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Critique de Nastie92


Je retrouve dans ce livre ce que j'aime chez Maylis de Kerangal : une écriture poétique portée par de longues phrases qui vous emportent comme le ferait une vague.
Mais j'y trouve un petit quelque chose en plus : ce roman parle de Marseille, ville dans laquelle j'ai grandi, et de la Corniche Kennedy que je connais par coeur d'un bout à l'autre pour l'avoir empruntée tant de fois en voiture, en bus, à vélo ou à pied.
C'est une artère incontournable de la cité phocéenne, et si les plaques de rues indiquent très officiellement "Corniche du Président John Fitzgerald Kennedy", tous les Marseillais l'appellent tout simplement "la Corniche" parce qu'elle est unique et qu'aucune précision n'est nécessaire.
Maylis de Kerangal nous parle d'une bande d'ados qui se retrouvent sur cette Corniche, sur une plate-forme constituée d'un amalgame de grosses pierres. Ils y traînent un peu, y discutent, fument et refont le monde, mais surtout, ils plongent.
Ils plongent de différents promontoires. Il y a le trois mètres (insignifiant), le sept mètres (le "Just Do It") et le dernier que l'on n'aborde qu'avec crainte et respect : le douze mètres (le "Face To Face").
Tout le début du roman tourne autour de ces plongeoirs. Maylis de Kerangal a formidablement bien décrit le rôle qu'ils jouaient pour de ces gamins désoeuvrés, de ces laissés-pour-compte qui n'ont pas grand-chose dans leur vie.
Plonger, c'est défier le danger. C'est défier les autres et se défier soi-même. C'est ressentir des émotions énormes. La tension qui monte pendant que l'on grimpe jusqu'à l'endroit d'où l'on va décoller, les sensations fortes lors des quelques secondes que dure la chute, la libération de l'arrivée dans l'eau, la fierté que l'on ressent : je l'ai fait !
Pour toute la bande, plonger, c'est exister.
J'ai vibré pendant toutes ces pages, j'ai retenu mon souffle, j'ai frissonné avec Eddy, Mario et les autres.
J'ai adoré !
Tout est décrit avec tellement de réalisme, Maylis de Kerangal nous fait percevoir de façon tellement fine ce que ces jeunes ressentent, que je me demande si elle n'a pas essayé elle-même !
C'est bluffant, et ça m'a rappelé tellement de souvenirs !
Eh oui, j'ai sauté moi aussi à Marseille ! Pas depuis la Corniche, mais dans les calanques dans lesquelles j'allais avec mon frère et mes cousins. Seule fille, et la plus jeune de la troupe, je ne voulais pas être en reste, et je surmontais mon appréhension pour sauter comme les autres. La peur, les jambes qui flageolent, mais en même temps l'envie terrible d'y aller. L'instant où tout bascule, où on se lance. La descente qui paraît interminable. L'arrivée brutale dans l'eau et surtout, le bonheur intense qui suit.
Oui, j'ai sauté dans les calanques, je me suis élancée de dix mètres de haut ! Vous pensez que je suis Marseillaise et que j'exagère, mais non : nous avions à l'époque demandé à des personnes qui connaissaient tous les rochers du coin.
Les sauts mis à part, je n'ai rien de commun avec toute la bande : je n'étais pas désoeuvrée, mes parents étaient présents et attentifs. Mais vous comprenez pourquoi ce roman m'a fait vibrer, pourquoi il a résonné en moi si intensément, ou du moins, pourquoi une partie du roman a eu cet effet-là.
La suite de l'histoire m'a moins convaincue. Parce qu'elle ne ressemble plus à la mienne ou parce qu'elle est objectivement moins prenante ? Je ne sais pas. de toute façon, le livre est mince et bien qu'il ne soit pas le meilleur de cet auteur, se lit très rapidement.
Si vous n'avez pas peur de l'eau, venez plonger avec les "petits cons de la corniche" comme on les appelle dans le livre. Prenez une bonne goulée d'air et venez vivre leurs émotions.
Laissez Maylis de Kerangal vous emmener dans leur monde : « C'est là que ça se passe, et c'est là que nous sommes. »
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