Oeil pour oeil

Après une journée particulièrement harassante, le docteur Hermet, chirurgien à l'hôpital de Tripoli - Liban, n'a qu'une idée, se prélasser dans un bon bain et se reposer. Quand le gardien de la résidence lui signale qu'un homme affolé l'attend car sa femme a de terribles maux de ventre, il conseille à l'homme de se rendre à l'hôpital. le lendemain Hermet s'enquiert de l'état de la patiente et apprend qu'elle est décédée. Choqué mais convaincu qu'il n'aurait pas pu faire grand chose pour la sauver, il poursuit son travail mais dans les jours qui suivent, il se sent suivi. Une impression qui se confirme, qu'il aille dans un bar, dans un restaurant ou à un croisement de route, il tombe sur Bortak, l'homme dont la femme est morte. Une situation qui va déraper quand les deux hommes vont se retrouver isolés, suite à des routes coupées après des pluies diluviennes.

Oeil pour oeil est un face à face angoissant, un thriller qui met en scène deux hommes et surtout la vengeance de l'un, à la suite de la mort de sa femme, un décès qu'il attribue à la négligence du médecin. L'étau se resserre lentement autour du médecin, Bortak multipliant les situations tantôt menaçantes, tantôt conciliantes, comme des discussions autour d'un verre, feignant de comprendre la position de l'homme qu'il hait le plus.
Au delà de ce suspens dans lequel on se demande où la situation va entraîner les deux hommes, Vahe Khatchadourian plonge le lecteur dans l'ambiance orientale d'une ville libanaise dans les années cinquante mais surtout il réussit à créer une ambiance angoissante, tissant une toile d'araignée pour prendre un homme et peut-être les deux dans une course effrénée de vengeance et de disparition. Même si les situations ne sont pas toujours credibles Vahe Khatchadourian traduit bien les émotions et les psychologies des deux personnages et réussit à créer un suspens qui tient en haleine, porté à l'écran par André Cayatte avec dans le rôle du médecin, Curd Jürgens.

J'étais entré il y a quelques années dans le monde particulier de Vahé Khatchadourian par « Se réveiller démon »… Une vraie découverte. Celle d'un écrivain français d'origine arménienne, né en Syrie…

Les hasards d'un vide grenier, et me voilà en possession de « Oeil pour oeil ». On est en Libye, dans la banlieue de Tripoli, et le Dr Hermet, fourbu d'une journée bien remplie à l'hôpital, refuse de recevoir en consultation, alors qu'il est de retour à son domicile, une patiente qui se plaint de mal au ventre… Il apprendra le lendemain qu'elle est décédée dans la nuit à l'hôpital.

On sent poindre comme un regret, un vague sentiment de culpabilité…

Les jours qui suivent ne le tranquillisent pas. Il se sent suivi. A la culpabilité se mêle la peur : il est réellement suivi et ne tardera pas longtemps à apprendre qui est son infatigable poursuivant qui le précède ou qui le suit dans tous ses déplacements. Jusqu'au jour où ils entreprendront ensemble, contraints et forcés, une longue marche dans la montagne ; une marche fatale…

Vahé Katcha n'a pas son pareil pour nous faire sentir l'ambiance toute particulière du Moyen Orient : les cafés, les souks… mieux, les montagnes arides, le soleil qui tape fort, les orages …

« Oeil pour oeil » : une sombre histoire de vengeance sur fond de rancune tenace et de sentiment de culpabilité, de devoir non accompli ; un court roman oppressant, obsédant... Une lutte à la mort entre deux hommes sous le soleil de plomb des montagnes libyennes. Un roman qui sera adapté au cinéma en 1957 par André Cayatte avec Curd Jürgens dans le rôle du Dr Hermet et la participation de Dario Moréno…

Voilà un livre qui aura attendu plus de quarante ans pour que je le lise!
Retrouvé il y a peu, dans le rayon livre d'un Emmaüs, il n'était pas question d'attendre encore des années.
Le récit est simple, d'une vengeance aussi désespérée que diabolique.
C'est l'orgueil et la colère qui vont égarer ce médecin qui a commis l'irréparable, ce Docteur Hermet qui va se laisser entraîner dans un piège simple et malin.
Hermet ne comprend rien, ou alors trop tard. Que peut-il entendre, d'ailleurs, à une douleur telle que celui qui la ressent n'a absolument rien à perdre.
Le théâtre choisi, de cette hallucinant récit, c'est cette terre tour à tour aride ou boueuse, ces montagnes qu'il faut grimper ou dévaler, cette eau rare...

Vraiment, Oeil pour oeil est un de ces livres rares et indispensable à lire.