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Genre Queer" de
Maia Kobabe a provoqué la fureur des fondamentalistes chrétiens aux Etats-Unis qui l'ont voué au bûcher. En 2021, en effet, ce roman graphique a été considéré comme le plus interdit et contesté, subissant une grande vague de censure dans les bibliothèques et les établissements scolaires aux Etats-Unis. La raison invoquée était le contenu sexuellement explicite. Ce qui est très drôle car quand on prend la peine de lire cet ouvrage, ce n'est pas le coeur de la bande dessinée, au contraire, puisque l'autrice évoque elle-même son asexualité.
Personnellement, ce contexte était déjà une très bonne raison d'acheter, de lire et faire lire cet ouvrage au plus grand nombre, n'en déplaise aux bigots et vieux réacs.
Mais revenons au début. En 2013,
Maïa Kobabe a 24 ans et est en master de BD en Californie. Elle rêve de créer de la fiction mais dans un cours sur l'autobiographie, on leur demande de livrer leurs plus grands secrets. Maïa s'y refuse au début puis finit par écrire une courte BD sur ses "démons". "
Genre Queer" est né.
Depuis toute petite, Maïa ne se sent appartenir à aucun genre en particulier, et surtout pas féminin. Mais les normes de la société sont là et invariablement, on lui rappelle le comportement ou la place qu'elle doit tenir en tant que fille. A la puberté, les choses ne s'arrangent pas : les seins qui poussent, les poils, les règles, les sous-vêtements féminins... Tout cela est vécu par Maïa comme des entraves voire de véritables souffrances. En grandissant, Maïa se rend de plus en plus compte qu'elle aimerait être un homme pour ne pas être cloisonnée dans le genre femme. En fait, elle ne se sent ni femme ni homme, Maïa est non-binaire. Et si iel se sent surtout attiré-e par les femmes, la sexualité demeure un autre problème puisqu'elle ne ressent pas le besoin d'avoir des relations sexuelles. Maïa est asexuelle.
Pour la majorité d'entre nous, cela n'est pas simple à comprendre, mais cela l'a été encore moins pour l'artiste qui nous livre dans ce récit un témoignage à coeur ouvert. le thème de ce roman graphique qui se lit comme un journal intime est l'idendité, c'est-à-dire ici la non-binarité de Maïa, son asexualité et la difficulté de se faire accepter ainsi dans la société actuelle. Au fil des pages, le lecteur suit les étapes par lesquelles iel est passé-e pour avoir cette prise de conscience sur son identité et sa sexualité. Des parents ouverts, une famille tolérante, des rencontres bienveillantes permettront à Maïa de surpasser ses difficultés, de réfléchir à qui elle est et de faire son coming-out. La réflexion sur l'emploi du pronom approprié est assez révélateur du questionnement par lequel passent les personnes qui souffrent de la dysphorie de genre. Ainsi, ce qui nous paraît simple - car dans la "norme" - peut devenir une réelle difficulté dans la vie de tous les jours.
Le graphisme relativement simple et doux laisse surtout la place au texte qui vise à être le plus clair possible pour livrer le ressenti de Maïa. Récit intime, témoignage, "
genre queer" est à la fois impudique mais sans provocation, instructif et drôle. Bref, un ouvrage à mettre dans toutes les mains ! Pour évoluer et appeler à plus de tolérance...