Nous ne mentons pas seulement aux autres, nous nous mentons à nous-mêmes. Nous vivons tous dans un cabinet de miroirs construit par notre propre vertu morale et il n'y a aucun moyen d'y échapper.
"Nous savons tous que cette bouteille de vin que j'ai apportée, par exemple, pourrait payer la vaccination de vingt enfants ou sauver la vie d'au moins un enfant. Exactement comme les Allemands pendant la Seconde Guerre mondiale. Ils savaient qu'on tuait des juifs, mais ils ne voulaient pas savoir ce que cela signifiait réellement."
Malene se tient les jointures de la main droite et dit : "Mais ce n'est pas la même chose. En ce temps là c'était l'Etat qui tuait. Toi, tu parles d'aide.
- Si, c'est la même chose. Nous marchons dans des chaussures que nous savons avoir été confectionnées par des enfants que ce travail a peut-être rendus invalides. Nous buvons du café que nous savons avoir été acheté à des prix dérisoires, provoquant la famine des villageois."
Ils ont chacun vidé leur grand verre de jus de fruit. Gunnar se penche par dessus la table, il prend sa main douloureuse. Il la chauffe entre les siennes et dit : "J'espère tellement qu'un jour le monde deviendra meilleur. Mais si cela arrive, dans trente ans, nos petits enfants nous regarderont comme ils regardent maintenant nos grands parents nazis et nous diront : "Je ne te comprends tout simplement pas."
"Et nous nous répondrons : "Mais, en ce temps là, c'était tout à fait normal de laisser les gens mourir de faim - de laisser des villages entiers mourir de faim pour avoir du café moins cher."
"Et nos petits enfants nous demanderont : "Oui, mais vous ne le saviez pas ? - Si, nous le savions tous. Mais nous n'y pensions pas. Nous le savions, ET nous n'y pensions pas. C'était tout à fait normal quand on était jeunes."
... ce fut d'abord le respect envers leurs collègues qui amena les hommes à exécuter les ordres jusqu'au bout.
Personne ne souhaitait paraître faible aux yeux des autres. Et comme par ailleurs tous détestaient cette tâche, ils Jugeaient égoïste et non solidaire de se désister - puisque cela signifiait que leurs collègues auraient d'autant plus de meurtres à effectuer.
Il décrit ensuite comment il a été enfermé dans une cage à l'extérieur de Sarajevo.
" Quelque chose en vous, dit-il, est changé pour toujours. On le porte avec soi. Et surtout la désespérance reste accrochée à votre corps. Cette façon que le corps a eue d'abandonner. C'était ça qui vous brisait. C'était ça qui vous détruisait."
Si par hasard j'étais née en Allemagne avant la Seconde Guerre mondiale, est-ce que, pendant l'Holocauste, je serais devenue un bourreau ou est-ce que j'aurais refusé d'y prendre part ?
" - Mais ce n est pas la même chose. En ce temps-là, c'était l''Etat qui tuait. Toi, tu parles d'aide.
- Si, c'est la même chose. Nous marchons dans des chaussures que nous savons avoir été confectionnées par des enfants que ce travail a peut-être rendus invalides. Nous buvons du café que nous savons avoir été acheté à des prix dérisoires, provoquant la famine des villageois. »
Ils ont chacun vidé leur grand verre de jus de fruit. Gunnar se penche par-dessus la table, il prend sa main douloureuse. Il la chauffe entre les siennes et dit :
" - J'espère tellement qu'un jour le monde deviendra meilleur. Mais si cela arrive, dans trente ans, nos petits-enfants nous regarderont comme ils regardent maintenant leurs grands-parents nazis nous diront: "Je ne te comprends tout simplement pas." Et nous, nous répondrons: "Mais, en ce temps-là, c'était tout à fait normal de laisser les gens mourir de faim - de laisser des villages entiers mourir de faim pour avoir du café moins cher."
« Et nos petits-enfants nous demanderont "Oui, mais vous ne le saviez pas? Si, nous le savions tous. Mais nous n'y pensions pas. C'était tout à fait normal quand on était jeunes."
Malene
Après la conversation, Malene fait le tour du salon en allumant les lampes. Quelqu'un qui ignorerait tout de la polyarthrite rhumatoïde ne verrait sans doute pas dans l'appartement les petits indices de sa maladie : un unique fauteuil réglable en métal entre les chaises en bois qui se trouvaient avant autour de la table. Des couteaux et ustensiles de cuisine spéciaux. Et, si ce sont des amis proches qui lui rendent visite, elle laisse aussi traîner les petites balles et autres instruments pour exercer la force et la souplesse des mains.
Malene
Après la conversation, Malene fait le tour du salon en allumant les lampes. Quelqu'un qui ignorerait tout de la polyarthrite rhumatoïde ne verrait sans doute pas dans l'appartement les petits indices de sa maladie : un unique fauteuil réglable en métal entre les chaises en bois qui se trouvaient avant autour de la table. Des couteaux et ustensiles de cuisine spéciaux. Et, si ce sont des amis proches qui lui rendent visite, elle laisse aussi traîner les petites balles et autres instruments pour exercer la force et la souplesse des mains.
Malène
Il peut paraître étrange d'utiliser autant de ressources pour étudier en détail le comportement d'individus allemands il y a soixante ans, alors que les génocides en Chine et en Union soviétique, ayant entraîné plus de victimes que I'Holocauste n'ont pas encore été étudiés.
Anne-Lise
« En réalité, les gens s'entre-tuent. Et même si on fait de la prévention et de l'information, il faut regarder en face le fait que cela fait partie de la nature humaine. ».
Anne-Lise