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EAN : 9782330078188
192 pages
Actes Sud (17/05/2017)
3.85/5   65 notes
Résumé :
Le petit-fils du prince Genji, après avoir découvert son existence dans un livre illustré, part à la recherche du jardin idéal. À travers un de ces labyrinthes textuels dont il a le secret, l'auteur de «Guerre & guerre» (Cambourakis, 2014 ; Babel n° 1345) nous emmène cette fois-ci à la découverte du Japon.
Que lire après Au nord par une montagne, au sud par un lac, à l'ouest par des chemins, à l'est par un cours d'eauVoir plus
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Foudroyée par la prose de l'écrivain hongrois Krasznahorkai, suite à cette première rencontre, j'en ressort subjuguée. Difficile d'écrire sur ce livre inclassable. Juste qu'il faut se laisser entraîner dans le flot de ses phrases interminables, sans chercher à savoir où il nous emmène, et savourer le moment même de la lecture.
Pour le peu de repères, nous sommes au Japon. L'époque ? aucune idée. Et nous suivons le petit-fils du prince Genji ( je suppose celui du Dit du Genji, mais vu les anachronismes, il semble plutôt son fantôme ), qui descend du train à Kyoto et se rend au Pavillon d'or, le fameux pavillon d'or de Mishima, en quête d'un jardin caché et enchanté entr'aperçu dans un livre. A sa suite nous nous laissons bercer et perdre dans les méandres du temple, de son monastère, de son jardin, et dans ceux de la prose de Krasznahorkai. Un voyage passionnant au coeur de la vie, où l'écrivain nous initie à méditer sur l'essence même de ce qu'on voit, on regarde, on observe, comme le magnifique chapitre XXIII, sur l'édification des sanctuaires qui devaient se dérouler en respectant à la lettre le mode de vie des arbres dans leur milieu naturel, voir ici la passionnante saga des kinohis, les cyprès du Japon. Mais Krasznahorkai est imprévisible, il aime perturber. Se mouvant librement dans le temps, il tranche sérénité et beauté d'un monde idéal, avec des éléments et détails dérangeants de notre vrai monde beaucoup moins harmonieux.
Pour moi une belle rencontre et une expérience littéraire intéressante.



“Le Bouddha lui-même, ...se tenait immobile...Il n'avait pas bougé et n'avait pas changé cela faisait exactement mille ans...et rien dans son port de tête, dans son célèbre et beau regard n'avait changé au cours de ces mille années: il y avait dans sa tristesse une délicatesse poignante, une grandeur inexprimable, alors qu'il détournait ostensiblement son visage du monde. On racontait que s'il tournait la tête, c'était pour regarder derrière lui, regarder un moine nommé Eikan,dont les paroles étaient si belles que le Bouddha avait souhaité voir celui qui parlait ainsi.
La réalité était radicalement différente, et il suffisait de le voir une seule fois pour le savoir: s'il avait retourné son beau regard, c'était pour ne pas être obligé de voir, ne pas être obligé de regarder, ne pas être obligé de remarquer, s'étendant devant lui dans trois directions : ce monde pourri.”
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Sur le quai d'une gare. Personne. Juste du vent, pas l'ombre d'une brune. Juste de la poussière balayée par le vent. La brume s'évapore, la lune s'enfuit, un train siffle. Puis le silence. D'un quai vide, d'une vie vide. le train reprend son rythme lancinant, le regard sur l'horizon. Je regarde par la fenêtre le paysage défiler. Des arbres, des forêts, des clairières, des arbres, un lac. Je descends à l'arrêt suivant. Toujours personne sur le quai, personne qui m'attend. Je m'engouffre, petit chemin sous-boisé dont les méandres semblent grimper au-delà des montagnes. La sueur découle à chaque pas, atmosphère humide, au son des clochettes des temples voisins.

Bien étrange atmosphère où je plonge, à l'ombre de cryptomérias centenaires, un parfum de forêt et de solitude, dans un lieu à la fois mystique et mystérieux. Bien étrange bouquin que j'ai amené avec moi pour accompagner cette longue plage de silence où les âmes semblent avoir disparu, la mienne comprise. Entre deux pauses contemplatives, je lis quelques pages, ouvrant un roman hongrois, je me retrouve immergé dans la forêt du Kansaï à suivre les traces du petit-fils du prince Genji à la recherche d'un jardin d'une incroyable beauté.

Et là, la beauté s'étale sur toutes les pages, comme une geisha qui se couche lascivement sur un futon ou une bouteille vide qui s'épanche sur le sol. Tout y est majestueux, même avec la geisha qui a abandonné les lieux. Je l'ai déjà dit, il n'y a que le petit-fils, moi et la poussière de Kyoto qui sont balayés par le vent de ces pages. Entre deux notes de gongs et de silence. le silence est puissant, d'une beauté même cristalline. Quoi de plus beau que le silence me diras-tu ?

Nous errons entre les hinokis, ces fabuleux cyprès du Japon, nous entrons dans des temples millénaires, contemplons des bois, des portes, des fontaines, des jardins, pendant des heures et des phrases interminables et savourons chaque instant de silence, chaque poussière venue se poser à nos pieds. C'est un grand roman hongrois, un putain de roman japonais. D'une incroyable richesse, savoir, sensation, solitude.

Merci.
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«Le pont prit fin en décrivant un arc au-dessus de la vallée mais ne marqua aucune rupture, le mur continuait toujours, inchangé,....il ne s'agissait pas d'une clôture, mais de la mesure intrinsèque de quelque chose dont l'évocation à travers ce mur cherchait à prévenir le nouvel arrivant que celui-ci aurait bientôt besoin d'autres unités de mesure que celles auxquelles il était habitué, d'autres échelles de valeurs pour s'orienter, que celles qui avaient jusqu'ici encadré sa vie.» p13
Effectivement en lisant ce livre on doit abandonné l'envie de comprendre, de suivre une histoire. C'est un livre étrange et beau, d'une très grande poésie qui déroute le lecteur. On tente de trouver un chemin mais il bifurque aussitôt ou s'évanouit. Il n'y pas de point d'appui, ou dès que l'on croit en avoir trouvé un, il se dérobe. Les angles de vue changent constamment.
«La beauté, dans sa simplicité ultime, avait été rêvée pour qu'il y ait tout, et rien à la fois»p41 Ce récit ou ce conte est ainsi bâti, à l'image des jardins des temples zen japonais, entre le tout et le rien dans un équilibre très fragile, difficile à maintenir, entre le vide et le plein. La forme du livre respecte cet aspect en laissant absent le premier chapitre et en ménageant de grandes marges.

Le petit-fils du Genji, personnage principal, dont nous est conté la progression à travers le temple jusqu'au centre où se trouve les livres qui contiennent les sutras, qui poursuit sa quête d'un sublime jardin caché, le centième inoubliable, entrevu dans un livre illustré «Les cent beaux jardins», est irréel, hors du temps. Personne ne le voit arriver ni repartir même si on nous dit qu'il prend le train. Ceux qui le recherchent, l'oublient et finissent par abandonner la recherche pour rentrer à Kyoto.

Le temple, dont la construction nous est détaillée minutieusement, comme les éléments de la nature et le bouddha lui-même, ne procurent pas la sérénité :
«Il n'avait pas bougé et n'avait pas changé, cela faisait exactement mille ans qu'il se tenait à la même place, au même endroit, au centre précis de la boîte en bois doré, d'une sûreté inviolable, et il se tenait impassible... et rien dans son célèbre et beau regard n'avait changé au cours de ces mille années : il y avait dans sa tristesse une délicatesse poignante, une grandeur inexprimable, alors qu'il détournait ostensiblement son visage du monde.
Puis ....
«La réalité était radicalement différente, et il suffisait de le voir une seule fois pour savoir : s'il avait détourné son beau regard, c'était pour ne pas être obligé de voir, ne pas être obligé de regarder, ne pas être obligé de remarquer, s'étendant devant lui dans trois directions : ce monde pourri.» p50

Il y a des aspects inquiétants, troubles qui parcourent le récit comme ce chien qui vient mourir après avoir été roué de coups et parvient à atteindre le gingko doré qui l'accueille au pied de son tronc. Et les hommes sont absents, le temple est vide, les moines l'ont fuit. Plus aucun regard pour contempler la beauté sauf peut-être le lecteur du livre....
L'épigraphe nous dit que «Personne ne l'a vu deux fois». Serait-ce qu'on ne peut voir la beauté de ce jardin caché qu'une seule fois comme le petit fils du Genji, en feuilletant le livre ?
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Un livre déstabilisant que je ne saurais classé ni même expliqué.

J'ai eu l'impression de faire une grande promenade, d'être dans quelque chose de contemplatif.
Une écriture poétique avec des phrases interminables qui nous entraînent bon gré mal gré.

Le japon.
Un personnage: le petit fils du prince Genji que nous suivons de sa descente du train à Kyoto jusqu'au Pavillon d'or, en quête d'un jardin caché et enchanté entraperçu dans un livre.

J'aime beaucoup le Japon. Mais j'avoue être complètement passée à côté de ce livre. Pas le bon moment. le livre n'est pas mauvais. Je ne suis pas la lectrice qu'il lui faut. Peut être dans un autre contexte, une meilleure humeur, un peu plus d'optimisme, j'aurais succombé au charme de ces descriptions.

Rencontre ratée.


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Le petit-fils du prince Genji débarque seul dans la gare de Kyôto déserte et va vers le temple désert avec ses pavillons de prière, ses cours désertes, construits il y a mille ans avec les arbres savamment sélectionnés par le maître charpentier pour les colonnes, les faitières.

Il ne se passe pas grand chose et pourtant on finit par s'attacher à l'ambiance, à ce patrimoine.

Bon j'ai sauté quelques pages au chapitre où il compte jusque l'infini, me demandant si l'auteur ne se moquait pas un peu du monde.
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Citations et extraits (17) Voir plus Ajouter une citation
L’arrivée du train de Keihan, dans lequel voyageait le petit-fils du prince Genji, était prévue moins d’une minute plus tard, mais il demeurait toujours invisible. Personne n’attendait sur le quai de la gare, l’employé des chemins de fer était resté cloîtré dans son local de service, l’œil rivé sur le tableau signalétique électronique du trafic ferroviaire, occupé à noter dans le registre ce qu’il devait noter, le quai était totalement désert, hormis une petite brise qui passait de temps à autre devant le bâtiment de la gare, afin de tout balayer au dernier moment, jusqu’au moindre cheveu ou mégot de cigarette, d’épousseter d’un souffle le pavement du quai, et de faire place nette devant celui qui allait poser le pied sur le pavement de ce quai, il n’y avait donc que cette brise, qui passait de temps à autre, et puis deux distributeurs automatiques de boissons délabrés, installés, ou plutôt abandonnés côte à côte, dont les aguichantes lentilles clignotaient à droite du bâtiment de la gare, pour vous inviter à boire un thé vert, chaud ou glacé, un chocolat, chaud ou glacé, une soupe d’algues chaude ou un miso glacé, l’une des machines clignotait en rouge, indiquant le chaud, l’autre, en bleu, signalait le froid, faites votre choix puis appuyez sur le bouton, disaient les touches du distributeur ; et puis il y avait cette brise, tiède, douce veloutée, pour s’assurer que tout serait vraiment impeccablement propre quand il sortirait.
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il n’y avait là aucune plante extraordinaire, aucune pierre taillée de forme exceptionnelle, rien d’original, de spectaculaire, aucune fontaine, cascade, aucune tortue ou singe sculpté, aucun puits, rien de spectaculaire donc, aucun artifice, rien de ravissant ou de divertissant, mais la simplicité qui définissait son essence révélait en même temps un condensé extrême de beauté, le pouvoir de fascination de cette simplicité était tel que personne ne pouvait s’en détacher, et celui qui le voyait souhaitait ne jamais s’en détacher, et il restait là, à regarder ce tapis de mousse qui, tendrement, ondulait sur la surface du sol se déployant sous lui, il restait là à regarder ce tapis dont les reflets vert-argent faisaient penser à un paysage féerique car cet indescriptible reflet argenté brillait de l’intérieur, scintillait à l’intérieur de cette épaisse surface tapissée d’où émergeaient ces huit hinokis, espacés de quelques mètres les uns des autres, avec leurs magnifiques bandelettes d’écorce brun rouge, leurs frondaisons verdoyantes, si fraîches et si vivantes, et les délicates dentelures qui ourlaient leur cime, bref, celui qui se tenait là à regarder n’avait pas envie de prononcer le moindre mot ; simplement regarder, et se taire.
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Une petite table basse trônait au centre de la pièce, avec des verres, et quatre bouteilles de Johnny Walker. Trois d’entre elles étaient vides, la quatrième était encore remplie au tiers.
Le moine supérieur avait dû partir précipitamment.
Il avait oublié de revisser la bouteille.
La minuscule pièce empestait le whisky.
Sur le lit défait, comme en pleine lecture ou, plus précisément, comme lorsqu’on interrompt momentanément sa lecture pour une raison pressante, un livre, écrit en français, ouvert au milieu, tenait en équilibre sur les deux demi-tranches. On pouvait lire le titre au dos. Ce titre était l’infini est une erreur. L’auteur se nommait : Sir Wilford Stanley Gilmore.
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Il avait été érigé en haut du versant sud de la montagne, afin d'être protégé au nord, nord-est, par le sommet, des dangers et menaces qui traditionnellement venaient de cette direction, au sud s'étendait conformément aux prescriptions un lac, même si la jungle des maisons, cheminées, toitures, poteaux télégraphiques, lignes électriques et autres antennes le rendait invisible, à l'est coulait le Kamo, à l'ouest se trouvaient les chemins d'accès, et, comme il se devait, plusieurs voies menaient au monastère, toutes exclusivement partant de l'ouest, de même que l'unique orientation possible depuis le monastère était la direction ouest, en résumé, la configuration du site répondait pleinement aux quatre grandes prescriptions: être protégé au nord par une montagne, au sud par un lac, à l'ouest par des chemins, à l'est par un cours d'eau et lorsque les choses se concrétisèrent, une fois que le site idéal fut désigné, que l'intention d'y établir un monastère fut annoncée, ainsi que ses dimensions et son affectation, le miya-daiku put se mettre en route, et avec lui commença un long processus qui s'étendit non pas sur des années, mais sur des décennies, (...).
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La porte ne se trouvait pas là où il l’avait imaginée, à peine eut-il le temps de s’en rendre compte qu’il se trouvait à l’intérieur, il était impossible de saisir comment on pénétrait, on y était, voilà tout, et devant, face à soi, la colossale porte nommée Nandaimon se dressait brusquement à l’intérieur de l’enceinte, au milieu de la cour, quatre paires d’épaisses colonnes en bois d’hinoki poli, sur un haut socle en pierre, soutenaient une double toiture légèrement incurvée en son sommet, deux toits, l’un au-dessus de l’autre, c’était comme si deux immenses feuilles d’automne, aux bords déjà légèrement racornis, étaient tombées l’une après l’autre, l’une au début, l’autre à la fin d’un même instant, et que seule la première était arrivée à destination, et tandis que la première était arrivée et se reposait déjà sur l’édifice de poutres des colonnes, l’autre semblait poursuivre sa descente dans les airs, dans une parfaite symétrie, comme si une force d’attraction magnétique, aussi infime qu’efficiente, l’empêchait d’achever son mouvement, et de venir se poser sur sa consoeur, elles se tenaient ainsi en hauteur, la toiture inférieure reposant sur la colonnade, l’autre au-dessus d’elle, deux toits superposés en totale harmonie sur un jeu complexe de consoles, reposant sur quatre paires de colonnes gigantesques, parfaitement lisses, et l’ensemble se tenait là sans justification [...]
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Vidéo de Laszlo Krasznahorkai
Lundi 8 août 2022, dans le cadre du banquet du livre d'été « Demain la veille » qui s'est déroulé du 5 au 12 août 2022, Yannick Haenel tenait la conférence : L'amour, la littérature et la solitude.
Il sera question de cette attention extrême au langage qui engage notre existence. C'est-à-dire des moyens de retrouver, à travers l'expérience poétique de la solitude, une acuité, une justesse, un nouvel amour du langage. Écrire, lire, penser relèvent de cette endurance et de cette précision. C'est ce qui nous reste à une époque où le langage et la vérité des nuances qui l'anime sont sacrifiés. Écrire et publier à l'époque de ce sacrifice planétaire organisé pour amoindrir les corps parlants redevient un acte politique. Je parlerai de Giorgio Agamben, de Georges bataille, de László Krasznahorkai, de Lascaux et de Rothko. Je parlerai de poésie et d'économie, de dépense, de prodigalité, et de la gratuité qui vient.
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