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Critique de Sando


Dans un pays en guerre, une femme décide de confier ses deux jeunes garçons, des jumeaux, à leur grand-mère qui vit à la campagne et qu'ils n'ont encore jamais vue. La vieille femme, surnommée par les villageois « la Sorcière » voit d'un mauvais oeil l'arrivée de ces deux nouvelles bouches à nourrir et ne se prive pas pour leur mener la vie dure. Brimades, punitions corporelles, injures, tout est bon pour leur apprendre l'âpreté de la vie. Très vite, les jumeaux, dotés d'une intelligence exceptionnelle, comprennent qu'ils vont devoir travailler pour remplir leur assiette et s'endurcir pour s'adapter à la violence du monde.


Dans un grand cahier, ils consignent leurs journées avec leurs rencontres, leurs observations et leur apprentissage personnel. Ils s'imposent à chacun des exercices extrêmement durs pour renforcer leur résistance à la douleur, au froid et à la faim. Les notions d'amour et de tendresse, jugées parfaitement subjectives et inutiles, sont très vite oubliées au profit du pragmatisme. Pour survivre à la violence quotidienne, les jumeaux vont devoir se créer leurs propres codes. La débrouille et la nécessité l'emportent alors sur la morale…


Quel choc ! Je ne m'attendais vraiment pas à lire un récit sur l'enfance aussi dur et violent ! D'ailleurs, c'est la description de cette enfance qui n'en est pas une qui perturbe autant. le récit, qui prend la forme d'un cahier, est toujours raconté à la première personne du pluriel. Les enfants, bien qu'étant deux, ne forment qu'une seule et même entité et s'expriment exclusivement par ce « nous » omniprésent. On ne connaît ni leur âge, ni leur nom (à moins de lire la quatrième de couverture…), mais on les devine très jeunes (peut-être 8 ou 9 ans) et très en avance sur leur âge. Enfants de la débrouille, ils jugent ce qui les entoure avec un regard particulièrement acéré, qui peut faire froid dans le dos. Leurs actes sont principalement poussés par la nécessité, mais une certaine cruauté demeure, liée à cette absence de morale et au désir de ne plus souffrir et donc de se couper de leurs émotions.


L'horreur est racontée avec beaucoup de froideur, de distance et d'objectivité, comme on décrirait un évènement anodin, ce qui tend à la rendre encore plus sordide. Scènes de zoophilie, de pédophilie, de masochisme et de tortures composent ce grand cahier. le dégoût et la révolte se mêlent à une fascination morbide et un désir de savoir comment les deux enfants vont grandir dans cet univers violent et malsain. Les chapitres sont très courts et se dévorent avec une avidité mêlée de malaise. L'écriture d'Agota Kristof est hypnotique, incisive, fascinante, addictive. On y prend goût, à tel point qu'une fois le premier tome de cette trilogie refermé, on a qu'une envie : se procurer la suite ! Un roman bouleversant, perturbant qui nous livre l'histoire d'une enfance brisée et d'une innocence perdue.
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