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Citations sur Ce Nord maudit et autres nouvelles (suivi de) Journal.. (24)

— Dis-moi un peu, me demanda mon ami, est-ce que tu plais aux femmes ?
— Non, répondis-je. Je ne suis pas beau. Je m'ennuie toujours. Et puis, je ne sais pas…
— Moi, il n'y a que les moches, dit mon ami. Pour ça, je suis gâté. Je ne peux pas en voir une sans que ça me travaille, elles me font pitié. Et elles le sentent, les garces. Des jolies, je ne sais pas, mais je n'en ai jamais eu. C'est quand même curieux.
— Qu'elles aillent se faire voir, dis-je. Les jolies, ça te fait tourner en bourrique, tandis que comme ça, tu vois, on a l'esprit en repos.
— Mais c'est peut-être de ça que j'ai besoin, de tourner en bourrique ? Peut-être que c'est précisément de ça que j'ai envie, d'un truc à en crever, tu comprends ? D'y laisser ma nom de cinq cent mille diables de peau ! Hein ?
— Allons ne t'en fais pas comme ça, dis-je, calme-toi, mon vieux. Toi, au moins, tu en as des moches, moi je n'en ai pas du tout. Et tu vois, ça ne m'empêche pas d'être là à siroter mon cognac et écouter la musique.

CE NORD MAUDIT.
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Je me rappelle Moscou, nos entretiens, nos discussions sur la poésie, les tendances de l'art, sur un tel qu'on livre à la vindicte publique, tel autre qu'on refuse de publier, tout cela avec accompagnement de cognac et de célébrités à chaque pas, l'impression que de votre accord ou désaccord avec tel ou tel autre, dépend la vie spirituelle du pays, du peuple comme on aime à dire chez nous. Mais ici…
Ici, allongés non loin de moi, il y a des pêcheurs et toute la conversation tourne autour de ceci : la marée descend-elle, les pluies ont-elles ou non commencé, le vent qui souffle est-il le " vent de la côte " ou celui " de la Chélona ", le filet est-il au fond ou non. Le temps que nous laisse la pêche, on le passe à faire la soupe, réparer les filets, recoudre les seines, à vaquer aux soins du ménage et à dormir en ronflant tout son soûl.
Ce qui compte pour moi, pour eux ne compte guère. Sur les quelque un million cinq cent mille titres que nous avons publiés, ils n'en ont pas lu un seul. D'où il semble résulter que les problèmes de l'actualité la plus brûlante n'existent que pour moi seul et que ces deux pêcheurs se trouvent encore au stade primitif où l'on gagnait-son-pain-à-la-sueur-de-son-front, totalement étrangers à la moindre culture.
Mais peut-être leur vie est-elle précisément la plus saine et la plus utile, socialement parlant ? Ils se lèvent avant l'aube, vont poser leurs filets, reviennent trempés et transis, avalent leur thé et vont se coucher. Avant que la nuit tombe, ils iront à plusieurs reprises inspecter leurs installations, s'occuperont de leur ménage, le soir ils remonteront leurs filets, puis ils iront dormir avec le sentiment d'avoir bien rempli leur journée, une journée dont le fruit est indiscutable, matériel : du saumon. Qu'ont-ils besoin de livres ? Qu'ont-ils besoin de culture sur ce rivage battu par la mer ? Il y a eux et la mer, rien de plus, les autres sont restés là-bas, derrière eux, ils ne les intéressent pas, ils n'en ont que faire.

NESTOR ET KIR, II.
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Une journée, encore, s'est écoulée, la tempête commence à céder et nous nous disposons à partir pour la pêcherie. La veille au soir, nous avons dit, comme en passant, que ce serait une riche idée d'emporter un peu de vodka et, une fois la soupe de poisson frais cuite, d'arroser notre arrivée dans notre nouveau gîte.
Ce matin, je n'y pense plus. Mais pas Nestor qui, cependant, ne souffle mot, espérant que la mémoire me reviendra. L'idée de la vodka le met sans nul doute à la torture. Je fais mes bagages, lui aussi, il s'agite, quelqu'un dans la rue nous crie que le moteur tourne, nous nous dépêchons, nous sortons : c'est vrai, le moteur tourne, on l'entend même avancer. Nous nous faufilons entre les maisons jusqu'au bord de l'eau, mais ce que nous apercevons, c'est le canot postal qui emporte les boîtes plates et rondes du film qu'on a passé hier au club. Nous repartons, mais cette fois à pas mesurés, vers la halle aux poissons près de laquelle accostent chaloupes et bateaux à moteur.
Alors — nous avons déjà installé nos affaires dans la chaloupe — Nestor qui vient de repenser à la vodka, n'y tenant plus, me susurre sous le nez quelques paroles rapides destinées à me rafraîchir la mémoire. Je ne comprends pas. Alors, il les répète avec une irritation secrète, espérant un refus et le craignant à la fois.
Je lui donne de l'argent, et le vieux bonhomme, par peur de manquer le départ, détale à toutes jambes vers le magasin ; son visage rayonne de joie. Et je m'émerveille de nouveau de son avarice — car il a de l'argent, et beaucoup. Qu'elles sont humiliantes cette joie et cette course — tout cela pour boire à mon compte ! Mais au fait, gratter sur le moindre kopek, n'est-ce pas le sens de sa vie ?

NESTOR ET KIR, II.
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Je trouve que c'est bien dommage. Bien dommage qu'on n'ait pas eu l'habitude d'honorer nos ancêtres, artisans, laboureurs, bref tous les travailleurs. Parce que c'est grâce à nous que la Terre tient debout, et que tout ce qu'elle a de beau, c'est bien nous qui l'avons enfanté.

LES SOULIERS ROSES, I.
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« Dire que Maman courait comme ça autrefois ! » se dit Ilya avec amour et tristesse en se retournant. À présent, sa mère est si loin qu'on ne voit plus si elle s'est arrêtée ou si elle clopine encore.
Non, elle avance toujours, elle ne peut pas encore faire demi-tour. Les larmes lui montent aux yeux, elle les essuie du bout de son fichu. Elle n'a plus besoin de se retenir, il n'y a qu'elle dans la plaine… « Seigneur ! pense-t-elle, ils n'ont rien à en faire de la maison de leurs pères. Ça voyage, ça voyage, la Terre entière s'est mise en chemin. Quels temps on vit, au jour d'aujourd'hui !

EN ROUTE.
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Ce que j'ai pu traîner à chacun des nombreux étages de la Direction des chalutiers ! Me propulser du bureau en bureau ! Et entouré de quelles gens ! Des galonnés, des en casquette ou en simple béret, des élégants bagués, des barbus, des tondus, des tignasses coupées en frange, des vestes matelassées et des chemisettes bariolées comme ça se fait à l'étranger. J'en ai entendu des discours sur les visas, les primes, polaires ou équatoriales, quelle animation dans la file qui s'allongeait devant le service du personnel, chefs et capitaines de tout poil ! Le Canada, Terre-Neuve, l'Atlantique Nord, le Groenland, l'Afrique, l'équateur, les côtes de Norvège, voilà d'où venaient navigateurs, chefs mécaniciens, barbus, élégants, pantalonnés à la dernière mode, et où ils partiraient demain.
Et me voilà inscrit au rôle d'un équipage, je sais sur quel bateau je vais embarquer, le RT-106, je sais quand je suis convoqué à bord et ce que je dois emporter, j'erre dans Mourmansk, clair et quasi désert, mais je n'ai de cesse que je ne sois allé au port.

SUR LE BANC DE MOURMANSK.
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La vie humaine est pleine d'exploits, un mot que nos littérateurs affectionnent particulièrement. Mais, chose curieuse, je ne l'ai jamais entendu dans la bouche de ceux qui les accomplissent.
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D'accord, je ne suis pas un comte et notre arbre généalogique, comme ils disaient, je ne le connais pas, et je trouve que c'est bien dommage. Bien dommage qu'on n'ait pas eu l'habitude d'honorer nos ancêtres, artisans, laboureurs, bref tous les travailleurs. Parce que c'est grâce à nous que la Terre tient debout, et que tout ce qu'elle a de beau, c'est bien nous qui l'avons enfanté.
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Ce que ça peut être grand, et long, une existence! Ce qu'il peut vous passer des idées par la tête depuis l'enfance jusqu'à ce qu'on devienne vieux! On en fait des tours et des détours! On en voit des choses! [...]
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Dans ce temps-là, Arkhangelsk m'apparaissait comme une porte d'où partaient de grandes routes mystérieuses qui menaient Dieu sait où. Comme si c'était précisément dans cette ville que passait la ligne fatidique qui séparait tout ce qui nous était familier, éprouvé, d'un monde extraordinaire que nous autres, gens de la Russie centrale, nous ne connaissions que par les dits et les bylines. Et chaque fois que je me retrouvais à Arkhangelsk, j'éprouvais, à penser à cette multitude de routes qui s'ouvraient devant moi, une emotion secrète et puissante.
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