfant aurait dû naître. Comme si lui et ses amis avaient empêché le destin de se dérouler comme il aurait fallu. Tout cela finit par peser sur Lewis qui peu à peu semble perdre la raison. Et il a de quoi : des évènements troublants, voire angoissants ont lieu dans son environnement immédiat. Ses nerfs sont mis à rude épreuve. Jusqu'où ira-t-il ?

Vous vous en doutez, comme souvent dans ce genre de récits d'horreur, la tension monte, l'angoisse et, soudain, tout se relâche dans un déferlement de violence et de sang. Ce roman conserve ce schéma. Avec finesse (même si cela gicle bien comme faut au moment où il faut). La pression gagne peu à peu en intensité et l'on sent au fond de nos tripes que cela peut exploser à n'importe quel moment. Libération et horreur quand cela arrive enfin. Après Lewis, on va logiquement découvrir les deux autres anciens amis, restés dans la réserve. Ils ont bâti des familles, qui n'ont pas tenu. L'un d'eux n'a même plus le droit d'approcher sa fille. On ne peut vraiment pas dire qu'ils allaient bien, menant une vie de paumés. Et d'ailleurs, c'est un autre intérêt de ce roman.

En effet, lire Un bon Indien est un Indien mort, c'est aussi voyager dans cette réserve au plus proche du quotidien d'Indiens actuels. Loin des ancêtres fantasmés des films et des livres américains de l'époque classique. Et si le portrait dressé est proche de la réalité, cela ne donne pas envie : les héros sont des types qui passent leur temps à boire et à ne rien faire de constructif. Ils se contentent de vivre, pas très bien, et de laisser filer le temps. Ils se raccrochent à de vieilles lunes, des images de grandeur passée, en s'en moquant, mais en étant incapables de s'en affranchir. Rien que pour ces instantanés de vie, cette lecture est nécessaire.

Je ne suis pas un grand fan des récits d'horreur. Mon imagination me fait trop bien voir certaines scènes et, non merci. Mais j'ai passé un bon moment à la lecture d'Un bon Indien est un Indien mort. La montée de la tension dramatique, les flashbacks (pardon, les analepses) particulièrement réussis, la plongée dans le quotidien d'Indiens paumés et la figure des caribous (euh, non, des élans… ou des wapitis) m'ont embarqué dans l'histoire que je n'ai pas lâchée avant la dernière goutte de sang, la dernière page.
Lien : https://lenocherdeslivres.wo..
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critiques presse (1)
Telerama
27 septembre 2022
Mais la beauté de ce livre singulier est plus encore dans le portrait au couteau que Stephen Graham Jones dessine du monde contemporain des Indiens et des réserves, victimes du racisme et de la pauvreté, ravagés par l’alcool et la drogue. Écartelés entre le souvenir de plus en plus encombrant d’une liberté et d’une grandeur perdues et la difficulté de construire une nouvelle identité. Porté par une langue superbement imagée, ce livre est magnifique.
Lire la critique sur le site : Telerama
Citations et extraits (22) Voir plus Ajouter une citation
Le cocon de sacs de couchage et de couvertures de Harley était censé servir à isoler la hutte à sudation que Lewis avait construite derrière la maison, mais tant pis. Peut-être qu’ils serviront quand même. Peut-être que l’année prochaine, enveloppé de chaleur, d’obscurité et de vapeur, il puisera un peu d’eau dans le seau et en versera quelques gouttes pour Harley. En souvenir, et tout ça.
Vous pouvez le faire pour les chiens comme pour les gens, il en est certain. Et s’il se trompe, est-ce qu’un vieux chef va descendre du ciel pour lui donner une tape sur les doigts ?
Lewis arrache une autre bande de masking tape, qu’il colle sur la moquette devant le canapé, puis le décolle et le recolle en essayant de bien suivre la courbe qui va du ventre à l’avant de la patte arrière. Le problème, c’est que ces morceaux de ruban adhésif à force d’être décollés et recollés rebiquent après quelques minutes, comme s’ils refusaient de faire partie de cette silhouette que veut leur imposer Lewis.
Le sabot arrière commence à s’esquisser quand Peta revient dans la maison, avec un torchon sur l’épaule et une bouteille de lait de chèvre à la main, et l’espace d’un instant, c’est une maman, fatiguée, à cause d’un enfant qui porte encore des couches et un autre qui déambule sur ses jambes flageolantes. Mais ça, c’est dans une autre vie, se rappelle Lewis. Peta ne veut pas d’enfant, elle a été très claire à ce sujet dès les deux premières semaines à East Glacier. Non pas parce que Lewis est indien, mais parce qu’elle estime que la Peta pré-Lewis a fait suffisamment de mauvais choix de nature chimique pour que ses enfants soient obligés de payer la note, et ils commenceraient leur vie en ayant déjà le monde contre eux.
Le gros titre surgit dans l’esprit de Lewis, automatiquement, tout droit sorti de la réserve. Pas le UN INDIEN DE PURE SOUCHE DILUE LA LIGNÉE auquel il s’attendait depuis toujours s’il épousait une Blanche, et qu’il se préparait à affronter, car on ne pouvait jamais savoir, mais : UN INDIEN PURE SOUCHE TRAHIT TOUS LES INDIENS MORTS AVANT LUI. C’est le sentiment de culpabilité d’avoir des nageurs indigènes virginaux – ils ressemblent certainement à des saumons microscopiques, même si les Blackfeet sont une tribu de cavaliers -, la culpabilité d’avoir tous ces nageurs armés et chargés, sans jamais les pousser vers l’aval, ce qui voulait dire que ses rares ancêtres qui avaient survécu aux raids et aux épidémies, aux massacres et au génocide, au diabète et à toutes les voitures au parallélisme déficient dont ne voulait plus le reste de l’Amérique, ces Indiens auraient pu tout aussi bien se retrouver face à la grosse mitrailleuse Gatling de l’histoire, non ?
« Comment il va ? interroge Lewis avec un mouvement de tête en direction du garage.
– Je crois que ça lui fait du bien », répond Peta en brandissant la bouteille de lait de chèvre.
D’après un des bagagistes de l’aéroport, on pouvait soigner un chiot atteint de parvovirose avec du lait de chèvre. Harley ne souffre pas de cette maladie, mais si le lait de chèvre peut sauver un chiot qui a les intestins en bouillie, alors il peut aider un chien qui a passé la majeure partie de la veille à mourir et à ressusciter, non ?
Ce n’est pas plus invraisemblable que tout le reste.
Mais tôt ou tard, et Lewis déteste déteste déteste cette idée, tôt ou tard, cela va se terminer avec un fusil et la dernière promenade de Harley, à moins qu’il faille le porter.
Non pas parce que Harley était un mauvais chien mais parce que c’était le meilleur des chiens.
Et ce sera forcément le même fusil que dix ans plus tôt. Il se rendra dans la réserve pour l’emprunter à Cass, même si c’est celui qu’il a utilisé pour tuer cette jeune femelle caribou. Cette femelle qu’il essaie de dessiner sur la moquette avec cent petits morceaux de masking tape.
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Pour protéger ton petit, tu donnes des grands coups de sabots. C'est ce que ta mère a fait pour toi, là-haut dans les montagnes, lors de ton premier hiver. Son sabot noir qui jaillissait et venait frapper ces bouches grimaçantes était si rapide, si pur, insaisissable ; il laissait dans son sillage un arc parfait de gouttelettes rouges. Mais les sabots ne suffisent pas toujours. S'il le faut, tu peux l'ordre et déchirer avec tes dents. Et tu peux courir plus lentement que tu en es capable. Si rien de tout cela ne fonctionne, si les balles sont trop épaisses, tes oreilles trop pleines de bruit, ton nez trop plein de sang, s'ils ont déjà pris ton petit, tu peux encore faire une dernière chose.
Tu te caches au milieu du troupeau. Tu attends. Tu n'oublies jamais.
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C'est le genre de pensées erronées qu'ont les gens qui passent trop de temps seuls. Ils déballent d'immenses conneries sidérales de leurs papiers de chewing-gum, ils les mâchonnent, ils en font une bulle, qui les emporte dans un endroit encore plus débile.
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La manchette consacrée à Richard Boss Ribs dirait : UN INDIEN TUÉ LORS D’UNE DISPUTE DEVANT UN BAR.
C’est une façon de voir les choses.
Ricky s’était fait engager dans une équipe de forage dans le Dakota du Nord. Comme il était le seul Indien, on l’avait surnommé Chef. Et comme il était nouveau, et juste de passage, sans doute, c’était toujours lui qu’on envoyait guider la chaîne. Et chaque fois qu’il revenait avec tous ses doigts, il faisait le tour de la plateforme pouces dressés pour montrer qu’il avait de la chance, et que rien de tout ça ne pourrait jamais l’atteindre?
Ricky Boss Ribs.
Il avait fichu le camp de la réserve dès que son petit frère Cheeto avait fait une overdose dans le salon de quelqu’un, où la télé, avait-on expliqué à Ricky, diffusait les images de cette caméra de surveillance qui reste braquée sur le parking du supermarché IGA en permanence. C’était justement ce détail que Ricky ne cessait de ressasser : seuls les très vieux parmi les anciens regardaient cette chaîne. Cela leur rappelait combien la vie sur la réserve était ennuyeuse ; c’était de la merde, c’était rien. Son petit frère ne regardait même pas la télé normale, il n’arrivait pas à rester assis devant l’écran ; au mieux, il aurait lu des BD.
Au lieu de traîner ses bottes lors de la veillée funèbre et de faire tache sur la parcelle de terre familiale derrière East Glacier – tout le monde se garait sur le chemin de l’exploitation forestière, si bien qu’ils devraient rouler jusqu’aux tombes pour revenir -, Ricky avait filé dans le Dakota du Nord. Son plan, c’était d’aller à Minneapolis – il connaissait des types là-bas -, mais à mi-chemin, il était tombé sur cette équipe de forage pétrolier qui embauchait, et ils lui avaient dit qu’ils aimaient bien les Indiens, en raison de leur résistance naturelle au froid. Comprenez : ils ne se volatilisaient pas en hiver.
Ricky, assis dans la caravane orange semblable à une niche de chien pour cet entretien, avait acquiescé. Les Blackfeet ne craignaient pas le froid, en effet ; et non, il ne les planterait pas au beau milieu de la semaine. Il s’était gardé de préciser que vous ne deveniez pas résistant au froid à force de porter une veste pourrie ; vous cessiez de vous plaindre au bout d’un moment, voilà tout, car ça ne vous aidait pas à vous réchauffer. De même, il ne leur avait pas dit que, dès sa première paie en poche, il reprendrait la direction de Minneapolis. Salut.
Le contremaître qui l’avait interrogé était un type costaud, au visage buriné, plus ou moins blond, dont la barbe ressemblait à une éponge à récurer. Quand il avait tendu la main au-dessus de la table pour serrer celle de Ricky, en le regardant droit dans les yeux, le monde moderne avait disparu pendant un long moment : tous les deux se trouvaient soudain sous une toile de tente, le contremaître portait une veste de soldat de cavalerie, et Rick convoitait déjà les boutons en cuivre, il ne pensait pas du tout au document posé sur la table entre eux, et sur lequel il venait de tracer une croix.
Cela lui arrivait de plus en plus souvent ces derniers mois. Depuis que la chasse avait mal tourné l’hiver dernier, jusqu’à maintenant, en passant par cet entretien, sans parler de la mort de Cheeto sur ce canapé.
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Debout dans le salon voûté de la nouvelle maison en location qu’il partage avec Peta, Lewis examine le spot fixé au-dessus de la cheminée, il le met au défi de s’allumer maintenant qu’il le regarde.
Pour le moment, le spot se contente d’émettre une faible lueur de manière totalement aléatoire. Peut-être à cause de quelque obscure et improbable combinaison entre les interrupteurs de la maison, ou peut-être parce que le fer à repasser est branché dans la cuisine alors que la pendule, à l’étage, est – ou n’est pas – branchée ? Surtout, ne lui parlez pas de toutes les connexions possibles entre la porte du garage et le congélateur, ou les projecteurs dans l’allée.
C’est un mystère, voilà tout. Mais – plus important – c’est un mystère qu’il va résoudre pour faire plaisir à Peta, le temps qu’elle aille à l’épicerie et revienne pour le dîner. Dehors, Harley, le malamute de Lewis, aboie sans discontinuer, d’un ton pitoyable, car il est attaché à la corde à linge, mais sa voix commence à s’enrouer. Lewis sait qu’il va bientôt s’arrêter. S’il lui ôtait son collier maintenant, ce serait le chien qui dresse le maître, et non pas le contraire. Même si Harley n’a plus l’âge d’être dressé. Lewis non plus, d’ailleurs. Franchement, il se dit qu’il mériterait une grosse récompense pour avoir vécu jusqu’à trente-six ans sans jamais s’être arrêté dans un drive pour commander un burger et des frites, en échappant au diabète, à l’hypertension et à la leucémie. Et il mériterait d’autres récompenses pour avoir évité tous les accidents de voiture, la prison et l’alcoolisme qui figuraient sur son carnet de bal culturel. Mais peut-être que sa récompense pour avoir échappé à tout ça – sans oublier la meth – c’est d’être marié depuis dix ans maintenant avec Peta, que rien n’oblige à supporter les pièces de moto qui trempent dans l’évier, les taches de chili Wolf Brand qu’il laisse toujours entre la table basse et le canapé et les cochonneries tribales qu’il essaie toujours d’installer en douce sur les murs de leur nouvelle maison.
Comme il le fait depuis des années, il imagine la une du Glacier Reporter, là-bas chez lui : UNE ANCIENNE STAR DU BASKET NE PEUT MÊME PAS ACCROCHER SA COUVERTURE DE FIN D’ÉTUDES DANS SA PROPRE MAISON. Et qu’importe si ce n’est pas parce que Peta a fixé une limite, mais parce qu’il s’est servi de cette couverture pour envelopper et rapporter un lave-vaisselle gratuit, il y a deux ou trois ans, et que le lave-vaisselle a basculé à l’arrière du pick-up, dans l’ultime virage, déversant un magma grumeleux et puant directement dans la baie d’Hudson.
Et qu’importe qu’il n’ait jamais été véritablement une star du basket, durant la première partie de sa vie.
Personne d’autre ne lit ce journal mental de toute façon. Quel sera le gros titre de demain ?
L’INDIEN QUI EST MONTÉ TROP HAUT. Lire page 12.
Ce qui signifie : si ce spot au plafond ne descend pas jusqu’à lui, il va devoir monter.
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Vidéo de Stephen Graham Jones
À l'occasion du festival "America" 2022 à Vincennes, Stephen Graham Jones vous présente son ouvrage "Un bon indien est un indien mort" aux éditions Rivages
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2608061/stephen-graham-jones-un-bon-indien-est-un-indien-mort
Note de musique : © mollat Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
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