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Citations sur La clause paternelle (20)

Un père qui est grand-père sort dans le hall des arrivées. (...) Il ne cherche pas ses enfants des yeux parce qu'il sait qu'ils ne sont pas là. Pourtant, il remarque que son regard, lui, cherche. Que ses yeux eux, espèrent.
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Non, je préfère rester ici, dit le père. Avec ma famille. Putain, chuchote la mère. Je sais exactement ce qui va se passer si tu restes. Tu vas finir par t'énerver contre nous parce que tout le monde aura eu le droit de faire ce qu'il veut, sauf toi, et après tu vas faire la gueule le reste la journée parce que tu es pas assez adulte pour satisfaire tes propres besoins. Vas-y. Maintenant. Je m'occupe des enfants.
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Son corps était un taudis. Quand elle lui a dit au revoir, elle avait la sensation de se défaire d'un lourd manteau sentant la transpiration dans un inconnu. Enfin elle était libre.
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Malgré tout, elle était restée à la maison de retraite et bientôt, elle était devenue, non officiellement, responsable de l'informatique. Non pas qu'elle fût particulièrement calée dans ce domaine, mais parce qu'elle était la seule à oser changer l'encre de l'imprimante. Une fois, disait la rumeur, elle avait réussi à faire des copies recto-verso. Deux fois, elle avait aidé le chef de service à éjecter une clé USB capricieuse de son ordinateur. À la suite de ses exploits, c'est elle que tous les vieux venaient voir quand ils avaient un problème d'informatique.
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Personne ne dit rien. Le père essaie d'engager la conversation. Le grand-père répond par monosyllabes. Le père essaie de nouveau. Le grand-père arrête de répondre. C'est comme jeter des mots dans un précipice. C'est comme poser des questions à un parcmètre. Ils restent silencieux.
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Il sort une deuxième paire de lunettes qu'il place par-dessus les autres et voit que le numéro commence par + 46. Ce ne sont que ses enfants. Ils doivent regretter de ne pas être allés le chercher à l'aéroport. Il pose son portable. Celui-ci continue de sonner et de biper. Chaque sonnerie le rend plus fort. Leur inquiétude augmente son sentiment d'être vivant.
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On est vendredi matin et une petite amie qui est une mère qui travaille comme juriste au sein d’une organisation syndicale est à son bureau depuis sept heures vingt. Quand les secrétaires arrivent à neuf heures, elle a déjà envoyé vingt mails, a préparé une affaire qui sera traitée à la Cour administrative d’appel et elle est prête pour la première réunion du matin. Sa cliente n’arrivant pas, elle demande à la secrétaire de lui téléphoner. Le père de la cliente répond. On est là, dit-il. Mais on est dehors. Elle a changé d’avis. Je descends, répond la juriste qui est une mère. La cliente est assise sur un banc, le corps penché en avant et le visage caché derrière ses cheveux. Qui êtes-vous ? demande le père. Votre déléguée juridique, dit la juriste. Je ne vous imaginais pas comme ça, dit le père. La juriste s’assoit sur le banc à côté de sa cliente. Elle se racle la gorge. Elle dit qu’elle comprend son inquiétude. C’est tout à fait normal d’avoir peur. Elle se penche vers elle et lui chuchote : Mais si nous ne dénonçons pas ces sales types, ils continueront. Et il ne faut pas que ça arrive. On va arrêter ces connards. On va leur en faire baver, vous comprenez ? Au tribunal ça va être un massacre. Un bain de sang. Je vous promets. Faites-moi confiance. La fille semble confuse. Vous ne parlez pas comme une avocate, dit-elle. La juriste sourit. Je suis juriste au sein d’une association, dit-elle, et je suis sans doute un peu différente.
Dans l’ascenseur, la juriste qui est une mère raconte son passé. Dans quelle banlieue elle a grandi, combien ses parents ont lutté pour qu’elle fasse des études et qu’elle obtienne un boulot dans ce bureau tape-à-l’œil. Quand j’ai reçu mon diplôme, j’avais peur que les gens me percent à jour, dit-elle. Mais plus maintenant. Redis-moi ce que tu vas leur faire, demande la cliente. Les massacrer, répète la juriste. Aucune indulgence. Tout le monde doit mourir. La cliente sourit. Le père a l’air préoccupé.
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Un fils qui est un père regarde l’heure. Bientôt minuit. Sa sœur ne le rappelle pas. Sa petite amie lui a envoyé un SMS il y a une heure. Il lui a répondu que l’avion du père avait du retard et qu’il n’allait pas tarder à rentrer. Il se prépare à partir. Mais il ne part pas. Il ne sait pas pourquoi. Il essaie de nouveau d’appeler le numéro étranger de son père. Puis son numéro suédois. Les deux portables sont éteints. Ou déchargés. Ou ont été confisqués. Il tend l’oreille dans l’espoir d’entendre la clé dans la serrure. Il se demande quand ils ont cessé d’aller chercher le père à la gare routière. Il y a trois ans ? Cinq ans ? Il ne se souvient pas bien mais il soupçonne que c’est au moment où le fils est devenu père et où le père est devenu grand-père. Quelque chose s’est passé. Malgré tout, le fils est resté responsable du côté pratique. Il gère le compte en banque de son père et aussi son courrier. Il paie ses factures, fait sa déclaration d’impôts, réserve ou annule ses visites de contrôle et ouvre les lettres de la sécurité sociale. Et c’est aussi lui qui est responsable de son logement. Quel que soit le temps qu’il passe en Suède. Dix jours ou quatre semaines. Ça a toujours été ainsi. Et ça restera toujours ainsi.
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Un grand-père qui est un père est de retour dans le pays qu’il n’a jamais quitté. Il se tient dans la file d’attente pour le contrôle des passeports. Si le policier derrière sa vitre lui pose des questions suspicieuses, le père qui est un grand-père restera calme. Il ne dira pas au policier que c’est un abruti. Il ne lui demandera pas s’il a eu son uniforme dans une pochette-surprise? Il sourira et il lui montrera son passeport en lui rappelant qu’il est citoyen de ce pays et qu’il ne l’a jamais quitté plus de six mois. Pourquoi ? Parce que sa famille vit ici. Ses enfants bien-aimés. Ses merveilleux petits-enfants. Sa traîtresse d’ex-femme. Il ne partirait jamais plus de six mois. Six mois c’est le maximum. Le plus souvent il part cinq mois et trente jours. Parfois cinq mois et vingt-sept jours.
La file avance. Le grand-père qui est un père a deux enfants. Pas trois. Un fils. Une fille. Il les aime tous les deux. Surtout la fille. Les gens disent qu’ils lui ressemblent, mais lui ne trouve pas. Ils ont la taille de leur mère. L’obstination de leur mère. Le nez de leur mère. Tous deux sont des petites ou plutôt des grandes copies de leur mère. Surtout le fils. Il lui ressemble tellement que le père qui est parfois un grand-père, qui l’est assez souvent en fait, peut avoir envie de lui mettre un coup de tête. Mais il ne le fait pas. Bien sûr que non. Il sait se maîtriser. Il a vécu suffisamment longtemps dans ce pays pour savoir que les émotions sont une mauvaise chose. Les émotions doivent être rangées dans des petits compartiments, volontiers répertoriés, et ne pas être libérées avant qu’aient été préparés le mode d’emploi et le plan, avant que les experts ne soient sur place, avant qu’un contrôleur d’État ne prenne la responsabilité de ce que les émotions peuvent susciter.
La file n’a pas bougé d’un pouce. Personne ne se met en colère. Personne n’élève la voix. Personne n’essaie de doubler. Les gens lèvent juste les yeux au ciel en soupirant. Le grand-père fait pareil. Il se souvient de l’époque où il était un père. Les goûters d’anniversaire et les vacances au soleil, les entraînements de judo et les gastros, les leçons de piano et les fêtes de fin d’année. Il se souvient de la manique que sa fille, ou peut-être son fils, avait fabriquée en travaux manuels, avec le texte brodé : Le meilleur papa du monde. Il était un père formidable. Celui qui prétend le contraire est un menteur.
Quand le père qui est un grand-père arrive au guichet, la femme en uniforme de l’autre côté de la vitre le regarde et scanne son passeport. Ça ne prend que quelques secondes. Après ça, elle lui fait signe de passer.
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Il a vécu suffisamment longtemps dans ce pays pour savoir que les émotions sont une mauvaise chose. Les émotions doivent être rangées dans des petits compartiments, volontiers répertoriés, et ne pas être libérées avant qu'aient été préparés le mode d'emploi et le plan, avant que les experts ne soient sur place, avant qu'un contrôleur d'Etat ne prenne la responsabilité de ce que les émotions peuvent susciter.
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