« Montargis", « Beaune La Rolande », « Paris-Banlieue », les chapitres portent des noms de lieux. C'est un itinéraire, il dessine une carte terrible car des camps et des internements. s'y cachent. Des centaines d'orphelins, ont ainsi été ballotés, relégués à attendre leur solution finale, dans ce jeu de piste surréaliste, comme les grands, comme leurs parents, que les petites Korman suivront sur la voie de la déportation deux ans et deux semaines après eux, en août 1944.
Cloé Korman nous livre ici un récit émouvant et sensible car elle place ses pas d'écrivaine dans ceux de ses trois cousines, Mireille Jacqueline et Henriette Korman. Dans l'étonnement de porter son regard sur les rues de Paris qu'elle connait depuis toujours et que les petites filles ont connu avant elle, l'auteure tisse un canevas de la mémoire qui invite à penser que les lieux sont aussi des témoins muets, qu'ils portent des cicatrices, qu'il suffit de les interroger pour les faire parler. Dans son souci de surveillance, l'Etat français à confié à l'UGIF, le soin de prendre en charge les enfants pour s'assurer de leur contrôle. Entre décembre1942 et août 1944, les petites Korman sont brinquebalées de foyer en foyer, des lieux bien répertoriés où les allemands viennent prélever régulièrement les quotas nécessaires à remplir les wagons. Ainsi les enfants n'échappent-ils pas eux aussi, avec l'aide des autorités françaises, à la précision nazie des quotas et du rendement de l'élimination. Dans leur périple parisien, les petites Korman ne sont pas seules, Andrée, Jeanne et Rose Kaminski sont avec elles, elles se sont retrouvées à Beaune la Rolande après leur arrestation à Montargis. C'est là que venant de Pologne, les deux familles se sont installées, que les enfants ont joué ensemble, qu'ils ont tous été arrêtés, que commencera pour la plupart d'entre eux, leur périple vers la mort.
Cloé Korman retrace ainsi les jours passés à Paris dans ces foyers de l'UGIF pour ces six petites filles, devenues presque soeurs. Elle s'appuie entre autres, sur les lettres retrouvées de Mireille, sur les témoignages d'Andrée, qui la reçoit chez elle rue
Saint Ambroise. le quotidien prend alors couleur, avec le dénuement, l'isolement de ces mois d'internement, avec les contradictions aussi du système de contrôle. Les mailles de la surveillance sont souvent lâches, les petites Kaminski les mettront à profit pour s'échapper, alors qu'elles ont été séparées des soeurs Korman.
Un livre sensible dans lequel le présent et le passé se croisent pour témoigner du sort de ces orphelins, peu connu, Condamnés à une mort différée, par la détermination du nazisme, qui a su trouver en France occupée, des alliés zélés pour perpétrer les crimes.