Citations sur La mosaïque de Sarance, tome 1 : Le chemin de Sarance (20)
Les orages étaient assez fréquents à Sarance, les nuits d'été, pour accréditer l'histoire bien souvent répétée selon laquelle l'Empereur Apius avait rejoint le dieu au milieu d'un monumental déchaînement d'éclairs et de tonnerre sur la Cité sainte. Pertennius d'Eubulus lui-même, quelque vingt ans plus tard, le relate ainsi, en y ajoutant la chute d'une statue de l'Empereur devant la Porte de Bronze de l'Enceinte impériale, et un chêne fendu du faîte à la racine devant les murailles extérieures. Ceux qui écrivent l'histoire préfèrent souvent le dramatique à la vérité. C'est l'une des faiblesses de la profession.
(Prologue)
Quand on ne peut ni reculer ni rester sur place, on avance, inutile de réfléchir, il suffit d’agir.
(Alire, p.245)
- Ne le touchez pas ! dit Kasia à l'officier, mais Crispin ne l'entendit pas. Elle s'interposa vivement entre la litière et le soldat.
- Je ne peux vraiment pas lui faire de mal, petite. dit le tribun de la Quatrième Légion sauradienne, en secouant la tête avec perplexité tout en la dévisageant. Il a mes couilles sur une enclume et un marteau dans la main.
La mort rôdait aujourd'hui, aucun être sain d'esprit n'aurait dû se trouver dehors. Mais la mort, déjà convoquée, l'avait attendue à coup sûr à l'auberge ; elle pourrait ou non la rencontrer dans le brouillard ; sous quelque angle qu'on regardât la situation, une chance valait mieux que rien.
Il continuait de regarder l'aurochs en face, l'acte le plus courageux qu'il eut jamais accompli de sa vie. Et ce qu'il vit dans ces yeux, sans erreur possible, ce n'était ni de la colère ni une menace, mais le deuil. A cet instant, Linon parla enfin. Il ne veut pas cette fille, dit l'oiseau dans son esprit, doucement, presque avec tendresse. Il est venu pour moi. Pose-moi par terre, Crispin. (…) C'est écrit depuis longtemps, semble-t-il. Tu n'es pas le premier en Occident à tenter d'arracher une victime à Ludan
Ce qu'elle pensait, elle-même, elle n'en était pas sûre. Parfois, tout se passe trop vite. Comment un arbre fendu en deux explique-t-il l'éclair ?
Nous ne pouvons pas même empêcher des enfants de mourir, comment oserions-nous présumer connaître la vérité du monde ?
Il y en avait déjà deux ou trois mille sur la vaste place quand il arriva au pied des hauts murs de l’Hippodrome, plongés dans l’ombre. Le simple fait de se trouver là l’excitait, dissipant les dernières traces de sommeil. Il troqua son ordinaire habit brun pour une tunique bleue hâtivement tirée de sa sacoche, la modestie étant sauve grâce à l’obscurité. Il rejoignit un groupe d’autres hommes vêtus de la même façon. Il avait fait cette concession à sa femme deux ans plus tôt après avoir été roué de coups par des partisans des Verts, pendant une saison estivale particulièrement déchaînée : il portait des habits passe-partout tant qu’il ne se trouvait pas relativement à l’abri au sein d’un groupe d’autres partisans des Bleus. Il en salua quelques-uns par leur nom, et on l’accueillit avec bonne humeur. Quelqu’un lui tendit une coupe de vin à bon marché, il en prit une gorgée et fit passer la coupe.
Il quitta la salle en martelant d’un pas ferme les mosaïques du sol ; d’une imposante carrure, il était encore vigoureux pour ses soixante ans. Les deux autres échangèrent un regard. Adrastus détourna les yeux le premier pour contempler le défunt sur son lit d’apparat, et l’oiseau serti de pierreries posé sur un rameau d’argent auprès du lit. Aucun des deux hommes ne rompit le silence.
Le jeune Léontès l’attendait dehors. Valérius lui donna des instructions détaillées, qu’il avait mémorisées quelque temps plus tôt en prévision de ce jour. Son préfet entra dans les baraquements et Valérius entendit, un peu plus tard, le bruit des Excubiteurs – ses hommes depuis dix ans – en train de se préparer. Il prit une profonde inspiration ; son cœur battait avec force, il en était conscient – il savait aussi qu’il devait dissimuler l’intensité de ses émotions. Il devait envoyer un coureur informer Pétrus, à l’extérieur de l’Enceinte impériale : Apius, Saint Empereur de Jad, n’était plus, et la partie cruciale allait commencer. Il adressa au dieu sa gratitude silencieuse : le fils de sa sœur était plus doué, et de loin, que les trois neveux d’Apius. Il vit Léontès et les Excubiteurs émerger des baraquements dans les ombres annonciatrices de l’aube.