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Critique de FabPz


FabPz
05 novembre 2019
S'il fallait résumer "La mort muette", je dirais qu'il s'agit d'un bon polar mais dont le style s'avère très (trop?) austère. de ce point de vue, et puisque cette comparaison est, somme toute inévitable, je trouve que Volker Kutscher est un peu l'anti-Kerr (sans mauvais jeu de mots s'agissant d'un historien).

Après avoir lu "Le poisson mouillé", j'avais décidé de lire "La mort muette", le deuxième opus . On y retrouve les mêmes forces mais aussi les mêmes faiblesses.

La force du roman est indiscutablement l'intrigue policière. le déroulement de l'enquête est soigné et le récit assez efficace. On voit les contraintes posées par l'existence d'une hiérarchie policière et l'organisation de la police berlinoise de l'époque est bien décrite. L'auteur exploite bien le système des fausses ou vraies pistes et rend bien compte de la démarche de l'enquêteur. Il sait par ailleurs imprimer le bon tempo à l'enquête. L'histoire est plutôt originale tout en restant réaliste (pas de flic qui tombe miraculeusement sur des secrets d'État du type Bernie Gunther). de ce point de vue, la dimension policière du roman est une vraie réussite.

Le petit bémol vient du choix de l'auteur sa tendance à changer de point de vue (un procédé que l'on retrouve dans "Goldstein"). Révéler la perspective du coupable permet de comprendre au fur et à mesure ses motivations mais peut parfois sembler un peu frustrant voire déconcertant.
Toutefois, ce choix de la part de Volker Kutscher est défendable en ce que le récit gagne en tension ce qu'il perd en suspense. Mais je trouve que ces aller-retours entre le policier et le coupable nuisent parfois à la fluidité d'ensemble de la narration.

En revanche, que le style est austère! Et ce n'est pas un problème de traduction! L'auteur a un style (trop) épuré (contrairement à Kerr qui use et abuse des figures de style, il y en a très peu chez Kutscher). Cela peut se défendre par l'usage d'une narration impersonnelle mais cela ne participe pas à améliorer la fluidité du récit.
En conséquence, on a un style très froid qui est très efficace dans le cadre de l'enquête policière mais qui ralentit et affadit le récit dès lors qu'on quitte l'aspect policier à strictement parler pour aborder la vie sentimentale et personnelle du héros.

(par exemple, il revoit Charly, la fille dont il est éperdument amoureux et l'invite au cabaret et ça donne un truc du genre : "ils avaient eu une très bonne place. Dans la loge qui dominait la scène. Sur le programme ils avaient remarqué que le spectacle débutait par Hans&Fritz les deux plus grands humoristes de la capitale. le spectacle était réussi. Tout le monde riait. Surtout Charly. Ah Charly était si belle quand elle riait. Rat avait commandé le repas qu'un garçon était venu apporter dans leur loge: en entrée, une salade de poissons puis en plat principal, un poulet rôti avec des patates. le tout agrémenté d'une bouteille de champagne le repas était délicieux. Charly se délectait. Et Rath était heureux."
J'exagère mais cela revient au final à cela...)

On en vient à l'autre limite de l'oeuvre de Kutscher: les personnages. Ils s'intègrent bien dans L Histoire. Mais on a l'impression que l'auteur campe sur des types: le flic-tête-brûlée-qui fait-cavalier-seul, le père haut fonctionnaire de police volontiers pontifiant en conflit larvé avec son fiston, le commissaire principal un peu borné, la dactylo garçon manqué etc...
Après tout ce ne serait pas gênant si l'auteur donnait un peu d'épaisseur à son personnage principal (qu'il est supposé suivre pendant plusieurs volumes). Mais là encore le style choisi dessert son personnage principal dont le côté tête à claques n'est pas toujours compensé par des côtés attachants susceptibles de faire naître l'empathie chez le lecteur. On le suit. Sans plus. On ne s'attache pas au personnage. On s'y fait...

Quoiqu'il en soit, on ne peut qu'être assez impressionné par le travail minutieux (parfois à l'excès) de reconstitution du Berlin de l'époque, de l'étude de l'organisation de la police berlinoise dans les années 1930 et ainsi que par la bonne facture de l'intrigue policière. Malgré quelques longueurs ici et là (mais qui n'en fait pas ?), on passe un bon moment. J'attends de terminer "Goldstein", le troisième opus, pour me faire une idée plus précise de cet auteur.
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