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Citations sur Les Vertueux (309)

Ainsi va la vie. Tantôt rivière chantante, tantôt crue déchaînée, elle charrie ses mortels au même titre que le limon, les arbres que l'on croyait indétrônables ou le cadavre d'une bête qui se serait noyée. Elle n'a pas d'états d'âme, la vie ; Elle n'est coupable de rien. Elle coule dans le lit du temps sans s'attarder sur le gâchis qu'elle engendre ni sur les belles plaines qu'elle irrigue.
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Je lisse ma barbe, m'adosse au mur, ferme les yeux comme on pose le couvercle sur le puits des secrets et pense uniquement à ceux que je chéris, aux matins qui éclosent comme des fleurs emperlées de rosée, à la brise furetant dans le tamaris et aux soirs étoilés, aux enfants qui gambadent sur la dune, ivres d'insouciance et d'énergie, à la théière garnie de menthe fraîche en train de tintinnabuler au pied du palmier, aux sourires sur les visages placides et aux mains tendues. Rien n'est plus sain que se sentir en harmonie avec les éléments et rien n'est plus précieux que les petits bonheurs ordinaires l'on partage avec les proches et les amis.
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La traversée fut terrible.
Nous pataugions dans nos vomis.
Le navire qui nous emmenait en France menaçait de se disloquer au milieu d'une mer déchaînée qui ne décolérait pas depuis deux jours et deux nuits. De monstrueuses trombes d'eau giclaient par-dessus bord, effervescentes d'écume, s'abattaient avec fracas sur le bastingage. On n'arrivait pas à mettre un pied devant l'autre sans qu'une violente secousse nous catapulte à travers les coursives. Nous avions des bleus sur le corps et les boyaux enchevêtrés. Ce qu'on ne rendait pas par le haut, on l'évacuait par le bas – les chiottes en débordaient. C'était l'enfer à huis clos. Beaucoup d'entre nous ne mangeaient plus ; recroquevillés en chien de fusil, la lie de leurs entrailles sur le fourbi, ils râlaient en psalmodiant, persuadés qu'ils étaient en train de vivre leurs dernières heures. Personne, autour de moi, n'avait vu le ciel si bas et autant de foudres fulminer en même temps dans le grondement assourdissant du tonnerre. Lorsque l'éclair illuminait nos abris, nous nous révélions à nous-mêmes avec horreur : nous ressemblions à des revenants, avec nos faces exsangues et nos yeux pâles d'effroi.
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Quant à la lumière du jour, elle s'éteignait d'elle-même avant d'atteindre le haut des taudis. Sous les toits, c'était la nuit – nuit à midi, nuit dans le regard hagard des somnambules rasant les murs, nuit dans la bouche aride des mendiants, nuit jusque dans le rire des enfants qui jouaient pieds nus dans des rigoles pestilentielles.
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Des décennies ont passé. Je n'ai pas réussi à oublier ce jour-là. Ce ne fut pas seulement mon baptême de sang, ce fut ma vraie naissance au monde moderne – le monde vrai, cruel, fauve et impitoyable où la barbarie disposait de sa propre industrie de la mort et de la souffrance. C'était donc cela le monde civilisé, le monde du progrès, des laboratoires savants et des grandes découvertes. Je ne soupçonnais pas le progrès d'être aussi destructeur. Avant, j'existais et c'était tout. Une herbe folle parmi les ronces. J'avais une famille, un chien, une jument, un gourbi, et mon territoire s'arrêtait là où portait ma fronde. Très jeune, on m'avait certifié que chacun naissait doté d'un parchemin dûment établi, avec des gîtes d'étape précis, des raccourcis et un point de chute dont on ne se relèverait pas. Nous étions persuadés, dans notre douar, que lorsqu'on éclôt sous la mauvaise étoile, on s'évertue à apprivoiser le pire. Hélas, nous étions loin de la vérité. Le pire ne s'apprivoise pas. Et il n'y a rien de pire que la guerre. Rien n'est tout à fait fini avec la guerre, rien n'est vaincu, rien n'est conjuré ou vengé, rien n'est vraiment sauvé. Lorsque les canons se tairont et que sur les charniers repousseront les prés, la guerre sera toujours là, dans la tête, dans la chair, dans l'air du temps faussement apaisé, collée à la peau, meurtrissant les mémoires, noyautant chacune de nos pensées, entière, pleine, totale, aussi indécrottable qu'une seconde nature. Pour moi, elle aura l'écho du tout premier obus tombé sur nos lignes de front et l'hébétude de mon tout premier mort empalé sur ma baionnette – un garçon si beau et si jeune, qui aurait mérité de vivre cent ans si l'horreur ne s'était pas substituée à jamais au bleu de ses yeux.
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Encore une chose qu'il faut que tu saches : l'existence est une belle vacherie. Chacun y a droit à son lot de soucis. Le pauvre parce qu'il manque de tout, le riche parce qu'aucune fortune ne lui suffit.
(p. 219)
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Encore une chose qu'il faut que tu saches : l'existence est une belle vacherie. Chacun y a droit à son lot de soucis. Le pauvre parce qu'il manque de tout, le riche parce que aucune fortune ne lui suffit.
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On peut faire le deuil de ses morts, mais pas celui des absents. De tous les mortels, ce sont les disparus qui vivent le plus longtemps. Mais comment entretenir leur souvenir dans ce passé où il faudrait écarter mille masques pour entrevoir un visage familier, où les sourires ressemblent à mes blessures, où les rires sont chahutés par mes propres cris ? À l’usure, on finit par se faire une raison. On se recroqueville autour de sa douleur et on fait corps avec. Au fur et à mesure que les années passent, la résignation nous devient un précieux animal de compagnie. Dans les moments de grande solitude, elle nous tient la main tandis que tant de choses nous échappent, et on s’accroche parce que, quelque part au fond de soi, malgré l’incongruité de notre entêtement, on se surprend à se dire qu’un miracle est toujours possible.
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La voiture filait sur la piste carrossable, bercée par son ronronnement. La neige de la veille fondait déjà, telle une faveur éphémère. De part et d'autre, les collines ressemblaient aux collines, les vergers aux vergers, les arbres aux arbres ; je retrouvais le monde tel qu'il a été conçu, vrai, limpide, concret. C'était cela, la liberté : un paysage qui défile et qui dit tout en silence. Simplement. Quel sens donner à la liberté, sinon celui de la simplicité ? Décider de s'asseoir au pied d'un arbre et s'asseoir au pied de l'arbre sans que personne vous l'interdise, c'est cela la liberté. Vivre de petites choses acquises à la sueur de son front et s'en réjouir, c'est cela la liberté. Aller où porte le vent et en revenir à sa guise, c'est cela la liberté. Prendre conscience de la fugacité de l'existence et en faire un précieux objet, c'est cela la liberté. Remercier chaque instant de grâce et œuvrer pour le mériter, c'est cela la liberté.
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Quand on manque d'arguments, on table sur les menaces.
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