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sur 118 notes
°°° Rentrée littéraire 2022 # 30 °°°

Lors d'une partie de chasse illégale dans le Montana, quatre jeunes autochtones Blackfeet ont massacré un troupeau de caribous sur un territoire réservé aux anciens, et notamment une femelle gestante qui s'acharne à ne pas mourir pour défendre son veau embryon, avant de rendre l'âme . Dix ans après, les chasseurs sont devenus des proies. Une entité vengeresse veut les affronter les uns après les autres, protéiforme, capable de ruses et métamorphoses dont la principale est la femme-à-tête-de-caribou.

Le titre ironique détournant l'aphorisme raciste du général Sheridan ne laisse aucune place au doute, ça va dépoter sévère. Et ça va saigner ! du prologue ( dézinguant un des quatre gus ) au terrifiant match de basket final, comme dans une cascade de dominos, chaque partie vient percuter la précédente pour compléter le jeu de massacre.

«  La maison qui coulait rouge », le chapitre consacré à Lewis est juste exceptionnel. L'auteur nous colle à lui. Nous voyons ce qu'il voit, sans aucun autre point de vue pour desserrer l'angoisse qui monte : d'abord malaise, puis insidieuse paranoïa érodant sa santé mentale, puis hallucinations mortifères jusqu'à sombrer dans la folie et le chaos. Lewis était le seul des comparses à comprendre l'origine de la menace qui s'abat sur eux. Lorsqu'on suit les autres, la tension naît de ce qu'on sait, de ce qu'on devine, alors que leur ignorance les rend encore plus impuissants à affronter l'esprit vengeur.

La comparaison avec Stephen King est assez évidente tant Stephen Graham Jones maitrise les codes du fantastique, de l'horrifique et du slasher. Il ne craint pas de faire basculer des paragraphes dans la violence explicite et le gore, tout en faisant preuve de finesse suggestive pour développer une atmosphère troublante. L'étrangeté et les ténèbres s'infiltrent brillamment partout, dans le moindre recoin du texte avant de tout recouvrir, enrobé d'un humour très noir ( forcément ), très xième degré qui ravira les amateurs du genre.

Mais Un bon indien est un indien mort est bien plus qu'une histoire qui fait peur. le recours au fantastique s'entrelace au réel pour amplifier l'intrigue, mais également pour confronter avec force le lecteur à la réalité de la condition amérindienne contemporaine.

Stephen Graham Jones s'empare du trope de la malédiction indienne pour l'inverser et mieux interroger l'éternel hiatus entre tradition et modernité, à la façon d'un Tommy Orange. Les quatre personnages ont perdu les codes de la culture traditionnelle blackfeet, ils sont désorientés dans un monde de blanc, surtout Lewis qui a quitté la réserve et vit avec une blanche. En massacrant un troupeau de caribous juste pour le fun, ils ont commis le même type de péché que les Blancs ont commis contre leurs ancêtres au XIXème siècle : une violence aveugle et inutile qui ne peut qu'engendrer une profonde culpabilité.

Comment mettre fin au cycle de la violence ? Ce n'est pas anodin que la lumière vienne d'une adolescente, Denorah, la fille d'un des quatre, extraordinaire personnage qui fait mentir tous les habituels attributs virils des slashers en cherchant une issue en utilisant la compassion comme arme la plus redoutable plutôt que la vengeance qui s'offrait facilement à elle.

Un roman inclassable à l'énergie surpuissante, d'autant plus réjouissant qu'il a du fond.
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Responsables d'un massacre de neuf Caribous, (dont une jeune femelle en gestation), un groupe de quatre hommes de la tribu des Blackfeet, sont victimes d'une entité vengeresse, une femme à la tête de Caribou. En effet, cette chasse était interdite par les anciens.

Trois parties absolument horrifiques prônent le contenu de ce roman que je pensais au départ, au vu du titre, une métaphore sur les droits civiques des Natifs. Et Bim!! C'est un fond plus riche que nous offre l'auteur. Ses quatre hommes qui se sont très nettement éloignés de leur tradition, au point de ne plus respecter la vie, vont vivre d'atroces souffrances pour leur rappeler que la nature est au commande. Une leçon de karma bien sanguinaire.

La dernière partie, cette course poursuite dans la neige m'a happé jusqu'au final très émouvant, touchant au plus haut niveau ma sensibilité empathique. Très très bon roman d'horreur que j'ai trouvé très bien écrit. Je ne suis pas rentrée facilement dedans et je me remercie d'avoir insistée, car c'est un des meilleurs roman fantastico horreur que j'ai lu cette année.

Certaines critiques sont bien meilleures que la mienne pour vous expliquer tout le fond social et ethnique représentés dans ce roman. Donc je vous invite à les lire.
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Attribué au général de l'U.S Army Philip Sheridan, l'aphorisme « The only good Indian is a dead Indian » porte en lui-même toute une vision du Natif Américain qui hante à la fois la société Occidentale mais aussi le peuple Amérindien à l'heure actuelle. Souvenir d'un génocide impardonnable et funeste avertissement qui se condense pour devenir le titre du nouveau roman horrifique de Stephen Graham Jones après son magistral Galeux qui vient justement d'être réédité en poche par les éditions Pocket.
Véritable succès critique et public Outre-Atlantique, Un bon Indien est un Indien mort débarque cette fois chez Rivages et tente une nouvelle fois de convaincre le public français du talent presque surréel de l'écrivain Blackfeet. Mais êtes-vous vraiment prêts ?

Chasse interdite
C'est par un drôle de fait divers que l'on pénètre dans Un bon Indien est un Indien mort.
« UN INDIEN TUÉ LORS D'UNE DISPUTE DEVANT UN BAR. » peut-on lire dans le journal. C'est une façon de voir les choses.
En vérité, Ricky Boss Ribs n'a pas vraiment trouvé la mort en se disputant avec des Blancs devant un bar. Autre chose rôdait dans les parages. Une chose qui semble impossible et pourtant.
Ricky fait partie d'un groupe de quatre Indiens issus de la même réserve dans le Montana et de la ville de Browning.
Ricky, Lewis, Gabriel, Cassidy. Quatre autochtones, natifs, amérindiens…enfin quatre Indiens. Choisissez votre génération et votre préférence de langage. Dix ans plus tôt, les quatre amis vont faire une partie de chasse illégale en pénétrant sur des terres où ils ne sont pas sensés traquer le caribou. Mais qu'à cela ne tienne, c'est le dernier jour pour eux où la chasse est possible, le dernier jour où un Indien ne doit pas revenir sans caribou.
Nous sommes cinq jours avant la dinde et le football, cinq jours avant un Thanksgiving classique.
En prenant au piège un troupeau entier, c'est finalement un carnage qui se produit. Un carnage inutile puisque nos quatre chasseurs seront surpris par le garde-chasse qui les contraint à abandonner leurs trophées dans la neige. Parmi les cadavres, celui d'une femelle caribou alors en pleine gestation. La promesse d'un avenir agonisant dans la neige.
Dix an plus tard, Lewis vit avec Peta, une femme blanche et végétarienne qui n'a pas grand chose d'Indienne au contraire de Shaney, une Crow avec qui il travaille et à qui il va finir par confesser cette chasse indigne qui le hante. Petit à petit, des évènements étranges surviennent dans la vie de Lewis. Son chien, Harley, meurt étranglé en tentant de sauter au-dessus de la palissade, la vision d'une étrange Femme-à-tête-de-Caribou dans son salon le faut basculer de son échelle, des bruits de sabots étouffés se font entendre dans les escaliers… Que se passe-t-il dans la vie de Lewis ?
Bien décidé à tirer les choses au clair, le Blackfeet essaye de démêler le vrai du faux, le réel du fantastique. Jusqu'à ce qu'il comprenne que la mort de Ricky n'a rien d'une coïncidence et que lui, Cassidy et Gabriel sont en danger…
Stephen Graham Jones nous livre donc un roman horrifique et fantastique plongé jusqu'aux bois dans la mythologie Indienne pour mieux saisir la réalité d'aujourd'hui. Si Un bon Indien est un Indien mort est un récit surnaturel, c'est justement pour mieux croquer la société Amérindienne d'aujourd'hui. Point de loups-garous cette fois mais une autre créature légendaire qui va venir bouleverser les attentes du lecteur.

Un seul petit Indien ?
De ces attentes, Stephen Graham Jones va constamment se jouer. Car si l'on pouvait légitimement penser que son roman avait tout d'une histoire de monstres ordinaire, rien n'est moins vrai. L'horreur chez le Blackfeet n'a pas un visage unique. Elle ne se donne pas aussi frontalement qu'on pourrait le croire et, en ce sens, la première partie d'Un bon Indien est un Indien mort en déroutera plus d'un, davantage préoccupé par le cadre de vie et les relations entretenues par Lewis que par la malédiction qui pointe le bout de son museau entre les pales d'un ventilateur.
En alternant quelques scènes gores et quelques morts particulièrement graphiques avec une paranoïa insidieuse et mortelle, Stephen Graham Jones tisse une atmosphère lourde et inquiétante qui semble un temps ne pas savoir où elle va.
Mais Stephen Graham Jones a un plan. Depuis le début.
L'horreur larvée, presque subliminale, va graduellement envahir la page et l'esprit des personnages. Notamment celui de Lewis, archétype de l'Indien moderne qui a quitté sa réserve pour adopter un mode de vie différent mais qui, au fond, ne cesse de s'interroger sur ses origines et son identité.
Bien vite, le scope se déporte vers Browning et la réserve pour retrouver les autres comparses, Gabriel et Cassidy.
C'est ici que l'horreur, déjà dévoilée, affirmée comme un retour de bâton du destin, se mêle à l'une des thématiques centrales de l'oeuvre de Graham Jones : qu'est-ce qu'être Indien aujourd'hui ?
Dès lors, l'américain dresse le portrait de Gabriel qui tente de renouer le lien avec sa fille Denorah alors que son mariage n'est plus qu'un lointain souvenir, puis celui de Cassidy qui a fini par retrouver l'amour après une longue traversée du désert avec Jolène, une Crow. Et puis Denorah, justement, la Finals Girl, promise à un avenir brillant et magnifique grâce à son don inné pour le basket.
On y croise également Nathan, un jeune qui pleure encore la mort de son grand-père, et une hutte de sudation pour un rite de purification Indien traditionnel et fortement signifiant. Stephen Graham Jones explore l'identité, confronte l'abord de la condition Indienne selon la génération à laquelle on s'adresse et finit par montrer qu'il n'existe pas une identité unique mais une pluralité de chemins vers notre ère moderne. C'est aussi le questionnement sur l'éternel opposition entre tradition et modernité, entre l'importance de respecter les anciens et de construire de nouveaux avenirs, de trouver des modèles et dépasser les clichés pour être qui l'on veut vraiment.
Comme dans Galeux, Stephen Graham Jones ne parle pas tant de l'injustice vécue par son peuple aux Etats-Unis que de ce que sont devenus les Natifs à dans l'Amérique d'aujourd'hui. du roman d'horreur, on glisse vers le roman social. Mais ce n'est pas tout.

Les non-dits de l'horreur
Car au fond, si Un bon Indien est un Indien mort parle de quelque chose, c'est avant tout de famille, d'amitié, d'amour et des liens qui unissent les personnages entre eux. C'est du respect des générations et de ses racines, de la violence qui habite l'Amérique et hante ses peuples.
Au centre de ce roman de chasse, la fameuse Femme-à-tête-de-Caribou, change forme vengeresse qui symbolise la faute, l'injustice et la rédemption tout à la fois et qui appelle, finalement, à s'interroger sur la façon de mettre fin au cercle de la violence et de la rancoeur.
En combattant, en n'abandonnant jamais, mais aussi en acceptant de reconnaître ses fautes et les façons de faire la paix avec soi-même.
Si l'on osait, un pourrait presque dire que le roman de Stephen Graham Jones et un roman sur la réconciliation avec soi, avec un passé où le sang a coulé de façon aveugle et injuste au mépris des règles et des traditions.
Si l'on osait, on pourrait voir un grand roman d'amour dans ce récit où l'on arrache des têtes et où l'on étripe des caribous.
Et si l'on osait, surtout, on pourrait dire qu'encore une fois, l'auteur nous livre un roman passionnant et dense où l'horreur ne masque jamais l'humanité de ses personnages faillibles et torturés.

Roman horrifique singulier et récit social sur la réalité de l'identité Indienne, Un bon Indien est un Indien mort surprend par sa façon de déjouer les attentes et par trouver les bons mots pour parler des maux les plus profonds. Une réussite, encore, qui confirme tout le bien que l'on pensait déjà de Stephen Graham Jones. Un auteur majeur de la littérature américaine contemporaine, définitivement.
Lien : https://justaword.fr/un-bon-..
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Qu'est-ce que j'entends? Demandez-vous.
Je vais vous répondre. le bruit qui court. C'est ça que vous allez entendre. Toutes sortes de bruits qu'il va bien falloir que vous preniez en compte, avant qu'il ne soit trop tard. Mais même dans le Couloir de la mort, les bruits courent encore…Et puis, au pire, après, une entité sera là, pour vous réapprendre le mot, Vengeance…

« Donc les nouvelles circulent dans le Couloir de la mort. »

Le bruit des sabots, tout d'abord. Vous savez, les caribous courent, dans la brume rouge. C'est un bruit suffisamment persistant pour qu'un quatuor de jeunes, se laissent prendre à l'énergie de la chasse. Se laissent influencer par l'effet de groupe, allant jusqu'à s'en approcher d'un peu trop près, pour en avoir des idées de traque(s). Des idées de festins, des idées d'interdits, des idées puériles, et des idées qui collent à la peau. Mais l'action pousse au massacre, au nom d'une tradition enfumée, d'un passé nébuleux, d'une inadaptation sourde…Coincés entre deux cultures, deux modes de vies, ils perdent pied, ancrage et raison…Mais ils ne perdent rien pour attendre, on dirait bien puisque que l'outre-tombe s'est frayé un chemin dans le précipice…

« Tuer un petit est la pire chose qui soit, tu le sais. »

Le bruit des indiens, ensuite. Vous savez, les indiens ne courent plus si souvent la plaine rouge. C'est un bruit que certains essayent d'étouffer, d'éteindre, d'exterminer…Le bruit qui court, c'est qu'Un bon indien est un indien mort…Certains s'en donnent à coeur joie et fusils chargés... le massacre ne fait que, se poursuivre. Les versions diffèrent mais le résultat est le même. UN INDIEN TUÉ.

Le bruit fantôme. Vous savez, les fantômes courent sur les blessures rouges. Rien ne hante plus qu'une douleur ancestrale. Rien ne tue plus, qu'une vengeance. Rien n'arrête un fantôme. Si vous ôtez le sang, il est fort probable qu'en face, ça implique des conséquences…À bon entendeur! le massacre était prévisible car le bruit gronde, gronde, gronde…

« Ça fait d'elle un monstre? »

Alors des bruits, courent. Supposons que la nature décide enfin de se venger, pour défendre l'avenir: est-ce que ça serait vraiment fou? Est-ce qu'une femelle caribou qui vengerait les siens, de tant de souffrances, de tant de décès, de tant d'injustices, est-ce que ça serait vraiment fou? Est-ce qu'entendre enfin, son cri de détresse, ne serait pas nécessaire, pour eux, pour vous, pour Nous? Est-ce que, se servir d'une histoire d'horreur(s) pour faire passer un message de bienveillance, ce ne serait pas le meilleur remède pour tenter de sauver le Vivant? Est-ce qu'on aurait pas à apprendre auprès de la culture amérindienne, une relation plus intrinsèque avec la faune et la flore? Est-ce que c'est vraiment fou? Vous pensiez peut-être que le monde animal était sourd? Vous pensiez peut-être que la terre vous laisseriez faire?

« La terre réclame ce que vous laissez derrière vous.»

Laissez-moi vous dire, que si vous colliez vos oreilles aux revendications du monde qui nous entoure, il se pourrait que vous entendiez des bruits. Des bruits de colère. Des bruits effrayants. Et moi, j'entends. J'entends la douleur d'un peuple, le rebondissement d'un ballon de basket, les pleurs de la femme-caribou…Est-ce que vous, vous allez entendre alors, le coup de coeur rouge qui se ramène en courant, en ces lignes? Si c'est le cas, alors peut-être que tout n'est pas mort, tout n'est pas fou, tout n'est pas foutu…Je vous laisse donc, avec ce bruit palpitant, je vais aller tenter, l'expérience de la hutte…
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Une erreur s'est produite lors du téléchargement de mes facultés…
J'ai perdu toutes notions de réalité coupée entre rêve et prémonition, le cauchemar s'est incrusté dans mon esprit.
Au bout de 40 pages, j'ai arrêté de souffrir inutilement…
Pourtant tout y était : Amérindiens, romans policiers, roman noir… Je n'ai pas pu… à vous jouer…

Bonne lecture !
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Dix ans depuis le massacre de caribous de Ricky, Gab, Lewis et Cassidy, quatre amérindiens poursuivis par le fantôme de la femelle.
Un texte qui m'a semblé confus, des longueurs,   comme ces entrainements de basket plus prédominants que les scènes d'horreur.
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Quatre Indiens ont massacré un groupe de caribous, aux alentours de Thanksgiving, dans un lieu en principe interdit. Parmi les victimes, une jeune femelle enceinte. Son regard ne quitte pas l'esprit de Lewis, celui qui lui a donné le coup de grâce. Et des années plus tard, elle le hante encore. Surtout quand des évènements étranges et violents se déroulent autour de lui.

On commence par une petite interrogation. Je la dois à Gilles Dumay (encore sur le forum du Bélial') qui a dû lire le roman en V.O. Je suis allé voir la quatrième de couverture en anglais et, effectivement, on y parle de « elk ». Or, selon le dictionnaire, on doit traduire ce nom en français par « wapiti ». Mais, comme vous avez pu le lire en introduction, le traducteur à transformé cet animal en « caribou ». Pourquoi ? D'autant que leurs bois ont des formes quand même assez différentes (de ce que j'en ai vu sur internet : je ne suis pas un spécialiste). Enfin, un mystère de plus.

Le roman s'ouvre sur le décès d'un Indien. On croit comprendre qu'il se fait lyncher par un groupe et qu'il aperçoit, avant de mourir, un troupeau d'élans (mince, des élans, pas des wapitis, ni des caribous ?). Ainsi périt Ricky. On passe à Lewis, un de ses amis d'enfance. Lui a quitté la réserve et vit avec une blanche. Il est inséré, comme on dit, et semble raisonnablement heureux, malgré des tracas habituels du quotidien. Mais en réparant un spot qui semble avoir une vie propre, il repère sur son tapis une femelle caribou. Qui ne peut raisonnablement pas être là. Mais qui lui semble bien réelle. D'autant qu'elle semble provenir de son passé, quand avec ses trois amis, il avait participé à une chasse illégale, dans un territoire sacré. Je parle de chasse, mais tout cela a plutôt ressemblé à un massacre. Et lors de cette opération, une jeune femelle caribou a été abattue alors qu'elle était enceinte. Et le regard de cet animal a marqué Lewis. Comme si sa mort était une injustice. Et que l'enfant aurait dû naître. Comme si lui et ses amis avaient empêché le destin de se dérouler comme il aurait fallu. Tout cela finit par peser sur Lewis qui peu à peu semble perdre la raison. Et il a de quoi : des évènements troublants, voire angoissants ont lieu dans son environnement immédiat. Ses nerfs sont mis à rude épreuve. Jusqu'où ira-t-il ?

Vous vous en doutez, comme souvent dans ce genre de récits d'horreur, la tension monte, l'angoisse et, soudain, tout se relâche dans un déferlement de violence et de sang. Ce roman conserve ce schéma. Avec finesse (même si cela gicle bien comme faut au moment où il faut). La pression gagne peu à peu en intensité et l'on sent au fond de nos tripes que cela peut exploser à n'importe quel moment. Libération et horreur quand cela arrive enfin. Après Lewis, on va logiquement découvrir les deux autres anciens amis, restés dans la réserve. Ils ont bâti des familles, qui n'ont pas tenu. L'un d'eux n'a même plus le droit d'approcher sa fille. On ne peut vraiment pas dire qu'ils allaient bien, menant une vie de paumés. Et d'ailleurs, c'est un autre intérêt de ce roman.

En effet, lire Un bon Indien est un Indien mort, c'est aussi voyager dans cette réserve au plus proche du quotidien d'Indiens actuels. Loin des ancêtres fantasmés des films et des livres américains de l'époque classique. Et si le portrait dressé est proche de la réalité, cela ne donne pas envie : les héros sont des types qui passent leur temps à boire et à ne rien faire de constructif. Ils se contentent de vivre, pas très bien, et de laisser filer le temps. Ils se raccrochent à de vieilles lunes, des images de grandeur passée, en s'en moquant, mais en étant incapables de s'en affranchir. Rien que pour ces instantanés de vie, cette lecture est nécessaire.

Je ne suis pas un grand fan des récits d'horreur. Mon imagination me fait trop bien voir certaines scènes et, non merci. Mais j'ai passé un bon moment à la lecture d'Un bon Indien est un Indien mort. La montée de la tension dramatique, les flashbacks (pardon, les analepses) particulièrement réussis, la plongée dans le quotidien d'Indiens paumés et la figure des caribous (euh, non, des élans… ou des wapitis) m'ont embarqué dans l'histoire que je n'ai pas lâchée avant la dernière goutte de sang, la dernière page.
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Très honnêtement, j'avais dans l'idée de lire ce livre comme un bon roman noir, catégorie que j'affectionne et bien celui-ci : oui mais pas que !
@CatF (qui est pour moi une source fiable de recommandations littéraires car nous avons généralement les mêmes goûts) m'alertait du caractère fantastique du roman.
Ayant pris en compte cette dimension, je me suis lancée dans cette lecture qui m'intriguait. le cadre fantomatique ne m'a pas dérangé au début. Toutefois, il arrive un moment où le roman bascule dans de la SF ? du fantastique ? de l'horreur ? Je ne peux y répondre n'étant pas amatrice du genre.
Il y a eu tout de même des passages intéressants et l'auteur a une belle plume mais je préfère rester dans mes sentiers battus du classico-classique roman noir américain, car un caribou vengeur, j'avoue avoir été un peu dépassée.
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Mais qu'est-ce que c'est que ce titre ?! Une provocation, un petit rappel salutaire de la part d'un immense romancier, qui manie comme personne l'humour et l'épouvante, l'empathie et le gore... le grand Stephen Graham Jones. Cet écrivain amérindien de la tribu Blackfeet nous embarque dans une histoire tellement hors norme et intense qu'elle m'a désarçonnée au départ. Mais que j'ai finalement dévoré avec frénésie. Percutée en plein coeur !
Ca raconte l'histoire de 4 ados qui partent pour une folle virée de chasse aux caribous. Rapidement, cela tourne au carnage (pas facile à lire je vous préviens!). Dans une réserve dans laquelle ils n'ont pas même le droit d'entrer, ils massacrent tout un troupeau au fusil de chasse. Ce soir-là, ces quatre garçons ne l'ont pas oublié, et les esprits de la forêt, les âmes des massacrés non plus. Dix ans plus tard, la nature vient réclamer son dû et la vengeance prend la forme d'une femme à Tête de Caribou.
Entre scènes hallucinées, violence crue et une scène finale à couper le souffle, Jones met nos nerfs à rude épreuve mais de manière assez incroyable, la fin justifie amplement les moyens. Parce que comme Tommy Orange, l'auteur américain souligne cette déchirure qui traverse la communauté amérindienne, ce double mouvement de mise à distance des croyances, des terres et des récits ancestraux, et cette incapacité quasi-mystique à s'en couper complètement.
Jones compose un portrait sans compromission, entre ombre et lumière, de sa communauté, de ce que signifie être indien aujourd'hui. Un huis-clos au grand air qui m'a fait l'effet d'une bombe, un récit de vengeance qui se termine en récit d'amour infini, une rédemption au féminin qui m'a mise complètement KO. C'est peu dire que je vous le recommande !
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Ce roman d'horreur décrit la mise à mort de 4 amis Indiens qui ont, dans leur jeunesse, massacré un troupeau de caribous (dont une femelle en gestation). Même si, dix ans plus tard, certains d'entre eux sont encore hantés par la culpabilité, ils ne pourront échapper à la vengeance du fantôme de la femelle.

Ce résumé succinct ne rend pas hommage au sens de la dérision et à l'humour noir de Stephen Graham Jones qui commence son roman au titre provocateur par cette déclaration : "UN INDIEN TUE LORS D'UNE DISPUTE DEVANT UN BAR. C'est une façon de voir les choses." Car il va très rapidement basculer du constat sociologique à la crise paranoïaque jusqu'à la fantasmagorie d'une Femme à Tête de Caribou.
Le deuxième Indien mort se nomme Lewis. C'est celui qui a tué la femelle et qui en est le plus affecté. Il a quitté la réserve pour épouser une jeune femme blanche, mais il est tiraillé entre sa vie de postier intégré et sa culture indienne. Avec dérision, l'auteur le présente comme " L'indien qui est monté trop haut". C'est en tout cas celui qui va donner corps aux hallucinations qui l'obsedent et nous faire plonger dans une littérature fantastique qui permet toutes les métamorphoses.
Après avoir proposé le racisme comme explication au premier Indien mort, il plaide pour la folie.
"Concernant les accusations qui pesaient sur Peta, qui n'était peut-être pas Peta, justement, le fait qu'elle soit végétarienne n'arrangeait pas les choses, Lewis doit bien l'admettre. C'est ainsi qu'on appelle une personne qui ne mange pas de viande. Et comment appelle-t-on un animal qui ne mange pas de viande ? Un herbivore.
Les caribous sont des herbivores. Des mangeurs d'herbe. Des végétariens."

Les deux victimes suivantes, Gabriel et Cassidy, permettent à l'auteur de décrire  la vie de ces populations amérindiennes abandonnées par la société, victimes d'un racisme persistant. Soucieux de préserver leurs traditions et leur héritage culturel, ils sont en décalage avec le mode de vie contemporain. Leurs tentatives pour se reconnecter avec les Anciens sont vouées à l'échec tant leurs vies sont polluées par l'alcoolisme et la pauvreté. Dans cette quête entre tradition et modernité, certains se sont perdus et ont perdu leur famille, leur dignité.
Stephen Graham Jones explore l'identité et s'interroge sur la condition Indienne selon la génération à laquelle on s'adresse.
Les plus jeunes, représentés par Denorah et par Nathan, sont confrontés aux mêmes difficultés. Mais ils semblent mieux armés que la génération de leurs parents pour y faire face.

« Afin de se blinder contre le genre de conneries que les équipes indiennes doivent subir quand le match est serré, Denorah essaie de s'inoculer toutes les saloperies que scandera la moitié du gymnase. C'est un jour idéal pour mourir. Je ne me battrai plus éternellement. Un bon Indien est un Indien mort. Tuez l'Indien, sauvez l'homme. Enterrez la hache de guerre. Tous dans les réserves. Rentrez chez vous. Interdit aux Indiens et aux chiens. Sa soeur a entendu tout ça à son époque, elle l'a lu sur des banderoles, illustrées généralement. Tracé au cirage sur les vitres des cars. le slogan le plus courant était : Massacrez les Indiens ! »

Denorah, surnommée Finals Girl par son père, offre une sortie de secours féministe. Par un clin d'oeil à la Final Girl des films d'horreur, la Dernière Survivante, elle est une actrice impressionnante de sa survie. Sa détermination, dans un inoubliable match de basket, ( célébré par Stephen King, qui parle du « match de basket-ball le plus terrifiant de tous les temps »…), lui permet de résister à la créature devenue hideuse en raison de la haine qui l'anime. Cette dernière métamorphose, causée par un ultime désir de vengeance, transforme la femelle caribou de victime en bourreau et c'est Denorah qui recueille la sympathie du lecteur, c'est d'elle qu'on espère la victoire.

Il fallait une bonne dose d'audace et une bonne dose de talent pour proposer l'affrontement final entre une jeune fille et un monstre dans un match de basket. Décalage assumé et parfaitement maîtrisé par un auteur qui réussit à rendre ce match épique et terrifiant.
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