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3,39

sur 747 notes
Un p'tit ‘Maylis' d'avertissement pour de Kerangal sinon à quoi bon opiner du chef si la Micheline est contrariée.
Il s'en est fallu de peu que je décroche. Que je butasse sur une écriture tortueuse et compliquée. Que je fisse moi-même un saut à la plage, sportive, plongeuse et bonne nageuse. Un long démarrage pour une fin abrupte. Discordances : « des baskets qui résonnent sur les rochers », on cherche le sujet, on revient en arrière... qui-dit-quoi-fait-quoi ? Une prosodie en dissonance, une rigidité et un manque d'harmonie qui s'opposent à la toute grande souveraineté du lecteur qui trépigne et s'impatiente pour finalement se caler dans un fauteuil et entrer dans la ronde ; une danse des mots dans un quadrille exigeant. Parce que la trame est bonne et vous emporte sur la ‘plate' cet espace privilégié de la corniche Kennedy pour plongeurs émérites. S'ensuit alors, à titre de prévention, une traque effrénée dont le leitmotiv transmis par les autorités se situe à : « tolérance zéro ». Un objectif risqué qui a bien failli mener à trépas toute cette flamboyante jeunesse. Monsieur le Maire veut contrer de mauvaises statistiques et donne des ordres stricts à son subalterne, le commissaire Sylvestre Opéra. Un chef d'orchestre humaniste qui connaît bien son monde et se heurte à ses propensions, un arrière-goût de sa prime jeunesse...
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Une bande de mômes frondeurs, qui sautent dans la mer à qui mieux mieux, du haut de plongeoirs naturels de plus en plus perchés auxquels ils ont donné des noms : La Plate, au ras des flots et des rochers, leur lieu de ralliement, le Just do it, haut de sept mètres, le Face to Face, de douze…

Un flic diabétique et débonnaire qui les scrute à la jumelle avec une peur mêlée d'admiration, retrouvant sa jeunesse dans leurs défis mais tout noué d'angoisse devant leur folle intrépidité…

Un maire qui proclame la tolérance zéro au nom de la sécurité, provoquant illico la surenchère des mômes. Des parents qui sortent de leur absence, de leur indifférence, de leur impuissance et qui s'en mêlent….

« Deli-délo. Epervier. Parents contre enfants. Cow boys contre indiens. Gendarmes contre plongeurs. »

Corniche Kennedy, ce sont les Jeux interdits dans leur variante chorale et marseillaise- les calanques et les barres du quartier nord désignent implicitement un lieu-

Mais quand on grandit, quand on approche de l'adolescence, les Jeux interdits deviennent souvent des Jeux dangereux, instaurant des rites de passage cruels, des rituels d'initiation où on mise tout pour entrer dans la bande…un peu comme dans la Fureur de vivre, mais en plus solaire, en plus sensuel, en plus joyeux..

Car être jeune c'est aussi embrasser pour la première fois, être ému par un corps, par une voix, par un geste. Croire à l'amitié. Rencontrer l'amour. Ces jeux-là sont aussi une parade amoureuse comme celle que se font les oiseaux pour se séduire, pour s'affronter, pour s'apparier.

L'histoire est toute simple. Elle touche parce que les personnages sont attachants – le flic malade et solitaire, Mario, le petit crâneur abandonné…- mais surtout parce qu'elle nous fait « plonger dans la langue », comme le dit si bien l'auteur. Les gosses de la corniche, après le saut, n'ont qu'un plaisir : « plonger dans la langue » comme ils ont plongé dans la mer c'est-à-dire trouver les mots qui disent le plaisir de ces sauts, exalter leur propre légende, se faire les trouvères de cette « geste » épique qui leur appartient à eux seuls, se sacrer chevaliers par la force de leur parole!

Pour moi, « Plonger dans la langue » voilà qui résume le plaisir de ce récit.

J'ai retrouvé , comme dans Réparer les vivants, la phrase longue, enveloppante, charnelle, rythmée de Maylis de Kerangal, pleine de la poésie du lieu et de celle de la mer mais ne versant jamais dans une hypertrophie élégiaque ou une préciosité baroque parce qu'elle est chaleureusement chargée, aussi, de l'argot des mômes, de leur syntaxe approximative, de leur grossièreté innocente -« putain » comme une ponctuation énergique du rythme !

Tout cela brassé ensemble, poésie et trivialité, peur et joie, anxiété et jubilation, dans une sorte de symphonie somptueuse qui vous embarque, ravi(e). Mais qui semble en avoir aussi laissé quelques-uns sur le sable…d'autres ayant mis quelques pages avant de passer la vague, comme au surf !

« Plonger dans la langue », se laisser prendre par la musique comme on se laisse emporter par une lame, charmer par un opéra fabuleux… Un opéra…tiens, comme c'est bizarre , c'est aussi le nom du flic : Sylvestre Opéra, il s'appelle.

Certainement pas un hasard..

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J'ai déjeuné récemment avec une 'vieille' copine lectrice. Je dis 'vieille' parce que même si on se voit rarement, je la connais IRL depuis trois ans et demi, quand même !
On a bien sûr parlé lecture, livres, pavés, abandon. La copine me dit : « Moi, c'est simple, je suis née en 66, alors je me donne 66 pages pour accrocher à un livre. » J'ai fait un petit calcul pour moi (ce n'est guère différent) et mes enfants. L'aîné doit persévérer sur 97 pages. Pour la 2e, née en 2001, ça pose problème. D'abord parce qu'il n'y a jamais de page numérotée « 1 » dans un roman, ensuite parce que dans le cas présent, ce 'Corniche Kennedy' est une lecture imposée pour le cours de français - donc pas le choix, tu restes !

Pourtant le style de Maylis de Kerangal est de ceux qui peuvent décourager d'emblée : des phrases longues, des descriptions interminables, des fantaisies grammaticales - difficile de rentrer dedans, j'avais peiné sur 'Tangente vers l'Est'. Cette fois encore, j'ai dû me pousser pour ne pas abandonner. Mais une fois bien concentrée, acclimatée, j'ai trouvé la plume très évocatrice : on sent la touffeur de l'été sur une corniche du sud, on se voit à côté de ces ados désoeuvrés, un peu idiots comme on l'est à cet âge, qui se lancent des défis dangereux, qui veulent du grand frisson et qui 'fuck les adultes et la police'...
L'histoire est intéressante, je me suis dit que j'aurais aimé suivre les aventures intrépides et sensuelles de cette petite bande quand j'avais quinze ans.
J'ai trouvé des accents de 'D'acier' (Silvia Avallone), 'Moderato Cantabile' (Marguerite Duras) et de 'L'amie prodigieuse' (Elena Ferrante).
Bref, je suis satisfaite de cette lecture, et contente d'avoir tenu bon.
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Façon saut de l'ange dans la grande bleue, voilà un récit vif et percutant, ramassé dans une prose toujours aussi puissante et singulière.

Mais si d'ordinaire je suis profondément sensible au style Kerangal, ici j'ai douté qu'il soit tout à fait en harmonie avec le sujet.

Pour faire bref, j'ai le sentiment d'avoir découvert une sorte de chronique sociétale et policière traitée essentiellement comme un exercice de style, sans grand approfondissement de l'intrigue ou des caractères qui plus outre (tiens ça faisait longtemps). Un accord à mon sens un peu dissonant.

De par le fait, d'admiration en légère contrariété, c'est entre deux eaux finalement que j'ai parcouru ce roman.


Lien : http://minimalyks.tumblr.com/
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Je retrouve dans ce livre ce que j'aime chez Maylis de Kerangal : une écriture poétique portée par de longues phrases qui vous emportent comme le ferait une vague.
Mais j'y trouve un petit quelque chose en plus : ce roman parle de Marseille, ville dans laquelle j'ai grandi, et de la Corniche Kennedy que je connais par coeur d'un bout à l'autre pour l'avoir empruntée tant de fois en voiture, en bus, à vélo ou à pied.
C'est une artère incontournable de la cité phocéenne, et si les plaques de rues indiquent très officiellement "Corniche du Président John Fitzgerald Kennedy", tous les Marseillais l'appellent tout simplement "la Corniche" parce qu'elle est unique et qu'aucune précision n'est nécessaire.
Maylis de Kerangal nous parle d'une bande d'ados qui se retrouvent sur cette Corniche, sur une plate-forme constituée d'un amalgame de grosses pierres. Ils y traînent un peu, y discutent, fument et refont le monde, mais surtout, ils plongent.
Ils plongent de différents promontoires. Il y a le trois mètres (insignifiant), le sept mètres (le "Just Do It") et le dernier que l'on n'aborde qu'avec crainte et respect : le douze mètres (le "Face To Face").
Tout le début du roman tourne autour de ces plongeoirs. Maylis de Kerangal a formidablement bien décrit le rôle qu'ils jouaient pour de ces gamins désoeuvrés, de ces laissés-pour-compte qui n'ont pas grand-chose dans leur vie.
Plonger, c'est défier le danger. C'est défier les autres et se défier soi-même. C'est ressentir des émotions énormes. La tension qui monte pendant que l'on grimpe jusqu'à l'endroit d'où l'on va décoller, les sensations fortes lors des quelques secondes que dure la chute, la libération de l'arrivée dans l'eau, la fierté que l'on ressent : je l'ai fait !
Pour toute la bande, plonger, c'est exister.
J'ai vibré pendant toutes ces pages, j'ai retenu mon souffle, j'ai frissonné avec Eddy, Mario et les autres.
J'ai adoré !
Tout est décrit avec tellement de réalisme, Maylis de Kerangal nous fait percevoir de façon tellement fine ce que ces jeunes ressentent, que je me demande si elle n'a pas essayé elle-même !
C'est bluffant, et ça m'a rappelé tellement de souvenirs !
Eh oui, j'ai sauté moi aussi à Marseille ! Pas depuis la Corniche, mais dans les calanques dans lesquelles j'allais avec mon frère et mes cousins. Seule fille, et la plus jeune de la troupe, je ne voulais pas être en reste, et je surmontais mon appréhension pour sauter comme les autres. La peur, les jambes qui flageolent, mais en même temps l'envie terrible d'y aller. L'instant où tout bascule, où on se lance. La descente qui paraît interminable. L'arrivée brutale dans l'eau et surtout, le bonheur intense qui suit.
Oui, j'ai sauté dans les calanques, je me suis élancée de dix mètres de haut ! Vous pensez que je suis Marseillaise et que j'exagère, mais non : nous avions à l'époque demandé à des personnes qui connaissaient tous les rochers du coin.
Les sauts mis à part, je n'ai rien de commun avec toute la bande : je n'étais pas désoeuvrée, mes parents étaient présents et attentifs. Mais vous comprenez pourquoi ce roman m'a fait vibrer, pourquoi il a résonné en moi si intensément, ou du moins, pourquoi une partie du roman a eu cet effet-là.
La suite de l'histoire m'a moins convaincue. Parce qu'elle ne ressemble plus à la mienne ou parce qu'elle est objectivement moins prenante ? Je ne sais pas. de toute façon, le livre est mince et bien qu'il ne soit pas le meilleur de cet auteur, se lit très rapidement.
Si vous n'avez pas peur de l'eau, venez plonger avec les "petits cons de la corniche" comme on les appelle dans le livre. Prenez une bonne goulée d'air et venez vivre leurs émotions.
Laissez Maylis de Kerangal vous emmener dans leur monde : « C'est là que ça se passe, et c'est là que nous sommes. »
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Je raffole de plus en plus de la prose de Maylis de Kerangal. Après avoir lu Naissance d'un Pont, Tangente vers l'Est, l'excellent Réparer les Vivants, je me suis plongé dans son antépénultième: "Corniche Kennedy". Et là, surprise: la constance de la qualité de la plume n'a pas varié, ce qui fait d'elle une des meilleures auteures contemporaines. Comme toujours, l'observation d'un fait anodin, bref et sobre, donne un livre aux phrases déferlantes, immenses, puissantes, impromptues, musicales parfois. Et ces jeunes qui plongent d'une corniche marseillaise, et ce vieux flic repu, et ce Maire-caïd vont être les protagonistes d'un roman fleuve, tout aussi réussi que toutes ses autres oeuvres! Chapeau, Madame!
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Après avoir lu tant d'éloges, il me fallait faire et connaissance et ma propre idée sur Maylis de Kerangal. C'est donc sur Corniche Kennedy que mon choix s'est arrêté et que le rendez-vous fut pris....

Un rendez-vous qui fut remis à plusieurs reprises, mais quand icelui eut enfin lieu, conquise je fus immédiatement par la qualité de l'écriture de la dame, à la fois travaillée, riche sans pour autant être ampoulée et vaniteuse.

L'espace d'un été Maylis de Kerangal se penche sur ces petits cons de la corniche. Ces petits cons désoeuvrés, rejetés, délaissés et même pour certains livrés à eux-mêmes. Ces petits cons "Je m'enfoutiste" que l'ennui et la solitude poussent à braver les risques, cette montée d'adrénaline qui leur donne ce sentiment de puissance, d'immortalité. de la baie vitrée de son bureau, l'inspecteur Sylvestre Opéra, ce flic cassé, tente de les décrypter tout en les surveillant tel l'ange gardien.

Une histoire qui prend au coeur, aux tripes, une histoire " électrochoquante", qui me fait mal à ma jeunesse.......
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Corniche Kennedy, un long métrage plein de vitalité et de soleil puisqu'il est question d'adolescents intrépides de Marseille, sort le 18 janvier et signe le retour au premier plan de la cinéaste Dominique Cabrera.

Pour ce retour en force, elle s'est appuyé sur un roman de Maylis de Kerangal, une auteur qui a particulièrement le vent en poupe ces derniers temps au cinéma, puisque le film sort quelques semaines seulement après la belle adaptation de Katel Quillévéré de Réparer les vivants, et alors même que Julie Gavras prépare un film inspiré de son "Naissance d'un pont".

Il faut dire que l'écriture de de Kerangal est particulièrement cinématographique : sa plume, où la ponctuation ne se pose pas souvent, et où le souffle est souvent en lévitation, impose un tempo très vif, qui privilégie sans cesse le mouvement, ainsi que la si juste description des lieux, imposent une palette visuelle pleinement adaptable au grand écran. Maylis de Kerangal possède de fait une écriture en cinémascope que le cinéma ne pouvait ignorer, et une sensibilité féminine que les cinéastes femmes ne peuvent que comprendre.

C'est notamment le cas de Dominique Cabrera, qui parvient parfaitement à donner corps à la fameuse corniche Kennedy qui donne son titre au film et au livre - (même si aucune corniche de Marseille ne possède ce nom là; la cinéaste a réussi après pas mal de travail de repérages, à trouver un lieu qui ressemble beaucoup à celui du roman), ainsi qu'à ces jeunes qui fréquentent cet endroit et qui sautent de très haut dans la Méditerannée, en bravant la mort et en prenant des risques insensés pour ce sentir en vie.

On y voit bien à quel point ces jeunes plongent à la fois pour passer l'ennui et un peu aussi pour provoquer une société- police, municipalités- qui ne les reconnaît pas et qui n'a rien à leur proposer pour sortir d'une précarité qu'ils oublient au moment de piquer la tête vers la mer.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Marseille. Les calanques, et surtout « la Plate », jeu de prédilection de jeunes en pertes de repères, venant de tous milieux.

Leur défi : provoquer les autorités et sauter de ce bout de rocher, la « Corniche Kennedy » à une hauteur vertigineuse.

En face d'eux : un vieux briscard de flic, Orchestre Opera, qui ne pense qu'à une chose : retrouver Tania. Et envier ces jeunes qui veulent se sentir libre. Mais il y a le Jockey qui veut ABSOLUMENT que tout cela cesse, que les jeunes rentrent gentiment chez eux.

Mais c'est sans compter sur l'imagination des jeunes qui nargueront le Jockey jusqu'au bout.

Au bout de quoi ? Pour le savoir, plongez-vous dans ce roman.

Un roman qui vous tient en haleine, sans temps mort, des bouts de phrases, courtes parfois, tellement concises et précises, qui vous laissent sans répit.
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Je me souviens d'un rite initiatique: sauter dans l'eau profonde à partir d'une falaise. Même si le mot falaise me paraît un rien présomptueux. Cependant ce n'était pas un jeu d'adolescents anodin. le spot était dangereux car la présence de rochers demandait de la précision. Il était un lieu de rendez-vous pour ceux qui voulaient des sensations fortes.

J'ai lu ce livre il y a quelques mois, et j'y ai retrouvé ce que j'avais éprouvé. Se confronter à ses limites est bien envisagé par l'auteur mais la pseudo histoire policière m'a semblé artificielle. Rien à dire sur le style mais J'ai été un peu déçu par celle qui a écrit "Réparer les vivants".
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