AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,37

sur 204 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
°°° Rentrée littéraire 2022 # 39 °°°

« Certaines histoires sont comme des forêts, le but est d'en sortir. D'autres peuvent servir à atteindre des îles, des ailleurs. Qu'elles soient barques ou forêts, elles sont faites du même bois. Je ne sais pas de quelle sorte est celle qui commence ici. Un jour, ma soeur a sonné à la porte d'un immeuble qui se trouve juste en face de chez elle, à Paris. Une voix de femme lui a répondu. Ma soeur a prononcé son nom dans l'interphone et, sans rien demander de plus, la femme lui a dit : Montez. »

Cette femme, c'est Madeleine Kaminsky, benjamine de trois soeurs, toutes rescapées de la Shoah, témoin des dernières années de trois soeurs Korman, cousines du père de l'auteure, assassinées elles à Auschwitz. Andrée, Jeanne, Rose Kaminsky + Mireille, Jacqueline, Henriette Korman, six enfants juives que la tragédie a rapproché au point d'en faire des « presque soeurs » au bout de la nuit génocidaire.

Cloé Korman reconstitue les différentes étapes de leurs arrestations, incarcération et internements dans la France de Pétain, interrogeant sur le legs, immense et invisible, que constituent ces enfants morts, héritage douloureux pour la France, pour les Juifs de France et pour sa famille d'origine juive polonaise, elle dont le père a été avocat des parties civiles durant les procès Klaus Barbie et Alois Brunner, elle dont les grands-parents paternels se sont exilés en Suisse pour éviter les rafles.

Pour faire revivre cette généalogie sous Vichy, Cloé Kormann mène l'enquête en rencontrant les derniers témoins et en partant sur les lieux où ont été commis ces crimes : Montargis où les presque soeurs sont raflées le 9 octobre 1942 après leurs parents en juillet, puis le camp de Beaune-la-Rolande, toujours dans le Loiret ; les différents foyers franciliens pour enfants juifs gérés par l'UGIF ( Union générale des Israélites de France ) où elles sont séparées, ballottées ; puis le camp de transit de Drancy d'où les soeurs Korman sont déportées le 31 juillet 1944 avec 1314 autres Juifs français dont 300 enfants.

A l'heure où certains manipulent l'histoire en soutenant que Pétain à protéger et sauver les Juifs français, ce récit complète pertinemment le travail salutaire de l'historien Laurent Joly ( La rafle du Vel d'Hiv', paru en juin 2022 ), rappelant l'implication et le zèle du gouvernement Laval à déporter les enfants juifs, bien avant que l'ordre allemand n'ait été donné. Cloé Korman met également en lumière les Justes parmi les nations qu'ont côtoyés les enfants, comme la médecin Adelaïde Hautval déportée à Birkenau en tant qu'amie des Juifs.

Du point de vue factuel, les chapitres qui m'ont le plus frappée sont ceux consacrés à la vie des enfants dans les foyers parisiens une fois que leurs parents ont été déportés, en attendant leur tour. Tout au long de leur internement, les soeurs Kaminsky et Korman sont autorisées à aller et venir chez des proches ou des amis de la famille, sans aucun obstacle du moment que ces derniers promettent leur retour en fin de journée … occasion pour certains d'organiser une fugue définitive.

Je ne suis pas particulièrement férue du procédé narratif, de plus en plus utilisé dans les documentaires et enquête journalistiques, consistant à mettre en scène l'écrivain-narrateur avec un « je » égocentré très présent, dans un parallèle présent / passé parfois un peu artificiel. Certains passages sur la vie intime de l'auteure, ainsi insérés, ne m'ont pas totalement convaincue dans les résonances du passé sur son présent de jeune mère ; bien que la sincérité de l'auteure ne fasse aucun doute, je les ai trouvés quelque peu maladroits, en tout cas nettement moins intéressants que les captivants passages sur les années 40.


Malgré cette réserve, le récit m'a happée, notamment par sa capacité à faire naitre des émotions très fortes, comme lorsque Cloé Korman étudie les ravages psychologiques générés par le parcours génocidaire. de façon très modianesque, la déambulation dans un lieu fait émerger des sensations que l'auteur transforme en mots et réflexions :

« Je me demande ce qu'elles éprouvent à former ce groupe d'enfants qui se perdent et qui se quittent sans arrêt, alors que leurs parents ont disparu. On dirait des poupées gigognes auxquelles on enlèverait successivement toutes leurs enveloppes, qui flottent dans un espace sans arrière-plan. Enlevées à des familles qui n'existent plus, elles se recomposent en groupes successifs qui s'égarent et disposent à nouveau, dans ces lieux vidés de leur usage normal, et dont on peut les retirer d'un jour à l'autre. »

La qualité d'écriture de l'auteure excelle à ressusciter l'enfance volée juste par la force des mots. Elle redonne vie aux fillettes en offrant à chacune un visage, un corps, une tenue vestimentaire, une sensibilité. Certaines sont ainsi terrorisés à l'idée de grandir loin de leurs parents et que ces derniers ne les reconnaissent plus, le traumatisme psychologique allant jusqu'à bloquer la croissance physiologique des corps. C'est dans ces scènes du quotidien que Cloé Korman bouleverse, comme lorsqu'elle évoque la montre aux bras de Mickey offerte par ses parents horlogers à la petite Jacqueline, repère à laquelle se raccroche la fillette pour supporter l'angoisse de la séparation dans un contexte d'une rare précarité.

Ou lorsqu'une des soeurs, venant d'arrivée dans le village fantôme de Beaune-la-Rolande ( les 19 baraquements ayant été « vidés » ), se demande à qui appartenait cette poupée abandonnée ou qui a dormi dans un des châlits. le lecteur est ainsi totalement propulsé dans le récit qui oscille entre factuel incontestable sur les traces concrètes de Vichy dans la France d'aujourd'hui et émotions qui nous assaillent par vague.

Commenter  J’apprécie          11912
Très courte critique : D'une manière pudique , l'auteure redonne vie à six fillettes dont trois périront à Auschwitz : , elle cherche à retrouver à partir de bien maigres indices les traces de Mireille, 10 ans , Jacqueline , 8 ans, Henriette 3 ans déportées en 1942 à Beaune la Rolande , puis raflées en 1944 , au sein du foyer De Saint -Mandé , avant d'être exterminées aussitôt arrivées à Auschwitz, en juillet 1944.

Le même sort pour l'ensemble des enfants débarqués là - bas …

Tout finit par se mêler et se confondre: l'historique, le passé ,le présent , l'intime , les lieux d'aujourd'hui et d'hier , ces soeurs des années 40 et celles ,de leurs lointaines cousines des années 2020.
D'une écriture délicate , sans pathos excessif , l'auteure conte , à hauteur d'enfant des détails : dînettes , crayons, cahiers ,chansons .
Elle entrelace , le destin de ces trois fillettes à leurs trois jeunes amies de Beaune la Rolande , retrouvées au fil de pérégrinations : Rose, Jeanne et Andrée .
Celles - ci , miraculeusement survivront .
Ces «  six presque soeurs » passeront sept mois ensemble.

Récit lumineux et digne d'une mémoire ressuscitée, réinventée , «  Ce présent perpétuel des enfants » comme le souligne l'écrivaine .
Récit pudique , troublant …..Cloé K redonne vie et sourire à ces presque soeurs .,,entre détresse et rire dans les détours bouleversants d'une éternelle enfance .
Tragédie des 11104 enfants de moins de 16 ans déportés depuis la France sous l'occupation, selon les travaux de Serge Klarsfeld .
Un livre troublant , hésitant entre tragédie , révolte et génie n'appartenant qu'a l'enfance !
Commenter  J’apprécie          410
« Certaines histoires sont comme des forêts, le but est d'en sortir » annonce Cloé Korman en préambule de son récit d'investigation sur le destin de ses cousines, les soeurs Korman, sous le régime de Vichy.
Ces forêts sont comme des histoires dans lesquelles les malheurs s'enchevêtrent, l'écriture, le témoignage sert alors d'exutoire, il est un moyen de reconstruire ce qui a été détruit, c'est la clarté de la parole contre l'obscurité du chaos.
Celles qu'elle aurait pu rencontrer ont malheureusement péri après une des rafles fréquentes dans cette noire période de l'histoire française entre 1942 et 1944 dans laquelle les dénonciations et la haine contre les israélites font rage.
Ils sont dépouillés de tout, leurs biens, leurs droits, leur vie, tout court, et cela sans scrupule avec l'aval largement consenti d'une administration sans visage et sans pitié pour les victimes.
Les survivantes pourront témoigner de l'indicible, c'est avec un zèle étonnant qu'elles accueillent la narratrice à travers ses pérégrinations pour aller à la rencontre d'un passé triste, douloureux et peu glorieux.
Dans ce témoignage quasi objectif, basé sur du ressenti mais aussi en grande partie sur des faits, Kloé Korman a fait de nombreuses recherches, ne cherche pas à forcer les choses.
C'est notre libre arbitre qui est mis en jeu, à nous de penser, de juger, de ressentir, d'imaginer.
On est tantôt révolté par le zèle d'une administration complice de crimes contre l'humanité, on s'apitoie tantôt sur le sort des jeunes victimes et de leurs familles, de toutes ces personnes menées tout droit à l'abattoir. On est aussi crispé par les dénonciations tantôt gratuites tantôt intéressées, on tue pour se saisir d'un morceau de viande, un magasin, une maison, un immeuble, par haine raciale aussi. L'être humain n'a plus la place qu'il devrait occuper, dans ce chaos tout est permis.
« L'Enfer c'est les autres » bien sûr ! Ceux qui portent l'étoile jaune doivent être écartés et faire leur chemin de croix.
Un livre qui s'engage à témoigner sur les dégâts du nazisme et de la collaboration avec ses dommages collatéraux sur les familles, les enfants qui en sont les cibles.
A travers son témoignage, Cloé Korman exhume l'histoire de sa famille mais aussi celle de tout un peuple pour que nous puissions aller à leur rencontre, les connaître et reprendre conscience de ce que des humains peuvent faire subir à leurs semblables.
Les histoires individuelles, comme c'est souvent le cas, rejoignent la grande Histoire.
Dans la période trouble que nous vivons actuellement, ce récit est plus qu'utile.
Commenter  J’apprécie          390
Octobre 1942 Mireille, Jacqueline et Henriette Korman sont arrêtées chez madame Mourgue, qui s'occupe d'elles depuis que leurs parents ont été déportés. Elles ont dix, cinq et trois ans, les policiers les conduisent vers les cellules où elles sont enfermées avec des prisonnières de droit commun. Les soeurs Korman vont retrouver Andrée, Rose et Jeanne Kaminsky arrêtées dans la cour de leur école. Désormais les six filles se désignent comme presque soeurs.

À partir de photographies, de lettres, d'actes de naissance, de registres d'incarcération, Cloé Korman suit les traces de ses trois petites cousines et de leurs amies. Elle se rend sur les différents lieux où les fillettes ont été trimballées ; la gare de déportation de Pithiviers, le camp de Beaune-la-Rolande, les différents foyers à Paris. Avec pudeur et sensibilité, elle nous raconte le destin de ces six filles qu'on déplace, qu'on enferme, qui se perdent, se retrouvent, pendant sept mois de l'arrestation à Montargis jusqu'à la séparation irréversible à Paris. Sans aucun doute ce livre est le fruit d'un formidable travail de recherches pour mettre en lumière le rôle l'État français dans le sort qui a été réservé aux enfants juifs, heureusement certains au péril de leur vie organisent l'exfiltration des orphelins en zone libre.

Sans remettre en cause la profondeur de ce récit, j'ai été énormément gêné par sa construction, en alternant passé et présent, en glissant souvent sur un style presque journalistique, Cloé Korman dilue beaucoup trop l'émotion et rend parfois certains passages ennuyeux. Je quitte ce livre qui n'est pas pour moi un roman, mais presque un documentaire avec une impression de frustration.

Commenter  J’apprécie          340
La France sous le régime de Vichy, déportation et séquestration des enfants.

Cloé Korman fouille dans le passé de sa propre famille et nous livre le récit de la courte vie des petites Korman, trois soeurs qui finiront assassinée à Auschwitz, et des trois petites Kaminsky qui réussiront à s'échapper et à survivre à l'indicible. Ses 6 fillettes sont cousines et ont vécu leur séquestration ensemble.

C'est bien écrit, clair, on rentre dedans facilement.
On découvre un peu la vie des camps d'internement français pour enfants juifs.
L'autrice ne verse jamais dans le mélodrame, c'est le moins qu'on puisse dire. J'ai trouvé l'écriture assez froide, et cela a provoqué chez moi un manque d'empathie.
Commenter  J’apprécie          142
Avec pudeur et sans pathos excessif l'auteure nous fait revivre le sort des enfants juifs séparés de leurs parents déportés, eux-mêmes regroupés dans des foyers d'accueil avant d'être envoyés à Auschwitz. Un crime d'État insoutenable dont le régime de Vichy s'est rendu responsable.
Cloé Korman se focalise sur six petites filles, « presque soeurs » : trois de ses petites cousines et trois de leurs amies, qui vivront en grande partie ensemble ces jours sombres. Pour réaliser cette belle enquête, elle s'appuie sur des souvenirs de famille dont des lettres, et les souvenirs d'une survivante.
La lecture terminée, on ne peut se départir d'une immense colère et d'un immense dégoût contre ceux qui, à tous les les niveaux, ont trempé dans ce crime et d'une profonde reconnaissance pour ceux qui ont tenté, d'une façon ou d'une autre, d'en atténuer les effets.
Commenter  J’apprécie          130
C'est lorsque l'on pense avoir tout lu, tout entendu, sur cette période atroce qu'à été la Shoah que l'on constate que ce ne sera jamais le cas. Il y a aura toujours des secrets enfouis, des cicatrices au sein de chaque famille dont les ancêtres ont vécus cette partie de l'Histoire.

📖 Entre 1942 et 1944, des milliers d'enfants juifs sont rendus orphelins par la déportation de leurs parents et sont séquestrés par le gouvernement de Vichy.
Les trois petites cousines du père de l'autrice en faisaient partie.
Cloé Korman va, sur plusieurs années, réaliser un véritable travail d'enquête pour comprendre ce que ces petites filles, qu'elle aurait dû connaitre, ont vécues.

Ce livre n'est pas rose. le sujet nous alerte certes.
Mais il fait encore plus mal lorsque l'on pense au fait que ce sort a été jeté sur des milliers d'enfants. le déchirement de la séparation d'avec leurs parents, la peur de l'inconnu, la naïveté brisée, l'innocence avortée, la soumission à l'autorité, la torture, l'humiliation.

Et puis la sororité.
Les petites Korman retrouvent les petites Kaminsky. Elles se connaissent mais ne font pas partie du même milieu. Aucune différence à faire dans de telles circonstances. Sur un temps très court mais tellement difficile, les filles vont devenir presque soeurs. Les grandes vont s'occuper des petites, elles vont partager le peu qu'elles ont, elles vont s'entraider.
Dans l'atrocité, il y a de l'amour, de l'espoir.
Il y a les plans qu'on construit la nuit pour tenter de s'échapper, il y a les tentatives ratées, il y a la persévérance.

Ce livre est un travail phénoménal.
De recherches, de portes closes, de témoignages.
Les pièces du puzzle sont faites de lettres retrouvées, de photographies conservées, d'archives épluchées.

Il y a aussi un sacré courage.
Alors que l'autrice porte la vie, elle se confronte à celle de ses ancêtres avec la crainte d'en perturber ce petit être.

Je vous recommande cette lecture qui est poignante et qui prouve le talent de l'autrice à traiter d'un sujet si proche et si délicat, du grand professionnalisme !
Commenter  J’apprécie          90
« Montargis", « Beaune La Rolande », « Paris-Banlieue », les chapitres portent des noms de lieux. C'est un itinéraire, il dessine une carte terrible car des camps et des internements. s'y cachent. Des centaines d'orphelins, ont ainsi été ballotés, relégués à attendre leur solution finale, dans ce jeu de piste surréaliste, comme les grands, comme leurs parents, que les petites Korman suivront sur la voie de la déportation deux ans et deux semaines après eux, en août 1944.
Cloé Korman nous livre ici un récit émouvant et sensible car elle place ses pas d'écrivaine dans ceux de ses trois cousines, Mireille Jacqueline et Henriette Korman. Dans l'étonnement de porter son regard sur les rues de Paris qu'elle connait depuis toujours et que les petites filles ont connu avant elle, l'auteure tisse un canevas de la mémoire qui invite à penser que les lieux sont aussi des témoins muets, qu'ils portent des cicatrices, qu'il suffit de les interroger pour les faire parler. Dans son souci de surveillance, l'Etat français à confié à l'UGIF, le soin de prendre en charge les enfants pour s'assurer de leur contrôle. Entre décembre1942 et août 1944, les petites Korman sont brinquebalées de foyer en foyer, des lieux bien répertoriés où les allemands viennent prélever régulièrement les quotas nécessaires à remplir les wagons. Ainsi les enfants n'échappent-ils pas eux aussi, avec l'aide des autorités françaises, à la précision nazie des quotas et du rendement de l'élimination. Dans leur périple parisien, les petites Korman ne sont pas seules, Andrée, Jeanne et Rose Kaminski sont avec elles, elles se sont retrouvées à Beaune la Rolande après leur arrestation à Montargis. C'est là que venant de Pologne, les deux familles se sont installées, que les enfants ont joué ensemble, qu'ils ont tous été arrêtés, que commencera pour la plupart d'entre eux, leur périple vers la mort.
Cloé Korman retrace ainsi les jours passés à Paris dans ces foyers de l'UGIF pour ces six petites filles, devenues presque soeurs. Elle s'appuie entre autres, sur les lettres retrouvées de Mireille, sur les témoignages d'Andrée, qui la reçoit chez elle rue Saint Ambroise. le quotidien prend alors couleur, avec le dénuement, l'isolement de ces mois d'internement, avec les contradictions aussi du système de contrôle. Les mailles de la surveillance sont souvent lâches, les petites Kaminski les mettront à profit pour s'échapper, alors qu'elles ont été séparées des soeurs Korman.
Un livre sensible dans lequel le présent et le passé se croisent pour témoigner du sort de ces orphelins, peu connu, Condamnés à une mort différée, par la détermination du nazisme, qui a su trouver en France occupée, des alliés zélés pour perpétrer les crimes.
Commenter  J’apprécie          70
Entre 1942 et 1944, des milliers d'enfants juifs, rendus orphelins par la déportation de leurs parents, ont été séquestrés par le gouvernement de Vichy. Maintenus dans un sort indécis, leurs noms transmis aux préfectures, ils étaient à la merci des prochaines rafles.

Parmi eux, des petites filles de trois à treize ans, Mireille, Jacqueline, Henriette, Andrée, Jeanne et Rose sont menées de camps d'internement en foyers d'accueil, de Beaune-la Rolande à Paris. Mireille, Jacqueline et Henriette Korman sont trois cousines du père de Cloé Korman qu'elle n'a pas pu connaître puis qu'elles ont été assassinées. Andrée, Jeanne et Rose Kaminsky sont les amies de ces cousines. A partir de leur première nuit en prison, elles se dénomment les "presque soeurs" et restent ensemble toutes les six. Jusqu'à ce qu'Henriette la plus jeune soit placée dans un foyer pour les plus petits.

Un groupe de six petites filles qui se perdent, se quittent sans arrêt alors que leurs parents ont disparu " elles se recomposent en groupes successifs qui s'égarent et se dispersent à nouveau, dans des lieux vidés de leur usage normal et dont on peut les retirer d'un jour à l'autre."

Cloé Korman a reconstitué cette histoire à partir des souvenirs des survivantes, les soeurs Kaminsky. Pour son enquête elle est retournée à Montargis sur les lieux où les parents ont été arrêtés le 14 juillet 1942 alors que leurs filles étaient emmenées par la police pour être placées. Quelques lettres de l'aînée à sa famille d'accueil et de rares photos ont permis à Cloé Korman de reconstituer leur histoire, elle a mis à contribution sa belle imagination de romancière pour combler les vides et peupler cette enfance "abandonnée du monde et de la parole".
Une histoire poignante qui met en lumière ce que ces petites filles ont vécu pendant la guerre, les unes arrêtées chez leur famille d'accueil, les autres dans la cour de récréation de leur école, internées dans des lieux sans jeux, sans adultes responsables pour s'occuper d'elles. Fichées, ballotées mais scolarisées, nourries, soignées et entretenues dans l'espoir de retrouvailles avec leurs parents. Elles peuvent aller et venir chez des proches, des amis de la famille peuvent les accueillir à condition de s'engager à les restituer en fin de journée dans leurs foyers. Certains les gardent ou en les laissent s'échapper au péril de leur propre vie.
Menacées de représailles sur leurs camarades si elles s'échappent, à la merci de faire partie des rafles régulières d'enfants pour compléter les wagons d'adultes, elles peuvent être retirées des foyers du jour au lendemain pour être placées dans d'autres foyers ou pour disparaître complètement.
Quelques personnes égaient un peu leur vie, une infirmière leur apporte des crèmes au chocolat, une autre chante pour adoucir leur vie, d'autres accomplissent des actes héroïques pour faire sortir des enfants et les envoyer chez des nourrices clandestines à la campagne.
Une écriture très soignée sans jamais tomber dans l'ostentation, une histoire sans aucun pathos et magnifiquement romancée pour reconstituer sept mois de vie des presque soeurs de leur arrestation à Montargis jusqu'aux séparations irréversibles à Paris. J'ai beaucoup appris sur le sort réservé aux enfants juifs par la France de Vichy, c'est une histoire sombre que Cloé Korman parvient à éclairer en mettant en lumière la complicité et la solidarité entre les six petites filles.
Lien : https://leslivresdejoelle.bl..
Commenter  J’apprécie          50
Anne-Laure Mourgue garde des enfants juifs dont les parents ont été raflé en juillet 42. Ils sont au nombre de quatre : les trois soeurs Korman : Mireille, Jacqueline et Henriette, âgées respectivement de 10, 5 et 3 ans, et un bébé Madeleine.

Le 9 octobre 42, à la demande des autorités allemandes, elle prépare les fillettes et refuse de leur donner le bébé. Madeleine c'est la petite dernière Kaminsky, ses soeurs Andrée, Jeanne et Rose seront également raflées le même jour.

Ironie du sort, leurs parents étaient également raflés ensemble en juillet. Ce sont deux familles polonaises venant de villes murées en ghetto ; Varsovie et Piotrkov, émigrées en France en 1939 qui finiront malheureusement dans leur pays à Auschwitz.

En faisant cette enquête, Cloé Korman a voulu savoir qui étaient ces enfants et surtout retrouver les traces des trois cousines de son père, qu'elle aurait pu connaître si elles n'avaient pas été assassinées.

Elle nous démontre l'acharnement et l'implication concrète de Vichy, du traitement qui a scellé le sort des enfants juifs rendus orphelins par la déportation de leurs parents entre 1942-1944.

Des enfants répertoriés, placés dans des centres ou familles d'accueil, raflés, séparés, au camp de Pithiviers, de Beaume-la-Rolande, entassés dans des baraquements en attente d'être convoyés, "libérés" enfin plus exactement bloqués, séparés, ballotés.

Elle retrace l'histoire, leur enfance, la force de l'enfance, l'évasion par l'écriture pour Andrée survivante qui témoigne. Elle nous parle aussi des Justes, des personnes qui mettaient en oeuvre une façon de protéger les enfants, de se donner bonne conscience.

Le livre est exigeant car bien documenté, ce qui peut rendre la lecture un peu ardue mais ce récit est indispensable pour ne pas oublier.

Ma note : 8.5/10
Lien : https://nathavh49.blogspot.c..
Commenter  J’apprécie          51




Lecteurs (463) Voir plus



Quiz Voir plus

Quelle guerre ?

Autant en emporte le vent, de Margaret Mitchell

la guerre hispano américaine
la guerre d'indépendance américaine
la guerre de sécession
la guerre des pâtissiers

12 questions
3213 lecteurs ont répondu
Thèmes : guerre , histoire militaire , histoireCréer un quiz sur ce livre

{* *}