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Citations sur Hitler : Essai sur le charisme en politique (6)

(p.27)
On peut trouver une autre clé pour comprendre l'extension progressive du pouvoir de Hitler dans le concept de "domination charismatique". Également emprunté, avec quelques modifications, à Max Weber, ce concept, tel qu'il sera déployé dans les chapitre qui suivent, utilise le terme de "charisme" dans un sens technique bien précis, qui n'est pas exactement celui qu'on lui donne quand on l'applique, par exemple en démocratie, à des hommes politiques ou à d'autres figures publiques dotés d'une personnalité à la fois marquante et attractive. À la différence de la domination fondée sur 'l"autorité traditionnelle" des souverains héréditaires ou sur la bureaucratie impersonnelle de l'"autorité légale" qui caractérise la plupart des systèmes politiques modernes, l'"autorité charismatique" repose sur l'héroïsme et la grandeur qu'un groupe d'adeptes attribue à un "chef" proclamé qui s'estime investi d'une "mission". Contrairement aux deux premières formes de domination, la "domination charismatique" est par nature instable. Surgissant généralement dans des périodes de crise, elle est condamnée à s'effondrer pour deux raisons principales : lorsqu'elle échoue à) répondre aux attentes placées en elle, ou bien lorsqu'elle en "routinise" dans un système incapable de se perpétuer autrement qu'en perdant ou en subordonnant son essence "charismatique".
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Suivit en mars [1935] l'annonce du rétablissement du service militaire obligatoire et de la constitution d'une nouvelle armée allemande – autre violation flagrante du traité de Versailles. De nouveau, Hitler paria avec justesse sur la faiblesse des Alliés occidentaux – plus particulièrement sur les hésitations de la Grande-Bretagne – et se révéla sans rival au jeu de la propagande. Utilisant comme prétextes l'annonce des Britanniques d'une augmentation de leurs dépenses militaires (faite en réponse au réarmement allemand qu'il devenait impossible de camoufler) et le dépôt, peu de temps après, par le gouvernement français d'un projet de loi prolongeant la durée du service militaire, Hitler, après avoir révéler l'existence d'une armée de l'air allemande, annonça la réintroduction de la conscription universelle et la préparation d'une loi portant « création de la Wehrmacht » - une armée forte en temps de paix de 550 000 hommes (soit trente-six divisions comme le réclamait le commandement militaire). Tout cela bafouait le traité de Versailles, mais Hitler gagna son pari : mis à part une note de protestation, les Britanniques se contentèrent d'exiger que la visite de leur secrétaire d’État au Foreign Office, que Hitler avait brusquement annulé quelques jours plus tôt, fut maintenue. L'attitude conciliante de la délégation britannique dans les discussions qui suivirent montra, une fois de plus, non seulement à Hitler, mais aussi aux généraux et diplomates allemands, que la politique des « faits accomplis », aussi risquée fut-elle, permettait d'engranger davantage de dividendes que de prudentes négociations. Commentant la réceptivité des Anglais à la demande de Hitler d'une exacte parité, Paul Schmidt, son interprète, rapporterait : « Si, deux ans plus tôt, les représentants allemands avaient formulé de telles exigences, le ciel se serait écroulé. »
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(p. 164-165)

Jusqu'en 1941, l'exaltation du pouvoir de Hitler - et de sa propre glorification - s'accompagne d'une accumulation de succès à couper le souffle. A cheval sur le monde, le mépris pour la chétive opposition ne connaissait pas de bornes. Toutefois, les conquêtes ne pouvaient assurer la victoire finale. Et avec l'échec de la Blitzkrieg en Union soviétique puis l'entrée en guerre des États-Unis, la mince ligne qui sépare la victoire d'une défaite inéluctable fut franchie, le pari mégalomane d'une domination mondiale perdu. Après 1941, Hitler n'allait rencontrer que malheur et adversité. D'humeur instable, il passait d'un extrême à l'autre : tantôt il faisait montre d'un optimisme inébranlable et de plus en plus chimérique, assuré que sa volonté finirait par triompher, que la "Providence" ne pouvait l'abandonner, tantôt il succombait à des accès de dépression et de résignation devant son impuissance à remporter la victoire ou à se soustraire à la défaite, épanchant sa fureur de tous côtés pour ne s'arrêter qu'au seuil de l'autocritique.

...

Au cours du second hiver de la campagne de Russie, l'état de santé de Hitler commença à souffrir de l'implacable pression de la guerre. A partir de 1943, il fut à bien des égards un homme malade - même très malade comme en automne 1944 et, de nouveau, en avril 1945.

Tout indique que Hitler fut soumis à une extrême tension nerveuse vers la fin 1942 et le début 1943, durant les mois qui suivirent l'âpre conflit avec ses généraux sur la conduite de l'offensive dans le Caucase et la catastrophe de Stalingrad. La plupart du temps, il changeait seul et quittait le moins possible son quartier général. Il souffrait d'insomnies. Ses courtes promenades avec son chien constituaient ses seuls moments de détente. Il ne voulait même plus écouter la musique de Wagner. Il était plongé dans une profonde dépression qui ne trouvait d'exutoire que dans de violents accès de fureur incontrôlables, surtout dirigés contre les généraux, ses boucs émissaires.
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Laissant, par la force des choses, le champ libre aux ambitions les plus effrénées, le style de direction de Hitler favorisait l'adoption désordonnée de politiques égoïstes, opportunistes et prédatrices. Toutefois, pour pouvoir prendre corps, celles-ci devaient obligatoirement correspondre, d'une façon ou d'une autre, aux objectifs présumés du Führer. Formaient la cohorte des « étoiles montantes » du régime ceux qui parvenaient le mieux à « déchiffrer » ses intentions, choisissaient le moment opportun pour « aller au-devant de ses désirs » et savaient se montrer d'une brutalité impitoyable pour s'imposer dans les domaines qui lui tenaient le plus à cœur.
La décomposition du gouvernement collégial entraîna donc une prolifération de nouveaux centres de pouvoir en perpétuelle rivalité, dont la seule légitimité était d'être des instruments de « la volonté du Führer ». Mettant en jeu des rapports de force fondés sur des liens personnels de fidélité que venaient récompenser l'octroi de fiefs et de prébendes, le régime nazi, comme on l'a très justement fait remarquer, s'apparentait à un système néo-féodal.
[…]
A la fin de 1938, Hitler ne s'était pas encore totalement détaché de l'appareil traditionnel de gouvernement et d'administration. Toutefois, le processus qui, pendant la guerre, conduirait à l'éclatement du gouvernement en une jungle de pouvoirs concurrents était déjà bien avancé. Face à l’affaiblissement progressif de « l'état » et à la légitimation de toute action par « la volonté du Führer », le champ des considérations froides et « rationnelles » susceptibles de freiner les initiatives « dangereuses » et de contenir les pulsions les plus radicales du régime ne cessaient de se rétrécir. Simultanément, les forces dépourvues de coordination mais dynamiques qui, de multiples façons,  « servaient le Führer » et concouraient à la mise en œuvre de ses buts idéologiques prenaient de la vitesse. Et de ce fait, sans qu'il y eût besoin de directives précises venues du centre, le grand « dessein » de Hitler, aussi vague fût-il, revêtait peu à peu la forme d'objectifs concrets et réalisables.
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(p. 63-64)

Comme nous l'avons vu, même aux plus hauts échelons du parti, la principale vertu de l'"idée" résidait justement dans on caractère vague - dans l'adhésion fanatique à une lointaine utopie, plutôt qu'à des points précis d'une plate-forme politique. Hitler était particulièrement habile à faire surgir chez ses auditeurs - pour peu qu'ils fussent ouverts à ce type de message - la vision grandiose d'une nation allemande renaissant de ses cendres. Il parvenait à convaincre des millions d'hommes et de femmes que lui seul, avec le soutien du parti, pouvait mettre un terme aux malheurs de l'Allemagne et lui faire retrouver le chemin de la grandeur. Cette vision héroïque de l'avenir renfermait la promesse d'immenses bienfaits pour tous - à condition qu'ils appartinssent à la "race supérieure" -, alors que les ennemis du peuple, ceux qui le maintenaient dans la sujétion, seraient non seulement bannis, mais anéantis à tout jamais.

Pour séduire les foules, il suffisait de broder sur ce double thème de la régénération du pays et de l'élimination des ennemis de la nation. Aux yeux des militants du début des années 1930, les "ennemis de la nation" étaient en premier lieu les marxistes. Bien que dans la vision du monde, "Juifs" et "marxistes" fussent synonymes, Hitler, jusqu'à la conquête du pouvoir, privilégia en publique les dénonciations du marxisme. Durant toute cette période, les membres du parti, et a fortiori les électeurs occasionnels, étaient d'abord et avant tout des antimarxistes - même si, bien entendu, leur antimarxisme pouvait coexister avec un antisémitisme virulent ou l'englober.
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(p. 33-34)
Il avait un mode de vie routinier, mais en même temps empreint de bizarreries. Il détestait sortir de ses habitudes, ne fumait pas, ne buvait ni alcool ni café et, au début des années 1930, devint végétarien. Maniaque de la propreté, il se lavait anormalement souvent. Il dormait peu, lisait avec grande avidité tout ce qui lui tombait sous la main et possédait une étonnante mémoire des données factuelles. Ayant des vues arrêtées sur un large éventail de sujets, il avait tendance à monopoliser la conversation. Outre un vif intérêt pour la médecine et la biologie, il se considérait comme particulièrement expert dans le domaine de l'art, de l'histoire et de l'architecture. Autodidacte, il méprisait les "intellectuels" qui avaient acquis leur savoir sur les bancs de l'université. Bien que ses connaissances fussent éclectiques, mal digérées et dogmatiques, il ne fait pas de doute qu'il était intelligent et vif d'esprit.

Lui qui était distant et inaccessible, même envers ses proches pouvait s'attacher à des petits détails, comme le choix de cadeaux à offrir à ses secrétaires pour leur anniversaire. Aimant la compagnie des femmes, il se montrait toujours galant et affable avec elles, surtout si elles étaient belles. Doté d'un humour tranchant et d'un talent d'imitateur, il savait faire rire son entourage. Enfin, il était d'une grande fidélité envers ses camarades de la première heure qui avaient partagé ses épreuves.

S'ils ne s'étaient accompagnés d'une conception du monde et de dons oratoires capables de subjuguer les masses, ces traits de caractère n'auraient pas suffi à le distinguer et à attirer l'attention sur lui. En tant que personne, et abstraction faite de sa philosophie politique, Hitler était effectivement un médiocre. Mais son credo politique et la conviction avec laquelle il savait l'exprimer lui donnèrent un dynamisme hors du commun.
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