je ne résiste pas à cet hommage à Ponson du Terrail*
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Et sa voix?
Si je l'entends, je la reconnaitrai peut-être. Surtout de près. Une voix sifflante comme un serpent.
* Pour mémoire le rocambolesque Ponson écrivait "ses mains étaient aussi froides que celles d'un serpent"
C'est sans doute Satan qui tend la pomme à Eve et l'incite à braver l'interdit
Être fou et marcher dans toutes les directions vous ouvre la fenêtre la plus lumineuse sur la nature humaine. On a l’impression de regarder la ville s’écouler devant soi, comme l’eau qui cascade sous l’ouverture de la passe à poissons.
Si tu l’écris, elle deviendra réelle. Si elle n’est présente que dans notre souvenir, c’est comme si elle n’avait jamais eu lieu. Comme si ç’avait été un rêve. Ou une hallucination, imaginée par nous autres, les fous. Personne ne nous croit quand nous disons quelque chose. Mais si tu l’écris, eh bien, ça lui donnera de l’épaisseur. Ça la rendra vraisemblable.
Un des effets secondaires de mon état mental est ma dévotion absolue à l’avenir. Le passé est un ensemble confus de souvenirs dangereux et douloureux. Pourquoi voudrais-je y retourner ?
Les gens essaient toujours de revivre des temps révolus qui sont meilleurs dans leur souvenir que dans la réalité, et de raviver des émotions qui, en vérité, ont tout intérêt à appartenir au passé.
L’hôpital, c’était comme le goudron sur la route. Il vous collait aux pieds. Un poète célèbre écrivit un jour, élégant et naïf, que le foyer est l’endroit où l’on vous ramène toujours. C’est peut-être vrai pour les poètes, mais pas pour les fous. L’hôpital servait à nous maintenir hors de vue du monde sain.
La vigilance est notre seule défense contre le mal. Il faut faire tellement attention, vous savez, jour après jour, heure après heure. C’est épuisant, mais absolument nécessaire…
Obéir aux règles, devenir un membre constructif de notre petit monde, voilà des signes de bonne santé mentale. Faites le maximum pour me montrer que vous vous adaptez ici, et chaque jour qui passe vous rapprochera de votre retour chez vous.
La mémoire adoucit souvent la douleur. La mère oublie les affres de l’accouchement dès que l’on pose son bébé dans ses bras, le soldat ne se rappelle plus le calvaire de ses blessures quand le général épingle la médaille sur sa poitrine et que la fanfare entame un air martial.
L’ennui quand on est fou, c’est qu’il est très difficile de dire ce qui est vrai et ce qui ne l’est pas. Et ce n’est pas parce qu’on peut, grâce aux cachets, vivoter dans le monde avec les autres que ça y change quelque chose.