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sur 1315 notes
°°° Rentrée littéraire 2022 #6 °°°

Coup de coeur pour ce grand roman porté par un souffle romanesque qui s'impose comme une évidence, emportant le lecteur dans une épopée où l'amour, l'amitié, la solidarité sont des boussoles vers la lumière dans le monde violent et injuste de l'Algérie coloniale.

On y suit les tribulations initiatiques d'un Candide algérien, Yacine Cheraga, à peine vingt ans, miséreux au coeur pur. Il part faire la Première guerre mondiale sous un autre identité, celle du fils du caïd local, contre une promesse de fortune, lui qui n'avait jamais quitté son douar et sa famille aimante. A son retour en Algérie, rien ne se passera comme prévu et s'ensuivra un parcours de naufragé, une odyssée gigantesquement romanesque qui mettra à l'épreuve la vertu et la moralité de Yacine dans une Algérie rude et âpre rarement décrites ainsi.

La narration à la première personne de Yacine est d'une limpidité superbe. le scénario lisible, classiquement chronologique de 1914 à 1925, fait se croiser et recroiser dans l'après-guerre les personnages qui se rencontrent dans le 7ème RTA ( régiment des tirailleurs algériens, les « turcos »que l'on suit dans les tranchées de Verdun ou de Louvemont ). Les quelques chapitres sur l'enfer des tranchées égalent la puissance évocatrice d'un Dorgelès ou d'un Genevoix, et constituent le coeur du récit à partir duquel l'auteur tisse des ramifications, des retrouvailles, des digressions picaresques qui jalonnent la poursuite du destin tragique de Yacine. C'est en refermant le livre que l'on se rend compte de la virtuosité de la construction et du dispositif romanesque.

Son écriture, élégante et enveloppante, ne semble être là que pour magnifier les émotions qui étreignent le lecteur et l'élan empathique qui s'empare irréversiblement de lui. Ce qui sauve Yacine lâché dans cette arène des fauves, c'est son entêtement à poursuivre les fantômes des absents sans jamais lâcher une ligne de conduite faite de droiture, honnêteté et vaillance, résistant au pessimisme ambiant.

Les personnages secondaires, tous extraordinairement caractérisés, complexes, sont autant de bornes initiatiques, obstacles à dépasser ou guides pour avancer. Difficile d'oublier le meilleur ami Sid, hédoniste consumé voulant rentabiliser le miracle d'avoir survécu aux tranchées; Zorg Er-Rouge, l'ancien Turco plein de colère et ressentiment qui lance la guerre aux pieds-noirs, terriblement complexe; et sa cousine Abla, inoubliable amazone fidèle à sa famille le couteau entre les dents.

Ce sont les figures d'Algériens qui dominent le récit, ce qui offre à Yasmina Khadra la possibilité d'autant mieux explorer la complexité de la nature humaine : comme toutes les sociétés humaines, la société algérienne est fracturée par des lignes de tension très fortes, entre soumis ou profiteurs de la colonisation et rebelles annonçant le FLN et la guerre d'Algérie; entre riches et miséreux. Les Français sont finalement assez absents. Ils sont évidemment présents dans les passages sur la Première guerre mondiale comme officiers encadrant les soldats indigènes, soulignant l'injustice et le mépris avec laquelle ces derniers ont été traités. Même chose lors du passage au bagne de Biribi. Oui, l'histoire ne retient que les héros qui l'arrange. Mais au final, Yasmina Khadra raconte une histoire algérienne, entre Algériens, dans un contexte colonial certes, ce qui lui permet d'éviter la leçon de morale, quelque légitime elle soit, ni de réclamer repentance de façon facile et attendue.

Dans le parcours très sombre de Yacine, la lumière nait de la solidarité entre hommes, soldats ou pas, indigènes ou pas, français et algériens. Jusqu'à une fin bouleversante qui m'a embué les yeux, résonnant d'une générosité et d'une sagesse à la Camus que j'ai trouvée très belle. La portée du récit est ainsi immédiatement universelle. A l'heure où certains en Algérie lui reproche d'écrire en français et de « collaborer », à l'heure la colère et la rancoeur à l'égard de la France sont encore vives, le message est d'autant plus fort. La haine ne fait définitivement pas partie des fibres sensibles de Yasmina Khadra.

Il y a tout dans ce sublime roman : de la violence, de la douleur, aussi de l'amitié, de l'amour, du pardon et surtout de l'espoir. Une leçon de vie magnifique qui conduit vers la sagesse un Yacine au bout de sa rocambolesque épopée, en paix avec lui-même, ses fantômes et ses absents. On se sent voyager loin, géographiquement et émotionnellement, on se sent humain tout simplement lorsqu'on referme le livre.

Lu dans le cadre du jury Prix du roman FNAC 2022
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Cela fait un moment que bon nombre de les amis lecteurs me conseille de lire Yasmina Khadra. Alors quand j'ai eu l'opportunité de le choisir en masse critique je n'ai pas hésité.

Je me demande juste pourquoi je n'ai pas cet auteur avant. Sa plume est poétique, prenante, et tellement juste.

J'ai adoré ce roman. J'ai vibré en suivant les aventures de Yacine.
J'ai trouvé ce roman plein de justesse, avec quelques longueurs parfois, J'ai trouvé le scénario très prenant. Les sujets multiples, mais l'amour l'amitié et les relations entre frères d'arme très juste une fois encore.

Les personnages sont extrêmement bien travaillés, gentils comme méchants. L'être humain prend toute ses dimensions dans ce roman.

Une première découverte pour moi, mais très agréable,et je vais bien évidemment continuer la découverte de cet auteur très talentueux.

Je remercie Babelio et les éditions Mialet Barrault pour cette incroyable découverte. Je n'étais pas loin du coup de coeur.
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Lorsque Babaï vient le chercher dans son humble gourbi, Yacine n'a d'autre choix que de suivre l'inquiétant homme de main du caïd. S'il imagine de multiples hypothèses pour expliquer cette convocation soudaine, il ne s'attend pas du tout à ce que l'on propose, à ce qu'on lui impose plutôt, car le choix n'est pas vraiment de mise. Yacine se retrouve ainsi tirailleur dans les tranchées de Verdun, pour remplacer le fils du caïd, réformé. Avec à la clé l'espoir du bonheur pour sa famille lors de son retour.

Trois ans plus tard, les promesses ne sont pas tenues. Sa famille a disparu et sa vie est menacée. Commence pour Yacine un périple éperdu à la recherche des siens.

Voyage au coeur de l'Algérie du début du vingtième siècle, juste avant que ne s'amorce une hostilité générale pour les colons, avec une incursion en France alors que la guerre de 14-18 fait rage. le ton évoque la légende ou le conte des mille et une nuit, d'autant que le héros est constant dans sa probité et sa pureté qui confine parfois à la naïveté. On fréquente les humbles, les démunis, avec quelques figures qui tentent de se sortir de leur condition de miséreux. Pour Yacine, après une période un peu plus faste, le destin le conduira au bagne !

C'est aussi l'occasion, mais loin d'être unique en littérature de partager l'horreur de la guerre et la honte pour un pays d'envoyer en première ligne des recrues qui ne sont rien d'autre que de la chair à canon. Malgré tout, c'est dans cet enfer que se lient de profondes amitiés, qui sauront le jour venu inverser les tendances du destin.


Roman assez classique mais très agréable à lire. On ne peut éprouver qu'une empathie sincère pour le personnage de Yacine balloté au gré de pouvoirs qui le dépassent.

541 pages Mialet Barreau 24 Août 2022
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Désigné par le tout-puissant caïd de son douar algérien pour partir à la guerre en France en se faisant passer pour son fils, le jeune berger Yacine se retrouve dans l'enfer des tranchées de la première guerre mondiale avec, en échange, la promesse d'une ferme qui tirerait ses parents de la misère. Lorsqu'après quatre ans à côtoyer l'horreur et la mort, il rentre enfin, irrémédiablement hanté mais persuadé d'être accueilli en héros, rien ne se passe pourtant comme il l'escomptait. Car, pour le despote pressé d'effacer toute trace de la supercherie qui a valorisé son fils à bon compte, Yacine doit disparaître…


Lui qui espérait sortir de l'asservissement féodal au prix de quelques années à servir de chair à canon, réalise alors qu'on ne trompe pas si facilement son destin. Dépouillé de sa vie d'antan, volé de son passé de soldat, il n'a plus guère que l'indéfectible solidarité de ses anciens compagnons d'armes, et surtout, son immarcescible droiture d'âme, pour s'empêcher de sombrer et pour trouver la force d'aller de l'avant, alors que les épreuves et les injustices sont bien loin d'en avoir fini avec lui. Un souffle épique emporte le récit dans une cascade de péripéties toutes plus terribles les unes que les autres, la vie de Yacine ne semblant jamais devoir cesser de rebondir de Charybde en Scylla, emportée comme un fétu de paille dans les redoutables remous d'un irrépressible torrent.


Pourtant, si désespérant et si violent le monde, Yacine ne perd pas pied, fondant sa résilience sur cette sagesse instinctive qui le fait se plier aux caprices du mektoub, tout en restant droit dans ses bottes, fidèle à lui-même, à ses valeurs humaines et à ses attaches affectives. « La vie est une traversée et tu es un simple pèlerin. le passé est ton bagage. le futur, ta destination. le présent, c'est toi. Si ton bagage t'encombre, dépose-le à la consigne. Si ta destination est hasardeuse, sache qu'elle l'est pour tout le monde. Vis à fond l'instant présent, car rien n'est aussi concrètement acquis que cette réalité manifeste que tu portes en toi. » Au soir de sa vie, loin de se perdre en regrets, aigreurs ou lamentations, il sera de ceux qui se seront attachés à cultiver l'amour et le bonheur jusqu'au plus creux de l'adversité, faisant avec l'inéluctable pour mieux profiter des moindres éclaircies concédées par la vie.


Il aura fallu trois ans à Yasmina Khadra pour peaufiner cette apothéose de son oeuvre : une fresque puissante et tumultueuse, aux nombreuses scènes d'anthologie, pour célébrer ces âmes droites, capables, quelles que soient leurs infortunes et la barbarie du monde, de garder leur foi en elles-mêmes et en l'humanité, de défendre l'amour et le droit au bonheur même quand tout semble perdu. « Nous ne sommes que des mortels, mon garçon, des récits anonymes gravés sur du sable que le temps dispersera au gré du vent. Alors pourquoi tant de souffrance puisque tout passe, et nous avec ? » Coup de coeur.

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Le dernier roman de Yasmina Khadra est une belle réussite. Il nous propose une véritable épopée, celle de Yacine Chéraga, qui démarre en 1914 en Algérie. le chef de guerre, qui dirige le territoire sur lequel vit misérablement la famille de Yacine, décide que celui-ci partira faire la guerre en France, contre les « Boches », à la place de son cher fils qui souffre d'une maladie du coeur. Afin de s'assurer de la docilité de Yacine et de l'ardeur qu'il mettra au combat, il lui promet des terres, une vierge pour s'occuper de lui à son retour, et la sécurité pour sa famille.
Si Yacine part bien pour la France, le caïd, à son retour, non seulement ne tiendra pas parole, mais en plus tentera de l'assassiner. Yacine n'a alors pas d'autre alternative qu'une fuite éperdue, après avoir compris que sa famille avait été obligée de disparaitre elle aussi.
Une incroyable odyssée attend Yacine, qui, malgré quelques moments de répit, va connaître une vie terriblement difficile, fuyant la misère en prenant sans cesse les jambes à son cou, dans une course folle, pour tenter d'échapper à son destin.
L'auteur nous emmène au coeur de cette époque avec un grand réalisme, la guerre, les portraits des compagnons de Yacine à l'armée, et de tous ceux qu'il va rencontrer lors de sa cavale sont extrêmement bien brossés, touchants, révoltants, criants de vérité.
Les pages se dévorent, le lecteur est emporté par un tourbillon de sentiments, dépaysé et ensorcelé par les personnages, étouffant dans les tranchées des campagnes françaises, les paysages algériens arides et désertiques, ou les taudis oranais, et ne peut s'empêcher de verser quelques larmes face aux tourments de Yacine …
Le seul bémol qui m'a retenue pour mettre 5 étoiles, c'est l'utilisation d'expressions actuelles dissonantes dans des dialogues dont l'action est censée se dérouler dans les années 1910-1920.
Un livre magnifique, sur une page de l'Histoire de l'Algérie et ses liens complexes avec la France.
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Un nouveau roman de Yasmina Khadra, un nouveau coup de coeur ! J'ai mis un certain temps à le savourer, je me suis laissé bercer par son écriture ciselée, je suis devenue Yacine, révolté, souffrant, désespéré mais jamais vindicatif, un personnage attachant que les mauvais coup de la vie ne parviendront pas à endurcir.

Si je devais résumer ce récit e un mot, je dirais « errance » car c'est bien de cela qu'il s'agit. Yacine devient Hamza, se voit contraint à grossir le rang des indigènes envoyés comme chair à canon sur le front de la Grande Guerre, reviendra au pays en recherche des siens, abusé par plus puissant que lui, épaulé par quelques belles personnes rencontrées au gré de son chemin.

Ce roman est bien plus qu'une simple histoire, écrit puissant, il offre aux lecteurs de grands moments de réflexion philosophique sur la vie grâce aux belles personnes placée ici et là dans le récit, personne qui aideront le héros à se façonner, souvent des gens qui ont bien déroulé le fil de leur vie et parlent tant pas expérience que par sagesse, un délice.

Mais Yacine, c'est un être doux et pur, il rencontre également des hommes violents, sans émotions apparentes, ce qui restitue au roman, un bel équilibre entre le bien et le mal.

Ce livre est également l'occasion d'un beau périple en Algérie, depuis l'Algérie des douars, en passant par Oran, Sidi Bel Abbes, Kenadsa et bien d'autres lieux, une découverte de l'Algérie offerte par un amoureux de son pays.

Merci une nouvelle fois à Yasmina Khadra pour cette belle écriture pleine de douceur, pour ces mots choisis capable d'alléger la dureté du récit, tout en parvenant à transmettre les peurs, la violence, la tristesse et la colère, l'amour et tout un cortège de sentiments et d'émotions au lecteur.

La fin apaisante, est un magnifique message qui fait du bien.
Lien : http://1001ptitgateau.blogsp..
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J'ai longuement hésité avant de commettre ce petit billet. C'est toujours difficile d'avouer avoir trouvé un livre (très ) moyen alors qu'il parait largement plébiscité par les babéliotes.
Si je l'avais trouvé (très) mauvais cela aurait été plus simple......!

Le grand souffle romanesque qui était censé m'emporter jusqu'aux portes de la Rédemption est retombé soudainement disons..... au tiers du livre.
Car c'est un ouvrage ambitieux sur le Pardon , l'Espoir et l'Amitié . Une leçon de sagesse que Mohammed Moulessehoul ( l'auteur,Yasmina Khadra ) nous livre à travers les tribulations de son héros , Yacine Chéraga, dans l'Algérie coloniale entre 1914 et 1938.
Yacine est une figure de Job . Il va donc subir, jusqu'à la page 523 , toutes les misères du monde.

J'ai aimé les pages concernant la première guerre mondiale et découvert le 7eme RTA , régiment réputé pour la bravoure des fameux "turcos".
Et oui les algériens ( y compris les kabyles qui ne parlaient ni arabe, ni français) se sont illustrés dans les tranchées de la Somme et des Ardennes et ont payé un lourd tribu à la victoire alliée. Ils n'ont guère été remerciés ( en particulier notre héros, enrôlé à la place du fils d'un caÏd...) mais ont tissés entre eux des liens inexpugnables .
De retour au pays Yacine va poursuivre son chemin de croix ( enfin façon de parler, Yacine est musulman et très croyant ) et va tenter de survivre malgré la misère, l'injustice, la déchéance et autres joyeusetés . Il aura quelques surprenants moments de répit , en particulier lorsqu'on le croyait complètement au fin fond du trou. Il connaitra donc Gloire ( j'exagère un peu) , Amour et Beauté avant de rejoindre l'immonde bagne de Biribi où il passera quelques années tourmentées.
Sur la forme ,la 2e partie du livre m'a paru poussive , desservie par une narration strictement linéaire , très "classique" et donc un peu pénible. Il y a cependant de belles figures: Abla la guerrière et Zorg Er-Rouge le fou( pour n'en citer que 2)
Sur le fond, l'apologie de la vertu ne me gêne pas même si le parcours du héros est parfaitement abracadabrantesque. Non c'est plutôt l'enlisement dans une sorte de mièvrerie , ni vraiment stoïcienne ni vraiment religieuse, qui m'a été pénible .
Car au fond il s'agit surtout d'une oeuvre strictement romanesque qu'on pourrait trouver émouvante et généreuse mais que j'ai trouvée sombre et roborative. Ennuyeuse aussi , surtout sur la fin ( comme dirait Woody Allen!)
Hélas.....
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Parce que je ne voulais pas rester trop longtemps sur la déception que m'a procuré "Le sel de tous les oublis", je relis à nouveau Yasmina Khadra dans l'espoir d'en sortir plus convaincue. J'ai donc jeté mon dévolu sur "Les vertueux", qui m'a littéralement transportée.

Le gros de l'intrigue se déroule également en Algérie mais débute bien plus tôt, en 1914 avec la Première Guerre mondiale. Nous y suivons Yacine, engagé malgré lui dans le deuxième régiment de tirailleurs et dont cet épisode scellera à jamais son destin.

Sur une période de plusieurs décennies, nous l'accompagnons dans toutes ses aventures. D'un douar sans nom jusqu'à Kenadsa, en passant par les champs de bataille français, puis Sidi Bel Abbès, Oran, le Sahara ou encore le bagne, Yacine n'aura de cesse de penser à sa famille, disparue alors qu'il était au front. Traumatisé par les horreurs de la guerre, traqué et recherché, Yacine sera constamment malmené et balloté d'un endroit à un autre, mais fera tout de même son petit bonhomme de chemin, se construira malgré tout avec ses fantômes et ses disparus. Au gré de ses pérégrinations, il fera des rencontres, bonnes et mauvaises, et retrouvera de vieilles connaissances...

Et bien, par où commencer ? C'est le cinquième livre de l'auteur que je lis mais le premier qui m'ait autant marquée et touchée. J'ai vécu les événements comme si j'y étais, tout près de Yacine, que ce soit la boucherie des champs de bataille, ou tout ce qui se déroule après. J'ai vu de visu les paysages et décors algériens. Et surtout j'ai ressenti tout ce que Yacine a éprouvé.

Il va sans dire que la plume magnifique de l'auteur, immersive et poétique, y est pour beaucoup. Tout est si bien dépeint : les paysages algériens (de la grande et impressionnable Oran jusqu'au reg saharien), le contexte historique (champs de bataille, relations entre frères d'armes, colonialisme/colonisation, relations colons/indigènes, culture et traditions, etc), la psychologie des personnages et leurs ressentis. Et je ne parle pas des événements de l'intrigue qui nous prennent aux tripes ou de la fin qui nous saisit jusqu'à l'âme.

Yacine est un personnage qui nous touche profondément. On s'y attache vite à ce jeune homme, que la vie malmène et qui continue malgré tout d'avancer, ce jeune homme sensible, fidèle à ses convictions et croyances, endurant, marqué à jamais par la guerre et la disparition de sa famille. L'auteur en a un fait un personnage admirable, qu'on aimerait pouvoir réconforter et soutenir non pas en tant que lecteur mais en tant qu'ami. Il décortique ses moindres ressentis, ses douleurs, ses espoirs, ses doutes, ses peurs, mais aussi ce qu'il éprouve pour chacune des personnes qui sont entrées dans sa vie.

Un livre dur par les événements vécus mais en même temps plein d'humanité, de poésie et de sensibilité. Un livre magnifique, riche en aventures et émotions, à la fois éprouvant et lumineux. Un livre tel que je les aime, qu'on n'oublie pas de sitôt, intense et profond.

Assurément, l'un des plus beaux romans que j'aurais lus cette année.
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Un roman prenant, agréable à lire…
Chéraga Yacine n'a jamais quitté son douar en Algérie, ni sa famille, quand le caïd le convoque et l'envoie se battre dans l'armée française à la place de son fils, malade du coeur. On est en 1914, la première guerre mondiale vient d'éclater. La France fait appel aux « indigènes » de ses colonies pour renforcer ses troupes. A partir de cette entourloupe, Chéraga va s'appeler Hamza Boussaïd, et le sort va s'acharner sur lui…
Le roman de Yasmina Khadra est une histoire qui va bien au-delà de la polémique sur le colonialisme. Elle pourrait être universelle. L'auteur jette un regard objectif sur une société et sur les relations entre ses acteurs, leurs défauts, leurs qualités. Il écrit : « La violence des propos de Zorg trahissait la complexité de ma communauté, dont j'étais loin de soupçonner les dissensions. Je croyais que nous étions solidaire dans la souffrance, que le joug colonial renforçait naturellement nos liens, et je m'apercevais que, pour des considérations saugrenues, les nôtres se vouaient une abominable aversion. »
C'est une oeuvre pleine de bon sens et d'humanité, qui, heureusement, dépasse et de loin le médiocre débat récurrent sur l'oppresseur « Blanc » et l'oppressé « africain » sur fond de racisme imbécile. le propos de l'auteur est bien plus éclectique.
Editions Mialet-barrault, 541 pages.
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Quel est l'élément qui a contrarié la lecture de ce roman qui avait tout pour me séduire et qui me laisse pourtant un sentiment mitigé, contrasté ?
Est-ce la surcharge de vertus pour un seul homme ?
C'est plutôt la soumission constante d'un berger pourtant lettré qui m'a agacé.

Dans l'Algérie coloniale de 1914, l'effroyable histoire de l'insignifiant Yacine contraint par un caïd de prendre la place de son fils atteint d'une insuffisance cardiaque pour aller combattre en France afin qu'il ne perde pas la face m'a quelquefois transporté dans de captivantes sensations romanesques mais m'a souvent laissé sur le sable du désert.

Est-ce l'écriture limpide de l'auteur qui a parfois manqué de mordant à faire revivre les atrocités de cette boucherie monstrueuse que j'ai jugé un peu trop tièdes ?
C'est peut-être quatre ans plus tard, le retour au pays de Yacine muté en Hamza Boussaïd qui m'a semblé insipide et bien lent à la recherche de ses vrais parents qui dès son départ ont été bassement chassés par l'impitoyable caïd.
C'est probablement sa servilité à défendre l'honneur d'un ingrat qui ne souhaitait que sa disparition qui m'a asticoté ou c'est sa docilité à se laisser bafouer pour avoir défendu l'intégrité d'une femme qui a abusé de son amour qui m'a, sans aucun doute, le plus exaspéré.

Jusqu'à ce que tout bascule : « La peur qui m'essorait les tripes, se transforma en une haine dont je ne me croyais pas capable. Je me voyais déchiqueter de mes mains nues l'homme qui avait bouleversé le cours de mon existence et fait de moi une bête traquée. »

D'avoir retrouvé Zorg, un colosse mal léché, compère de tranchée qui a constitué une petite armée pour récupérer les territoires exploités en Algérie par l'envahisseur français, va inciter Yacine à surmonter les pires épreuves que la vie lui réserve sans pour autant perdre son humanité ni sa loyauté. On est pourtant qu'à l'aube de tout ce qui va l'ébranler.

« L'existence m'avait appris à me méfier de ce qui ne me faisait pas souffrir, à ne percevoir dans mes rares joies que le prélude de mes peines. »

Finalement, ce roman m'a davantage plu à la fin qu'au début. Les ressentis de chaque lecteur ne seront jamais identiques. Faites donc votre propre opinion de cet ouvrage qui possède toute l'élégance et l'intensité de l'écriture de Yasmina Khadra ainsi que la grâce de son immense expérience de romancier.
Comme dit ma petite fille de six ans : dans la vie, ni les gens, ni les choses, rien n'est pareil sauf les chaussettes. du coup, je n'ai plus le moral dedans.




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